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07/07/2022 | FRANCE | N°21PA04870

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 21PA04870


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 30 août 2021, des mémoires récapitulatifs enregistrés les 15 décembre 2021 et le 27 février 2022 et un mémoire enregistré le 27 mai 2022, l'association Environnement 93, le Mouvement national de lutte pour l'environnement - 93 et Nord Est parisien, Mme D... F..., M. A... E... et M. B... C..., représentés par Me Heddi, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler l'arrêté n° PC 93 001 20 A0049 en date du 21 juillet 2021 par lequel la maire de la commune d'Aubervilliers (S

eine-Saint-Denis) a accordé à cette commune un permis de construire pour un cen...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 30 août 2021, des mémoires récapitulatifs enregistrés les 15 décembre 2021 et le 27 février 2022 et un mémoire enregistré le 27 mai 2022, l'association Environnement 93, le Mouvement national de lutte pour l'environnement - 93 et Nord Est parisien, Mme D... F..., M. A... E... et M. B... C..., représentés par Me Heddi, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler l'arrêté n° PC 93 001 20 A0049 en date du 21 juillet 2021 par lequel la maire de la commune d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) a accordé à cette commune un permis de construire pour un centre nautique et les arrêtés n° PC 93 001 20 A0049 M01 du 26 octobre 2021 et n° PC 93 001 20 A0049 M02 du 28 avril 2022 par lesquels la maire a délivré des permis de construire modificatifs ;

2°) d'enjoindre à la commune d'Aubervilliers de prendre toutes mesures utiles à l'égard de ses cocontractants en vue de faire cesser sans délai les travaux de construction du centre nautique d'Aubervilliers ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aubervilliers le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

S'agissant de la compétence de la Cour :

- la compétence de premier ressort de la Cour est établie, dès lors que le centre nautique d'Aubervilliers figure dans la liste des ouvrages olympiques en vue de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ;

S'agissant de la recevabilité de leur demande :

- l'intérêt à agir d'un seul requérant suffit à assurer la recevabilité de l'ensemble de la requête ;

- lorsqu'une association est agréée au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, l'agrément lui confère intérêt à agir contre toute décision administrative, quel que soit son auteur, susceptible de produire des effets dommageables sur le territoire pour lequel l'association est agréée ;

- les statuts de l'association Environnement 93 ont été déclarés en préfecture le 24 décembre 1991 ; elle est agréée au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement dans le département de la Seine-Saint-Denis et justifie donc de ce seul fait d'un intérêt à agir contre le permis de construire litigieux délivré sur le territoire couvert par l'agrément ; l'article 2 de ses statuts la charge de veiller à la protection de la faune et de la flore, auxquelles le projet litigieux est susceptible de porter atteinte ; son ressort départemental lui permet d'agir contre l'autorisation d'urbanisme portant sur un projet local situé dans le département ; en l'espèce, le projet, qui est un projet d'ouvrage olympique et un lot de la zone d'aménagement concerté du fort d'Aubervilliers, revêt une dimension au moins départementale ; son intérêt à agir n'est donc pas contestable ;

- les statuts de l'association Mouvement national de lutte pour l'environnement-93 et Nord Est parisien ont été déclarés en préfecture le 18 février 1983 ; l'article 3 desdits statuts lui confère une mission de protection du territoire et des habitants en matière d'urbanisme et d'écologie, ce qui lui permet d'agir contre une autorisation d'urbanisme ; si elle peut théoriquement intervenir sur l'ensemble de l'Île-de-France, son ressort géographique est en réalité limité au département de la Seine-Saint-Denis ; son intérêt à agir n'est donc pas contestable ;

