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18/07/2022 | FRANCE | N°21PA04944

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 18 juillet 2022, 21PA04944


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 14 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement.

Par un jugement n°1808534 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 septembre 2021, M. E... B..., représenté par Me Cadot, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 14 août 2018 p

ar laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le ve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 14 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement.

Par un jugement n°1808534 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 septembre 2021, M. E... B..., représenté par Me Cadot, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 14 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision litigieuse est entachée d'un vice de procédure faute de respect du principe du contradictoire dès lors que son employeur a transmis à l'administration, postérieurement à sa demande de licenciement, des pièces que l'inspecteur du travail ne lui a pas communiquées et sur lesquelles il n'a pu formuler d'observations :

- elle est insuffisamment motivée ;

- les faits datant de mars et mai 2017 sont prescrits dès lors que la direction avait connaissance des faits au moment de leur survenance et antérieurement au rapport d'enquête du 7 juin 2018 ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ; le rapport d'enquête du 7 juin 2018 est entaché de partialité ; le tribunal a renversé la charge de la preuve en lui reprochant de ne pas produire les factures téléphoniques permettant de procéder aux recoupements avec les éléments fournis par Axa ; les éléments sur lesquels se fondent les griefs ne sont pas probants ;

- les faits ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; l'inspecteur du travail ne pouvait, dans l'appréciation de la gravité des faits, retenir le blâme du 12 mai 2017 dès lors que la réalité des faits n'était pas établie, et surtout, qu'il avait contesté cette sanction disciplinaire ;

- l'inspection du travail aurait dû prendre en compte les défaillances de son employeur en matière de sécurité des salariés et le climat social très tendu ;

- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec l'exercice de ses mandats.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2021, la société Axa Banque, représentée par Me Leclercq conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée au ministre du travail qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Camara, représentant M. B... et de Me Sanchez, représentant la société Axa Banque.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., employé par la société Axa Banque depuis le 1er juin 2004, en dernier lieu en tant que gestionnaire octroi de crédit, était à la date de la demande de licenciement dont il a été l'objet, investi des mandats de délégué syndical, délégué du personnel titulaire, membre titulaire du comité d'entreprise, membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), membre titulaire du comité de groupe France (CGF) et membre suppléant du comité européen groupe (CEG). Il relève appel du jugement du

3 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé à son employeur l'autorisation de le licencier.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. A l'effet de concourir à la mise en œuvre de la protection ainsi instituée, les articles R. 2421-4 et R. 2121-11 du code du travail disposent que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ".

3. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. C'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

4. M. B... soutient que la décision litigieuse est entachée d'un vice de procédure faute de respect du principe du contradictoire, dès lors que son employeur a transmis à l'administration, postérieurement à sa demande de licenciement, des pièces que l'inspecteur du travail ne lui a pas communiquées et sur lesquelles il n'a pu formuler d'observations. Il ressort, en effet, de la décision litigieuse qu'elle se fonde pour apprécier la matérialité et l'imputabilité des faits reprochés à M. B..., au point 6, sur le rapport d'enquête interne du

7 juin 2018 " basé sur des témoignages de salariés des entreprises Axa banque, Axa France et Axa assistance (...) des témoignages in extenso des salariés entendus de manière non anonyme dans le cadre de l'enquête interne ainsi que des courriels produits par l'employeur (...) " et, au point 20, sur " le rapport adressé le 3 mai 2018 par M. A... [agent de la direction du cadre de vie de la société Axa] à la direction des ressources humaines sur le comportement de M. B... du 26 avril au 3 mai et les témoignages de M. A... et de

M. D... " et que ces différents témoignages n'étaient ni annexés au dossier de demande de licenciement, ni reproduits dans la demande elle-même. La ministre du travail, qui n'a pas produit en appel, n'a, en première instance, ni établi ni même soutenu que l'administration aurait mis M. B... à même de prendre connaissance de l'ensemble de ces pièces sur lesquelles s'est appuyé l'inspecteur du travail pour prendre sa décision. Par suite, M. B... est fondé à soutenir qu'il a été privé d'une garantie procédurale et que la décision litigieuse est, pour ce motif, entachée d'illégalité.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement.

Sur les frais de l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que

M. B..., qui n'est pas la partie perdante, verse à la société Axa Banque, la somme qu'elle demande au titre des frais de l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner cette dernière à verser à M. B... une somme sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1808534 du 5 juillet 2021 du tribunal administratif de Melun et la décision du 14 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de

M. B..., sont annulés.

Article 2 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à la société Axa Banque.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2022.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA04944 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04944
Date de la décision : 18/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET LUSIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-18;21pa04944 ?
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