Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour.
Par un jugement n° 2103848/3-3 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 décembre 2021 et des mémoires enregistrés les 22 janvier 2022, 7 avril 2022 et 16 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Lamine, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2103848/3-3 du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre avec saisine de la commission du titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros à verser son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a insuffisamment pris en compte les documents qu'elle avait produits en première instance ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 de ce code ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de cet article ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 2-2 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 16 juin 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 27 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante guinéenne née en août 1971, est entrée en France en décembre 2015 selon ses déclarations. Le 13 janvier 2020, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 9 juin 2020, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour. Mme B... fait appel du jugement du 13 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 55 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, dont les dispositions sont reprises aux articles L. 423-7 et L. 423-8 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ". Il résulte des dispositions combinées du IV de l'article 71 de la loi du 10 septembre 2018 et du I de l'article 52 du décret du 27 février 2019 pris pour son application que les dispositions citées ci-dessus s'appliquent aux demandes postérieures au 1er mars 2019.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a donné naissance le 4 novembre 2017 à une fille qui a été reconnue par un ressortissant français. Elle était titulaire d'une carte de séjour temporaire délivrée par le préfet de police en sa qualité de mère d'enfant français sur le fondement des dispositions alors applicables du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en demandait le renouvellement. Il résulte des dispositions précitées de cet article qu'il appartenait au préfet de police, qui ne remettait pas en cause la filiation de l'enfant de nationalité française de Mme B..., d'apprécier le droit au séjour de celle-ci au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. Or, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, ni des pièces du dossier que le préfet aurait examiné le droit au séjour de la requérante au regard de l'intérêt supérieur de son enfant de nationalité française avant de prendre l'arrêté contesté. Dans ces conditions, l'arrêté du 9 juin 2020 est entaché d'illégalité et doit, par suite, être annulé.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement ni de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
6. Compte tenu de ses motifs, l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas que soit délivré à Mme B... un titre de séjour. En revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de ce réexamen.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros à Mme B... au titre des frais qu'elle a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2103848/3-3 du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris ainsi que l'arrêté du préfet de police du 9 juin 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de
Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme B... une somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. D..., premier vice-président,
- M. Diémert, président assesseur,
- M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
J. D...
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA06276 2