- les trois personnes requérantes, qui sont membres de la Société des jardins ouvriers des Vertus, occupent des parcelles du jardin des Vertus et les exploitent à titre personnel ; dès lors que cette association de jardins ouvriers est régie par l'article L. 561-1 du code rural et de la pêche maritime, le même intérêt à agir que celui admis par la jurisprudence, s'agissant des propriétaires, copropriétaires ou usufruitiers d'une parcelle concernée par un projet doit leur être reconnu en l'espèce ; alors que ces parcelles sont situées à proximité immédiate du projet, et que ce dernier va entrainer l'artificialisation des sols sur une surface de 4 000 m2, le centre nautique affecte directement les conditions d'utilisation et de jouissance des parcelles exploitées par les requérants, dont l'intérêt à agir n'est ainsi pas contestable ;

- les formalités prévues aux articles R. 600-1 et R. 600-4 du code de l'urbanisme ont été remplies ;

S'agissant de la légalité du permis de construire contesté :

- l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme a été méconnu ; la partie du projet correspondant à la création d'un espace forme et bien-être est une construction à destination de commerce et a été irrégulièrement déclarée, dans le dossier de demande de permis de construire, comme une construction à destination de service public ou d'intérêt collectif ; l'inexactitude du dossier de demande de permis de construire a faussé l'appréciation du maire sur la conformité du projet au plan local d'urbanisme intercommunal de Plaine Commune ;

- le projet devait faire l'objet d'une évaluation environnementale dès lors qu'il relève du d) de la rubrique 44 de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement et qu'il est susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement ;

- la décision du préfet de région du 16 juillet 2021 dispensant le projet d'une évaluation environnementale préalable est entachée d'illégalité, notamment en ce qu'il n'a pas suffisamment tenu compte des incidences notables du projet sur les ressources naturelles du sol (terres agricoles des jardins des Vertus), sur les milieux naturels (arbres et corridors écologiques) et sur la santé humaine (pollution et nuisances) :

° s'agissant des ressources naturelles du sol, le projet impacte 4 000 m2 de parcelles agricoles ; le préfet d'Ile-de-France n'a pas pris en compte les incidences du projet sur les ressources agricoles et les effets cumulés avec le projet de gare Fort d'Aubervilliers ; il ne pouvait se fonder sur une mesure de compensation pour écarter l'incidence notable du projet ; au surplus, cette mesure de compensation ne permet pas un gain de biodiversité puisqu'elle prévoit la suppression d'un espace vert existant et devant être préservé au titre du schéma directeur de la région d'Ile-de-France ;

° s'agissant de l'incidence sur les milieux naturels, la réalisation du projet entraine l'abattage de plusieurs dizaines d'arbres ; le préfet d'Ile-de-France n'a pas tenu compte des arbres déjà abattus ; il ne pouvait tenir compte d'une mesure de compensation ;

° s'agissant des incidences sur la biodiversité, la note d'incidences environnementales ne fait mention ni des noyaux primaires de biodiversité, ni du corridor écologique du secteur du fort d'Aubervilliers, qui seront impactés par le projet ; la décision du préfet d'Ile-de-France repose sur une mesure de réduction erronée, aucun jardin d'arbres isolés n'étant prévu ; la mesure de compensation consistant à reconstituer des jardins familiaux dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté du Fort d'Aubervilliers ne peut être prise en compte ; il existe des effets cumulés négatifs avec le projet de construction d'une gare de la ligne de métro 15 Est, notamment sur la mante religieuse ;

° s'agissant des incidences sur la santé, le préfet s'est abstenu d'apprécier l'ensemble des incidences du projet, méconnaissant ainsi son office ; il n'a pas tenu compte des effets cumulés avec le projet de gare ;

° le projet de centre nautique étant ainsi susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement et sur la santé humaine, il devait donc être soumis à une évaluation environnementale préalable conformément aux dispositions des articles L. 122-1 et R. 122-3-1 du code de l'environnement et de l'annexe III de la directive 2011/92 ; ainsi délivré à l'issue d'une procédure viciée le permis de construire est illégal ;

