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07/07/2022 | FRANCE | N°21PA05283

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 21PA05283


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 8 juin 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris a rejeté ses recours administratifs préalables dirigés contre la sanction de vingt jours de confinement en cellule, à lui infligée le 24 mai 2018 par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin.

Par un jugement n° 1807758 du 29 juillet 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.



Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 30 septembre 2021 le g...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 8 juin 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris a rejeté ses recours administratifs préalables dirigés contre la sanction de vingt jours de confinement en cellule, à lui infligée le 24 mai 2018 par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin.

Par un jugement n° 1807758 du 29 juillet 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 30 septembre 2021 le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1807758 du 29 juillet 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- les premiers juges se sont fondés sur des faits matériellement inexacts et ont commis une erreur d'appréciation dès lors que la commission de discipline était régulièrement composée ;

- les moyens de la demande de première instance ne sont pas fondés.

Le recours a été communiqué à M. C... qui n'a pas présenté d'observations en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et les administrations ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., détenu au centre pénitentiaire de Meaux depuis le 5 avril 2018 a, après un rapport d'incident du 25 avril 2018, été traduit devant la commission de discipline le 24 mai 2018, laquelle a prononcé à son encontre une sanction de vingt jours de confinement en cellule. Conformément à l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale, il a exercé un recours administratif préalable obligatoire devant le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris, qui a expressément rejeté ce recours par décision du 8 juin 2018. M. C... ayant saisi le tribunal administratif de Melun afin qu'il prononce l'annulation de cette dernière décision, ce tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 29 juillet 2021 dont l'intéressé relève appel devant la Cour.

2. Aux termes de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. Le directeur interrégional dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L'absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet. ". L'institution, par ces dispositions, d'un recours administratif préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale et elle est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité. En outre, si l'exercice d'un tel recours a pour but de permettre à l'autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l'intervention du juge, la décision prise sur le recours n'en demeure pas moins soumise elle-même au principe de légalité et si le requérant ne peut invoquer utilement des moyens tirés des vices propres à la décision initiale, lesquels ont nécessairement disparu avec elle, il est recevable à exciper de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de discipline.

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie.

Sur le moyen d'appel du garde des sceaux, ministre de la justice :

4. Le garde des sceaux, ministre de la justice soutient que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en relevant que la commission de discipline n'était pas régulièrement composée.

5. Aux termes des dispositions de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale alors en vigueur : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". Et, aux termes de l'article R. 57-7-8 du même code, alors applicable : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. / Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. / Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal judiciaire territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal judiciaire ".

6. Les premiers juges ont relevé qu'aucune pièce du dossier ne comportant d'indication quant à la composition de la commission de discipline, M. C... est fondé à soutenir qu'il n'est pas établi que le président de cette commission aurait été assisté de deux assesseurs, lors de la tenue de la séance, conformément aux exigences posées par les dispositions de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale. Ils ont décidé que, dans ces circonstances, et faute que la commission de discipline qui a siégé le 24 mai 2018 ait été régulièrement composée, l'intéressé a été privé d'une garantie et la décision de la commission est entachée d'une irrégularité à laquelle n'a pas remédié la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris du 8 juin 2018 qui est, dès lors, illégale.

7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la commission de discipline qui a siégé le 24 mai 2018 et devant laquelle a comparu C... était régulièrement composée au regard des dispositions législatives précitées dès lors qu'y siégeaient effectivement les deux assesseurs prévus par les dispositions réglementaires citées au point 5. Il suit de là que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision attaquée en se fondant sur le moyen tiré de l'irrégularité de composition de la commission.

8. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. C... devant le tribunal administratif de Melun.

Sur les autres moyens de première instance de M. C... :

9. M. C... soutient que les droits de la défense ont été méconnus ainsi que les dispositions de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale dès lors que ni lui, ni son conseil ont été informés de la nouvelle date de la réunion de la commission de discipline à laquelle ils n'ont pas participé.

10. Aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " I. - En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. / La personne détenue est informée de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline ainsi que du délai dont elle dispose pour préparer sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. / II. - La personne détenue dispose de la faculté de se faire assister par un avocat de son choix ou par un avocat désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats et peut bénéficier à cet effet de l'aide juridique. ". Ces dispositions impliquent que l'intéressé ait été informé en temps utile de la possibilité de se faire assister d'un avocat, possibilité dont il appartient à l'administration pénitentiaire d'assurer la mise en œuvre lorsqu'un détenu en fait la demande, la circonstance que l'avocat dont l'intéressé a ainsi obtenu l'assistance ne soit pas présent lors de la réunion de la commission de discipline pouvant avoir pour conséquence de rendre la procédure irrégulière dès lors que cette absence est pas imputable à l'administration.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été informé, le 25 avril 2018, de la réunion de la commission de discipline prévue pour le lendemain, a demandé à y être assisté par un avocat, puis que l'examen de son cas a été reporté à une date ultérieure, et la commission de nouveau convoquée pour le 24 mai 2018. À l'occasion de cette nouvelle réunion de la commission, ni l'intéressé ni son conseil n'étaient présent, et l'administration n'établit pas qu'elle aurait accompli les diligences nécessaires pour que l'avocat du détenu fut dûment informé de cette nouvelle date, ni qu'ainsi l'absence de ce dernier ne lui soit pas imputable. Par suite, M. B... C..., qui a ainsi été privé d'une garantie, est fondé à soutenir que la décision litigieuse est entachée d'illégalité.

12. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande de première instance, que le garde des sceaux, ministre de la justice, n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Melun a, par le jugement attaqué, prononcé l'annulation de la décision litigieuse. Son recours doit donc être rejeté.

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du garde des sceaux, ministre de la justice, est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.

Le rapporteur,

S. A...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05283
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-07;21pa05283 ?
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