Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil la décharge des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 à raison de revenus fonciers de source française.
Par un jugement n° 1805037 du 15 septembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 novembre 2020 et le 30 mai 2022, M. A..., représenté par la SELARL CGC Avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1805037 du 15 septembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à tout le moins une somme de 2 464,40 euros.
Il soutient qu'il a relevé, au titre des années 2012 et 2013, du régime de sécurité sociale suisse, de sorte qu'il ne pouvait, en application du principe d'unicité de la législation, être assujetti aux prélèvements sociaux destinés à financer le régime de sécurité sociale français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu partiel à statuer et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il fait valoir que :
- il a procédé à un dégrèvement partiel des impositions en litige ;
- aucun des moyens soulevés au soutien des conclusions aux fins de décharge des impositions restant en litige n'est fondé.
Par une ordonnance du 18 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 juin 2022, à 12 heures.
Un mémoire a été produit par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique le 27 juin 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ;
- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 ;
- l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 28 mai 1974, Odette Callemeyn contre Etat belge (187/73) ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre de Ruyter (C-623/13) ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a perçu des revenus tirés de biens immobiliers situés en France au titre des années 2012 et 2013. Par deux réclamations datées du 24 mars 2015 et du 23 novembre 2015, il a demandé à l'administration fiscale la décharge des prélèvements sociaux mis à sa charge à raison des revenus fonciers ainsi perçus. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 13 mai 2022, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur général des finances publiques a prononcé un dégrèvement des impositions en litige d'un montant de 16 784 euros au titre de l'année 2012 et de 17 604 euros au titre de l'année 2013. A concurrence de ces dégrèvements, les conclusions aux fins de décharge sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur le surplus des conclusions en décharge :
3. En vertu de l'article 13 du règlement du Conseil n° 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, et dont les dispositions sont reprises à l'article 11 du règlement du Parlement européen et du Conseil n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles le règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre.
4. Par un arrêt du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter, C-623/13, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le règlement du Conseil du 14 juin 1971 devait être interprété en ce sens que des prélèvements sur les revenus du patrimoine, tels que la contribution sociale sur les revenus du patrimoine, la contribution pour le remboursement de la dette sociale assise sur ces mêmes revenus, le prélèvement social de 2 % et la contribution additionnelle à ce prélèvement présentaient, lorsqu'ils participaient au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale, un lien direct et pertinent avec certaines des branches de sécurité sociale énumérées à l'article 4 de ce règlement et relevaient donc du champ d'application de ce règlement, alors même qu'ils étaient assis sur les revenus du patrimoine des personnes assujetties, indépendamment de l'exercice par ces dernières de toute activité professionnelle. Ces prélèvements sur les revenus du patrimoine étaient alors soumis au principe d'unicité de législation rappelé au point 3.
5. Aux termes de l'article 1600-0 S du code général des impôts : " I. - Il est institué : / 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; / 2° Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 du même code. / (...) / III. - Le taux des prélèvements de solidarité mentionnés au I est fixé à 2 % (...) ". Dans sa rédaction antérieure à celle applicable à compter du 1er janvier 2015 résultant de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, le IV du même article prévoyait que le produit de ces prélèvements de solidarité était affecté, pour partie, " au fonds mentionné à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles ", pour partie " au fonds mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation " et enfin, pour partie, " au fonds mentionné à l'article L. 5423-24 du code du travail ".
6. Aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 : " 1. Le présent règlement s'applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent : / a) les prestations de maladie ; / b) les prestations de maternité et de paternité assimilées ; / c) les prestations d'invalidité ; / d) les prestations de vieillesse ; / e) les prestations de survivant ; / f) les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles ; / g) les allocations de décès ; / h) les prestations de chômage ; / i) les prestations de préretraite ; j) les prestations familiales. / 2. Sauf disposition contraire prévue à l'annexe XI, le présent règlement s'applique aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, soumis ou non à cotisations, ainsi qu'aux régimes relatifs aux obligations de l'employeur ou de l'armateur. / 3. Le présent règlement s'applique également aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l'article 70. / (...) ". Aux termes de l'article 70 du même règlement : " 1. Le présent article s'applique aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif relevant d'une législation qui, de par son champ d'application personnel, ses objectifs et/ou ses conditions d'éligibilité, possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale visée à l'article 3, paragraphe 1, et d'une assistance sociale. / 2. Aux fins du présent chapitre, on entend par "prestations spéciales en espèces à caractère non contributif" les prestations / a) qui sont destinées : / i) soit à couvrir à titre complémentaire, subsidiaire ou de remplacement, les risques correspondant aux branches de sécurité sociale visées à l'article 3, paragraphe 1, et à garantir aux intéressés un revenu minimum de subsistance eu égard à l'environnement économique et social dans l'État membre concerné ; / ii) soit uniquement à assurer la protection spécifique des personnes handicapées, étroitement liées à l'environnement social de ces personnes dans l'État membre concerné ; / et / b) qui sont financées exclusivement par des contributions fiscales obligatoires destinées à couvrir des dépenses publiques générales et dont les conditions d'attribution et modalités de calcul ne sont pas fonction d'une quelconque contribution pour ce qui concerne leurs bénéficiaires. Les prestations versées à titre de complément d'une prestation contributive ne sont toutefois pas considérées, pour ce seul motif, comme des prestations contributives ; / et / c) qui sont énumérées à l'annexe X ".
7. M. A... soutient que son assujettissement aux impositions contestées, parmi lesquelles demeure seulement en litige, à la suite de la décision de dégrèvement mentionnée au point 2, le prélèvement de solidarité prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts, méconnaît le principe d'unicité de législation rappelé au point 3. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait valoir qu'aucune des prestations financées par le prélèvement de solidarité n'entre dans le champ d'application du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004
8. En l'espèce, en premier lieu, en vertu de l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015, le fonds national d'aide au logement finance l'aide personnalisée au logement, la prime de déménagement prévue à l'article L. 351-5 du même code et les dépenses de gestion qui s'y rapportent, les dépenses du conseil national de l'habitat ainsi que l'allocation de logement relevant du titre III du livre VIII du code de la sécurité sociale et les dépenses de gestion qui s'y rapportent. Les prestations financées par le fonds national d'aide au logement ne relèvent ainsi d'aucune des branches de sécurité sociale au sens de l'article 3, paragraphe 1, du règlement du 29 avril 2004. En particulier, elles ne relèvent pas de la branche qui concerne les " prestations familiales " au sens du z) de l'article 1er du règlement, dès lors qu'elles ne sont pas " destinées à compenser les charges de famille ".
9. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015, le fonds national des solidarités actives finance une part du revenu de solidarité active. S'agissant du revenu de solidarité active, il constitue une prestation non contributive relevant de l'assistance sociale dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 28 mai 1974, Odette Callemeyn contre Etat belge (187/73), qu'une prestation relève de l'assistance sociale pour l'application de ce règlement " notamment lorsqu'elle retient le besoin comme critère essentiel d'application et fait abstraction de toute exigence relative à des périodes d'activité professionnelle, d'affiliation ou de cotisation ". Or, en application de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active (...) ". Alors même qu'il posséderait également les caractéristiques d'une législation en matière de sécurité sociale visée à l'article 3, paragraphe 1, du règlement du 29 avril 2004, le revenu de solidarité active n'est, en tout état de cause, pas mentionné à l'annexe X de ce règlement du 29 avril 2004 qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique.
10. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 5423-24 du code du travail, le fonds de solidarité gère les moyens de financement de l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 5423-1, de l'allocation équivalent retraite prévue à l'article L. 5423-18, de la prime forfaitaire prévue à l'article L. 5425-3 et de l'aide prévue au II de l'article 136 de la loi du 30 décembre 1996 de finances pour 1997. En application de l'article L. 5423-1 du même code : " Ont droit à une allocation de solidarité spécifique les travailleurs privés d'emploi qui ont épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance ou à l'allocation de fin de formation prévue par l'article L. 5423-7 et qui satisfont à des conditions d'activité antérieure et de ressources ". Aux termes de l'article L. 5423-18 du même code, abrogé à compter du 1er janvier 2009 et dont les dispositions sont restées applicables aux bénéficiaires de l'allocation à cette date : " Ont droit à une allocation équivalent retraite, sous conditions de ressources, les demandeurs d'emploi qui justifient, avant l'âge de soixante ans, de la durée de cotisation à l'assurance vieillesse, définie au deuxième alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, requise pour l'ouverture du droit à une pension de vieillesse à taux plein, validée dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ainsi que de celle des périodes reconnues équivalentes ". Aux termes de l'article L. 5423-19 du même code, dans cette même rédaction : " L'allocation équivalent retraite se substitue, pour leurs titulaires, à l'allocation de solidarité spécifique ou à l'allocation de revenu minimum d'insertion prévue à l'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles. / L'allocation équivalent retraite prend la suite de l'allocation d'assurance pour ceux qui ont épuisé leurs droits à cette allocation. / Elle peut également compléter l'allocation d'assurance lorsque cette allocation ne permet pas d'assurer à son bénéficiaire un total de ressources égal à celui prévu à l'article L. 5423-20 ". Aux termes de l'article L. 5425-3 du même code : " Le bénéficiaire de l'allocation de solidarité spécifique qui reprend une activité professionnelle a droit à une prime forfaitaire ". Aux termes du II de l'article 136 de la loi du 30 décembre 1996 de finances pour 1997 : " Les personnes admises au bénéfice des dispositions de l'article L. 351-24 du code du travail qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 351-10 du même code reçoivent une aide de l'Etat d'un montant égal à celui de l'allocation de solidarité spécifique à taux plein. / Cette aide est versée mensuellement, pour une durée de six mois, à compter de la date de création ou de la reprise d'entreprise ".
11. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 5423-1 du code du travail que l'allocation de solidarité spécifique, dont les bénéficiaires ont épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance chômage et bénéficient de cette allocation au titre d'un régime de solidarité pour les travailleurs involontairement privés d'emploi, n'est pas une " prestation de chômage " au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous h) du règlement du 29 avril 2004. Il en va de même pour l'allocation équivalent retraite qui, en vertu de l'article L. 5423-19 du code du travail, soit se substitue à l'allocation de solidarité spécifique ou au revenu minimum d'insertion devenu revenu de solidarité active, soit complète l'allocation d'assurance chômage lorsque celle-ci ne permet pas d'assurer à son bénéficiaire un minimum de ressources. Il en va également de même pour les deux autres prestations financées par le fonds de solidarité, qui sont versées, sous certaines conditions, aux personnes bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique qui reprennent une activité salariée ou non salariée ou reprennent ou créent une entreprise. D'autre part, à supposer que ces prestations spéciales à caractère non contributif financées par le fonds de solidarité entrent dans le champ défini au paragraphe 1 de l'article 70 du règlement du 29 avril 2004, elles ne sont en tout état de cause pas énumérées à l'annexe X de ce règlement qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique.
12. Ainsi, aucune des prestations financées par les trois fonds mentionnés ci-dessus auxquels est spécifiquement affecté le prélèvement de solidarité prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015 n'entre dans le champ d'application du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004. Par suite, l'application du prélèvement de solidarité aux revenus en cause ne méconnaît pas le principe d'unicité de législation sociale posé par l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004. Le moyen doit donc être écarté.
13 Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander la décharge du surplus des impositions restant à sa charge, à savoir, les seules cotisations de prélèvement de solidarité mises à sa charge au titre des années 2012 et 2013.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... portant sur les cotisations supplémentaires de contributions sociales à concurrence des dégrèvements s'élevant respectivement à 16 784 euros au titre de l'année 2012 et à 17 604 euros au titre de l'année 2013 prononcés par le directeur général des finances publiques le 13 mai 2022.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Wladimir A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction des impôts des non résidents.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2022, où siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2022.
Le rapporteur,
K. B...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03307