- le projet litigieux méconnait les dispositions des articles L. 152-1 et L. 421-6 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il est contraire aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal en vigueur qui ne permettent pas la réalisation de constructions à destination de commerce ; l'espace forme et bien-être est une construction à usage de commerce ; la maire a entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation en ne requalifiant pas la destination attribuée par le pétitionnaire à cette construction ; l'espace forme et bien-être n'est ni lié, ni nécessaire au fonctionnement du centre nautique ;

- le projet litigieux méconnait également les dispositions des articles L. 152-1 et L. 421-6 du code de l'urbanisme en tant qu'il est contraire aux orientations d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme intercommunal " Fort d'Aubervilliers " et " environnement et santé " qui prévoient la préservation des jardins familiaux ; le projet prévoit au contraire l'urbanisation d'une part notable des espaces d'agriculture urbaine devant être préservés ;

- le plan local d'urbanisme intercommunal de Plaine Commune a été jugé incompatible avec le schéma directeur régional d'Ile-de-France en ce qu'il autorisait la suppression de près d'un hectare de jardins familiaux ; le classement d'une partie de la frange ouest des jardins des Vertus dans la zone UM a également été jugé incohérent avec le plan d'aménagement et de développement durable ;

-l'illégalité du plan local d'urbanisme intercommunal de Plaine Commune repose sur des motifs non étrangers aux règles applicables au projet de centre nautique d'Aubervilliers et le permis de construire du projet méconnaît les dispositions du plan local d'urbanisme d'Aubervilliers remises en vigueur par la déclaration d'illégalité du plan local d'urbanisme intercommunal de Plaine Commune ; dès lors, le permis de construire doit être annulé ;

- le projet méconnaît les dispositions du plan local d'urbanisme d'Aubervilliers relatives à la destination des constructions et à l'emprise au sol des constructions ;

- il méconnaît également les dispositions des orientations d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme relatives au secteur du fort d'Aubervilliers ;

- malgré sa modification, le projet méconnaît le règlement de la zone UVj, au sein de laquelle ne sont autorisés que les constructions, ouvrages ou travaux destinés à la gestion et au fonctionnement des jardins familiaux ou les constructions et installations nécessaires au projet du Grand Paris Express ;

- une clôture et un jardin doivent être implantés en zone UVj en méconnaissance de l'article 2.1 du règlement du plan local d'urbanisme remis en vigueur par l'arrêt de la Cour du 10 février 2022 ;

- le projet méconnaît les articles 13.4.2 du règlement de la zone UVj et de la zone UG4 concernant l'implantation d'arbres à grand développement ;

- à supposer que les vices entachant le permis de construire soit regardés comme régularisés, les requérants ne peuvent pas être regardés comme la partie perdante au sens de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense enregistrés le 9 novembre 2021 et le 20 décembre 2021, un mémoire récapitulatif enregistré le 7 mars 2022 et des mémoires enregistrés les 3 et 31 mai 2022, la commune d'Aubervilliers, représentée par Me Peynet conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge des requérants.

La commune fait valoir que :

- l'association Mouvement national de lutte pour l'environnement - 93 et Nord Est ne dispose pas d'un intérêt à agir en l'espèce, dès lors que son objet statutaire conduit à ne lui reconnaître qu'un champ d'action régional et non local et que la preuve du dépôt de ses statuts modifiés en préfecture au moins un an avant l'affichage de la demande de permis de construire n'est pas apportée ;

- les trois personnes physiques requérantes ne justifient pas d'un intérêt urbanistique à agir contre le permis de construire litigieux ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- une régularisation est possible.

