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11/07/2022 | FRANCE | N°21PA04499

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 11 juillet 2022, 21PA04499


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

21 avril 2021 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois, en l'informant qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2108820/3-2 du 6 juillet 2021, le tribuna

l administratif de Paris a annulé la décision portant interdiction de retour sur le t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

21 avril 2021 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois, en l'informant qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2108820/3-2 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 août 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la requête de M. A....

Il soutient que :

- c'est à tort que la magistrate désignée a retenu que M. A... n'avait pas pu faire valoir ses observations, de façon spécifique, sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;

- cette décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie personnelle normale ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme B... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de police relève appel du jugement du 6 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 21 avril 2021 portant interdiction à M. A..., ressortissant ivoirien né le 23 novembre 2001 à Abidjan, de retourner sur le territoire national pour une durée de deux ans.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes des dispositions alors codifiées au III de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier, sixième et septième alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (... ) ".

3. Le droit d'être entendu n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français dont elle assortit l'obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

4. Pour annuler la décision portant interdiction de retour sur le territoire français infligée à M. A..., le premier juge a retenu que l'intéressé n'avait pas pu faire valoir de façon spécifique les éléments qui auraient pu faire obstacle à cette mesure, laquelle était disproportionnée par rapport aux objectifs en vue desquels elle a été prise. Toutefois, il ressort du procès-verbal dressé

le 21 avril 2021 par l'officier de police judiciaire ayant procédé à l'audition de M. A... que la situation de l'intéressé au regard du droit au séjour en France a été clairement évoquée, de même que sa situation personnelle et familiale. M. A... a d'ailleurs admis être dépourvu de titre de séjour et n'avoir pas cherché à régulariser sa situation. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans enfant est entré en France, irrégulièrement en 2018 et que sa famille réside dans son pays d'origine. Le préfet de police est par conséquent fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

6. En premier lieu, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée et de son insuffisante motivation, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement en France en 2018 et qu'il n'a pas cherché à régulariser sa situation, ainsi qu'il a déjà été dit au point 4 du présent arrêt. Il a par ailleurs été interpellé le 20 avril 2021 pour acquisition, détention, usage, offre ou cession non autorisée de stupéfiants. Lors de cette interpellation, il a indiqué aux services de police n'avoir pas de famille en France. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de police n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

9. Enfin, si M. A... se prévaut de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'assortit ce moyen d'aucune précision sur les risques réels et personnels qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine. Ce moyen ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 21 avril 2021 portant interdiction à M. A... de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2108820/3-2 du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2022.

La présidente-rapporteure,

M. B...L'assesseure la plus ancienne,

M.D. JAYER

La greffière,

A. DUCHERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04499


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04499
Date de la décision : 11/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-11;21pa04499 ?
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