Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2009163/1-3 du 17 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 8 juillet 2021, 20 janvier 2022 et
10 février 2022, M. D..., représenté par Me Pigot, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 10 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler durant cet examen, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, Me Pigot, au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé concernant la réponse au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est à ce titre également entaché d'un défaut d'examen ;
- les juges de première instance ont commis une erreur de droit en considérant qu'aucun texte ou principe général n'imposait la communication de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; cet avis n'a pas été initialement joint à la décision litigieuse ; en outre, il n'est pas établi que l'avis aurait été rendu à l'issue d'une délibération collégiale, notamment dans l'hypothèse où les médecins exerceraient dans des départements différents ;
- l'avis du collège des médecins de l'OFII ne comporte pas la signature du Dr C... et les autres signatures ne revêtent pas un caractère authentique ;
- l'arrêté méconnaît l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mai 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et
R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les observations de Me Frydryszak, avocat de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D..., ressortissant algérien né le 2 juillet 1969 à El Arrouch, relève appel du jugement du 17 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 10 septembre 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Paris a expressément répondu au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même que ce moyen n'était assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable en l'espèce aux demandes présentées par des ressortissants algériens, dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article
R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et
R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Selon l'article 6 du même texte : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement./Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays./Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. D'une part, si l'intéressé soutient que l'arrêté attaqué serait irrégulier en l'absence de communication de l'avis médical du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) auquel il se réfère, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité préfectorale de joindre à une décision de refus de titre, dont le renouvellement a été sollicité en qualité d'étranger malade, l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'OFII. Au demeurant, l'administration a produit, en première instance, une copie de cet avis communiqué au requérant dans le cadre de l'instruction. M. D... n'est ainsi pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait irrégulier en raison du défaut de communication du rapport et de l'avis médical de l'OFII.
5. D'autre part, il résulte de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 que l'avis est émis par le collège de médecins à l'issue d'une délibération pouvant prendre la forme soit d'une réunion, soit d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. M. D... soutient que l'avis en cause n'a pas été émis collégialement. Toutefois, lorsque l'avis, signé par les trois praticiens qui composent le collège, porte, comme en l'espèce, sous la responsabilité de ce collège, la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis émis le 14 mars 2019 fait foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est pas rapportée par le requérant.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
7. Pour rejeter la demande de titre de M. D..., le préfet de police s'est approprié l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 14 mars 2019 selon lequel si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé algérien, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
8. A l'appui du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées, M. D... a fait valoir en première instance qu'il souffrait de plusieurs affections graves de longue durée dont l'épilepsie, de migraines, d'asthme et d'insuffisance respiratoire chronique. L'intéressé a notamment produit, au soutien de ses allégations, un protocole de soins établi le 19 novembre 2018 ainsi que des ordonnances postérieures à l'arrêté en litige, faisant état de prescriptions relatives au traitement de son affection. Ces documents ne font toutefois pas état de l'éventuelle indisponibilité du traitement suivi dans son pays d'origine. En outre, il ressort de la liste algérienne des médicaments remboursables par la sécurité sociale de ce pays produite en défense qu'y figurent le Diazepam, la Clomipramine, le Salbutamol, ainsi que le Diclofenac, médicaments composant le traitement de
M. D.... En outre, cette liste comprend également les substances actives du Rivotril et du Qvar, qui sont respectivement les clonazepam et beclometasone. Enfin, le préfet de police indique, sans être contredit par aucune des pièces produites par le requérant, que M. D... pourrait bénéficier de médicaments équivalents aux Lyrica, antiépileptique, Sibelium, antimigraineux, ainsi qu'au Spiolto Respimat, bronchodilatateur, qui figurent également sur la liste précitée de médicaments remboursables en Algérie. En effet, M. D... se prévaut notamment d'un certificat médical du 17 janvier 2022, indiquant que les médicaments Spiolto et Sibelium qui lui sont prescrits ne sont pas substituables. Toutefois, cette mention est insuffisamment circonstanciée dès lors qu'elle ne précise pas le motif médical excluant la substitution, conformément à l'arrêté du
21 novembre 2019 pris en application de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique et qu'aucune précision n'est apportée sur la possibilité pour lui de bénéficier des spécialités équivalentes existant en Algérie. Enfin, les articles de presse produits par le requérant ne sont pas davantage de nature à remettre en cause les éléments du dossier attestant de la possibilité pour lui de bénéficier effectivement, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations précitées de l'alinéa 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
9. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. D... fait valoir qu'il est présent sur le territoire français depuis le mois de décembre 2016. Toutefois, il n'est pas contesté par le requérant que son épouse et ses trois enfants vivent à l'étranger. En outre, les pièces produites par M. D... en vue d'établir l'ancienneté de sa présence en France, constituées pour l'essentiel de documents médicaux, ne sont pas de nature à établir qu'il y aurait transféré le centre de ses intérêts privés. En tout état de cause, l'intéressé y résidait depuis moins de trois ans à la date de l'arrêté en litige. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. D... a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 12 mars 2019 par le préfet des Hauts-de-Seine et a notamment été placé en garde à vue le 31 mai 2019 pour outrage sur personne dépositaire de l'autorité publique, alors qu'il vendait des cigarettes à la sauvette. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de police n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale en l'obligeant à quitter le territoire français et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D....
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2022.
Le président-rapporteur,
I. A...L'assesseure la plus ancienne,
M-D. JAYERLe greffier,
E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03813