Par courrier en date du 7 juin 2022, les parties ont été informées que la Cour était susceptible, sur le fondement des dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, d'écarter comme irrecevable en tant qu'il est dirigé contre le permis de construire le moyen nouveau soulevé dans le mémoire enregistré au greffe le 27 mai 2022 et tiré de la méconnaissance des articles 13.4.2 du règlement de la zone UG4 et de celui de la zone UVj du plan local d'urbanisme de la commune d'Aubervilliers.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 du Parlement européen et du Conseil sur l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

- la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, notamment son article 53 ;

- la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ;

- le décret n° 2017-1764 du 27 décembre 2017 relatif à l'établissement public Société de livraison des ouvrages olympiques ;

- le décret n° 2018-1249 du 26 décembre 2018 attribuant à la cour administrative d'appel de Paris le contentieux des opérations d'urbanisme, d'aménagement et de maîtrise foncière afférentes aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ;

- le décret n° 2019-1400 du 17 décembre 2019 adaptant les orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doré, rapporteur,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- les observations de Me Heddi, avocat des requérants,

- et les observations de Me Peynet, avocat de la commune d'Aubervilliers.

Considérant ce qui suit :

1. Par des arrêtés du 21 juillet 2021, du 26 octobre 2021 et du 28 avril 2022, la maire de la commune d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) a accordé à cette commune un permis de construire et deux permis de construire modificatifs pour la construction d'un centre nautique d'une surface de plancher, après modifications, de 5 893 m². Le projet est destiné à s'implanter sur des parcelles appartenant à l'établissement public Grand Paris Aménagement qui, à la date de dépôt de la demande de permis de construire, accueillaient une gare de bus, un parking et des jardins familiaux faisant l'objet de conventions d'occupation précaire, les jardins des Vertus, dont la frange Ouest est ainsi concernée. Le centre nautique faisant l'objet du permis de construire litigieux figure sur la liste des ouvrages destinés à l'entrainement des athlètes en vue des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, publiée sur le site internet de la Société de livraison des ouvrages olympiques dédié à ces ouvrages. Les deux associations Environnement 93 et Mouvement national de lutte pour l'environnement-93 et Nord Est parisien, ainsi que Mme D... F..., M. A... E... et M. B... C... demandent à la Cour d'annuler les arrêtés du 21 juillet 2021, du 26 octobre 2021 et du 28 avril 2022.

Sur les fins de non-recevoir opposée en défense :

En ce qui concerne l'intérêt à agir de l'association Mouvement national de lutte pour l'environnement - 93 et Nord Est parisien :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ". Il résulte de ces dispositions qu'une association n'est recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision individuelle relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol que si elle a déposé ses statuts en préfecture avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. Il appartient au juge administratif, lorsque cette condition est remplie, d'apprécier si l'association requérante justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision qu'elle attaque en se fondant sur les statuts tels qu'ils ont été déposés à la préfecture antérieurement à la date de l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'association Mouvement national de lutte pour l'environnement-93 et Nord Est, déclarée en préfecture le 18 février 1983, a également déclaré en préfecture, le 25 avril 2018, la modification de son objet statutaire. Celui-ci consiste notamment à " accompagner, y compris par des actions en justice, la protection des habitants et de leur territoire en Ile-de-France en matière d'urbanisme, d'écologie et de questions de société ". Compte tenu de la précision quant au champ d'intervention de l'association fournie par sa dénomination, la commune d'Aubervilliers n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait d'intérêt à agir que contre des projets produisant des effets au niveau régional. Dans ces conditions, l'association Mouvement national de lutte pour l'environnement-93 et Nord Est parisien a intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige.

En ce qui concerne l'intérêt à agir des trois personnes physiques requérantes :

4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Aux termes de l'article L. 600-1-3 du même code : " Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire (...) s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ". Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... F..., M. A... E... et M. B... C... sont membres de la Société des jardins ouvriers des Vertus, qu'ils occupaient, à la date d'affichage de la demande de permis de construire, des parcelles situées dans le terrain d'assiette du projet pour les deux premiers et à proximité immédiate pour le troisième. Si la commune d'Aubervilliers fait valoir qu'ils pourront continuer à exploiter des parcelles du jardin des Vertus, Mme F... et M. E... s'étant vu attribuer l'exploitation d'autres parcelles du jardin des Vertus, situées hors du périmètre du projet, ils justifient tous trois, compte tenu de l'importance et de la localisation du projet, d'un intérêt à agir contre le permis de construire litigieux. Les fins de non-recevoir opposées par la commune d'Aubervilliers et tirées du défaut d'intérêt à agir des requérants doivent, par suite, être écartées.

Sur les conclusions à fin d'annulation du permis de construire contesté :

En ce qui concerne la destination des constructions et des surfaces de plancher :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire précise : (...) e) La destination des constructions, par référence aux différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ; f) La surface de plancher des constructions projetées, s'il y a lieu répartie selon les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ". Aux termes de l'article R. 151-27 du même code : " Les destinations de constructions sont : (...) 3° Commerce et activités de service ; 4° Equipements d'intérêt collectif et services publics (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 151-28 de ce code : " les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : (...) 3° Pour la destination " commerce et activités de service " : artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s'effectue l'accueil d'une clientèle, cinéma, hôtels, autres hébergements touristiques ; 4° Pour la destination " équipements d'intérêt collectif et services publics " : locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés, locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés, établissements d'enseignement, de santé et d'action sociale, salles d'art et de spectacles, équipements sportifs, autres équipements recevant du public (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet issu de la seconde modification ne prévoit plus la construction d'un espace bien-être ou " village finlandais ". Il demeure en revanche, au niveau R+1 du projet de centre nautique, des espaces de cardio training et de fitness, ainsi que des locaux accessoires. Quand bien même ces espaces disposeraient de conditions d'accès et d'une clientèle spécifiques, ils peuvent être regardés comme principalement dédiés à la pratique sportive et, portés par une personne publique dans le cadre de la création d'un centre aquatique, comme un équipement d'intérêt collectif. Dès lors, le pétitionnaire, en déclarant ces espaces comme des constructions à destination de " service public ou d'intérêt collectif ", n'a entaché le tableau relatif à la destination des constructions et des surfaces de plancher d'aucune erreur. Le moyen tiré de l'irrégularité du dossier de demande de permis de construire au regard des dispositions précitées de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme doit ainsi être écarté.

8. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme relatif au respect du plan local d'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques./ Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 421-6 du même code : " Le permis de construire (...) ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique ".

9. D'autre part, il ressort du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal applicable au secteur UG qu'il concerne les équipements collectifs et, s'agissant plus particulièrement du secteur UGp où le projet litigieux est destiné à être implanté, qu'il a vocation à accueillir une piscine olympique. Aux termes de l'article 1.2 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, applicable au secteur UG : " Sont autorisées sous conditions les constructions et les occupations et utilisations du sol suivantes : (...) les constructions à destination d'artisanat et de commerce de détail, de restauration des activités de services ou s'effectue l'accueil d'une clientèle dès lors que ces activités sont liées et nécessaires au fonctionnement de l'équipement ".

10. Si le secteur UGp du plan local d'urbanisme intercommunal est dédié à l'accueil d'une piscine olympique, les espaces de cardio-training et de fitness mentionnés ci-dessus ne constituent pas une construction distincte de l'équipement collectif projeté, mais ont vocation à accueillir une activité accessoire, accessible par une entrée commune et aux mêmes horaires que le centre aquatique. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la création de ces espaces n'est pas interdite par les dispositions précitées de l'article 1.2 du règlement dudit plan applicable au secteur UGp, quand bien même ils ne sont pas nécessaires au fonctionnement de l'espace aquatique.

En ce qui concerne l'absence d'évaluation environnementale :

11. Par une décision du 16 avril 2021, le préfet d'Ile-de-France, estimant qu'y compris en tenant compte des effets cumulés avec le projet de construction de la gare Fort d'Aubervilliers de la future ligne 15 Est du métro, le projet de création d'un centre nautique n'était pas susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine, l'a dispensé d'évaluation environnementale après un examen au cas par cas. Les requérants excipent de l'illégalité de cette décision.

12. Aux termes du II de l'article L. 122-1 du code de l'environnement :

" Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas. / Pour la fixation de ces critères et seuils et pour la détermination des projets relevant d'un examen au cas par cas, il est tenu compte des données mentionnées à l'annexe III de la directive 2011/92/ UE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement (...) ". Aux termes de l'article R. 122-3-1 de ce code, dans sa rédaction applicable : " I.- Pour les projets relevant d'un examen au cas par cas en application de l'article R. 122-2, le maître d'ouvrage décrit les caractéristiques de l'ensemble du projet, y compris les éventuels travaux de démolition, les incidences notables que son projet est susceptible d'avoir sur l'environnement et la santé humaine ainsi que, le cas échéant, les mesures et les caractéristiques du projet destinées à éviter ou réduire ses probables effets négatifs notables. Il mentionne, le cas échéant, les termes des plans ou programmes pertinents relatifs aux mesures et caractéristiques des projets susceptibles d'être retenues ou mises en œuvre pour éviter ou réduire les effets négatifs de projets sur l'environnement ou la santé humaine (...) IV.- L'autorité chargée de l'examen au cas par cas apprécie, dans un délai de trente-cinq jours à compter de la date de réception du formulaire complet, sur la base des informations fournies par le maître d'ouvrage, si les incidences du projet sur l'environnement et la santé humaine sont notables au regard des critères pertinents de l'annexe III de la directive 2011/92/ UE du 13 décembre 2011. Le cas échéant, elle tient compte des résultats disponibles d'autres évaluations pertinentes des incidences sur l'environnement requises au titre d'autres législations applicables. (...) / La décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas est motivée au regard des critères pertinents de l'annexe III de la directive 2011/92/ UE du 13 décembre 2011 ainsi que des mesures et caractéristiques du projet présentées par le maître d'ouvrage et destinées à éviter ou réduire les effets négatifs notables de celui-ci sur l'environnement et la santé humaine (...) ".

S'agissant de l'incidence du projet sur les ressources du sol :

13. Si les requérants font valoir que le projet initial dont était saisi le préfet d'Ile-de-France, devait entrainer la suppression d'importantes terres agricoles exploitées, il ressort des pièces du dossier que ce projet devrait occuper une superficie de 0,23 hectares auparavant exploitée par la société des jardins ouvriers des Vertus et impacter, uniquement durant la phase de travaux, une surface totale de 0,4 hectares. Il en ressort également qu'en ajoutant les effets du projet de construction de la gare Fort d'Aubervilliers de la ligne de métro 15 Est, la surface concernée est de 0,9 hectare, alors que la surface totale des jardins ouvriers du site du fort d'Aubervilliers est d'environ 7 hectares. Si les terres agricoles sont très réduites sur le territoire de la commune d'Aubervilliers et, plus largement, sur le territoire de l'établissement public territorial Plaine Commune, cette circonstance est inhérente à la situation géographique de la commune d'Aubervilliers, localisée dans une zone fortement urbanisée proche de Paris. Dans ces conditions, compte tenu de l'ampleur du projet, l'atteinte portée à la ressource naturelle que constitue le sol doit être regardée comme limitée, y compris en tenant compte des effets cumulés des projets de construction du centre nautique et de la gare Fort d'Aubervilliers.

S'agissant de l'incidence du projet sur les milieux naturels :

14. En premier lieu, le projet entraine l'abattage de nombreux arbres situés sur le parking du Fort d'Aubervilliers. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un diagnostic phytosanitaire réalisé en février 2021 par l'établissement public Grand Paris Aménagement, qu'aucun des arbres situés dans l'emprise du projet ou à proximité immédiate n'était en bon état. Si les requérants font valoir que 26 arbres, qui n'ont pas été pris en compte par le préfet, ont déjà été abattus en prévision de la réalisation du projet, ils n'apportent aucun élément de nature à l'établir et, au demeurant, ils ne justifient pas que ces arbres étaient en meilleur état phytosanitaire. Il n'est en outre pas établi ni même soutenu que ces arbres présentaient un intérêt particulier en matière de biodiversité. Cet abattage ne peut ainsi être regardé comme un effet négatif notable du projet sur l'environnement.

15. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement, de l'aménagement et des transports du 21 juin 2021 clôturant l'instruction de la demande de dérogation à la protection des espèces, qu'un inventaire de la faune et de la flore a été mené sur 4 saisons et que l'étude réalisée indique que si des espèces protégées sont susceptibles d'être impactées par le projet, les mesures d'évitement et de réduction prévues sont suffisantes pour qu'aucune mesure de compensation ne soit nécessaire et que la fonctionnalité écologique du site soit maintenue. Ainsi, même si cela ne figure pas expressément dans les motifs de sa décision, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet d'Ile-de-France aurait omis de tenir compte de ce que les jardins ouvriers des Vertus constituent un noyau primaire de biodiversité et participent à un corridor écologique.

16. La note d'incidences environnementales expose les enjeux du projet sur la faune et la flore et décrit les mesures d'évitement et de réduction prévues tant en phase chantier qu'en phase exploitation, notamment au travers de la création d'un jardin et de toitures végétalisées. Si les requérants font valoir que la décision du préfet d'Ile-de-France mentionne l'existence d'une mesure de réduction consistant à créer un " jardin écologique avec haie et arbres isolés ", alors que, compte tenu de la densité des arbres issue du permis modificatif, les arbres ne seront pas " isolés ", cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause la réalité de cette mesure de réduction.

17. Enfin, les requérants relèvent que la note d'incidences environnementales du centre nautique mentionne que le projet aura un impact " moyen " sur le hérisson d'Europe et sur la mante religieuse et que l'étude d'impact de la ligne 15 Est indique que la construction de la gare Fort d'Aubervilliers aura également un impact résiduel " modéré " sur la biodiversité, notamment sur la mante religieuse. Toutefois, cette seule circonstance n'est pas suffisante pour établir qu'en estimant que ces projets n'étaient pas à l'origine " d'effets cumulés négatifs notables ", le préfet d'Ile-de-France a fait une appréciation erronée de leurs effets cumulés sur la biodiversité et plus particulièrement sur les mantes religieuses et, partant, qu'il a méconnu les dispositions précitées de l'article R. 122-3-1 du code de l'environnement et de l'annexe III de la directive 2011/92.

S'agissant de l'incidence du projet sur la santé humaine :

18. Il ressort de la décision du 16 avril 2021 que le préfet d'Ile-de-France a relevé que " les travaux sont susceptibles d'engendrer des nuisances telles que bruits, poussières,

pollutions accidentelles, obstacles aux circulations et que le maître d'ouvrage devra respecter la

réglementation en vigueur visant à préserver la qualité de vie, la santé, et la sécurité des riverains et

ouvriers, en minimisant les impacts de ces travaux sur l'environnement ". Il ressort des termes de cette décision que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le préfet d'Ile-de-France s'est livré à une appréciation des incidences concrètes du projet sur la santé humaine et ne s'est pas borné à renvoyer au respect de la règlementation en vigueur.

19. En outre, si l'étude d'impact de la ligne 15 Est mentionne qu'il existe, pour les nuisances sonores et la qualité de l'air un " risque d'impacts cumulés faible à moyen " entre le projet de gare Fort d'Aubervilliers et le projet de centre nautique, cette circonstance n'est pas suffisante pour établir, compte tenu notamment des mesures d'évitement et de réduction prévues, que ces effets cumulés n'auraient pas été pris en compte ou qu'ils caractérisaient l'existence d'effets notables du projet sur la santé publique.

S'agissant des mesures de compensation :

20. Il ressort des dispositions précitées de l'article R. 122-3-1 du code de l'environnement que, pour dispenser un projet d'évaluation environnementale, l'autorité administrative ne doit tenir compte que des " mesures et caractéristiques du projet présentées par le maître d'ouvrage et destinées à éviter ou réduire les effets négatifs notables de celui-ci sur l'environnement et la santé humaine ". Si le préfet d'Ile-de-France a mentionné, dans sa décision du 16 avril 2021, qu'il existait " par ailleurs " une mesure de compensation tenant à la création, dans le cadre de la zone d'aménagement concerté du Fort d'Aubervilliers, de 9 à 10 000 m2 de nouveaux jardins ouvriers, en continuité de ceux existants et principalement sur un ancien terrain de football laissé en friche, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'utilisation de la locution " par ailleurs ", que ce motif est surabondant et que sa décision aurait été la même s'il n'avait pas pris en compte cette mesure de compensation.

21. Il résulte de ce qui précède que la sensibilité environnementale du site est quasiment nulle pour la majeure partie du terrain d'assiette du projet et du projet voisin de la gare du Grand Paris Express qui prendront place sur une ancienne gare routière et un parking et que cette sensibilité est faible à moyenne pour la partie, réduite, empiétant sur les jardins familiaux. Compte tenu des mesures d'évitement et de réduction prévues par le pétitionnaire, il ressort des pièces du dossier que les effets du projet de centre nautique sur l'environnement invoqués par les requérants, même pris ensemble et cumulés avec le projet voisin, ne sont pas suffisants pour caractériser l'existence d'effets notables sur l'environnement au sens des dispositions précitées du II de l'article L. 122-1 du code de l'environnement. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision du 16 avril 2021 est illégale et, par suite, à exciper de son illégalité à l'encontre du permis de construire attaqué. Ainsi, le moyen tiré de ce que la commune aurait dû procéder à une évaluation environnementale doit être écarté en toute ses branches.

En ce qui concerne la compatibilité du projet avec les orientations d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme intercommunal :

22. D'une part, en vertu de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme, le plan local d'urbanisme comprend un rapport de présentation, un projet d'aménagement et de développement durables, des orientations d'aménagement et de programmation, un règlement et des annexes, chacun de ces éléments pouvant comprendre des documents graphiques.

23. D'autre part, aux termes de l'article L. 152-1 de ce code relatif au respect du plan local d'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques./ Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ". Il résulte de ces dispositions qu'une autorisation d'urbanisme ne peut être légalement délivrée si les travaux qu'elle prévoit sont incompatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation d'un plan local d'urbanisme et, en particulier, en contrarient les objectifs.

24. Conformément à son point 4.3.4 intitulé " soutenir les espaces de maraîchage et d'agriculture urbaine comme supports de pratiques écologiques ", l'orientation d'aménagement et de programmation thématique du plan local d'urbanisme intercommunal de Plaine Commune relative à l'environnement et la santé prévoit de " préserver " les principaux jardins cultivés du territoire, dont les jardins du fort d'Aubervilliers. Toutefois, alors que ces mentions ne suffisent pas, par elles-mêmes, à conférer à ces jardins un caractère inconstructible et qu'il ressort des autres éléments du plan local d'urbanisme intercommunal de Plaine commune, comme du précédent plan local d'urbanisme de la commune d'Aubervilliers, qu'un projet de construction sur la frange ouest de ces jardins est prévu dans le cadre de l'opération d'aménagement du fort d'Aubervilliers, le permis de construire en litige, qui ne porte que sur 0,23 hectares des jardins ouvriers du site du fort d'Aubervilliers, qui s'étendent sur près de 7 hectares, ne peut être regardé comme incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme relative à l'environnement et la santé.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité du plan local d'urbanisme intercommunal et de la méconnaissance du plan local d'urbanisme :

S'agissant, par voie d'exception, de l'illégalité du plan local d'urbanisme intercommunal :

25. En vertu de l'article L. 600-12-1 du code de l'urbanisme, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un document local d'urbanisme n'entraine pas l'illégalité des autorisations d'urbanisme délivrées lorsque cette annulation ou déclaration d'illégalité repose sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet en cause. Il appartient au juge, saisi d'un moyen tiré de l'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours contre une autorisation d'urbanisme, de vérifier d'abord si l'un au moins des motifs d'illégalité du document local d'urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l'autorisation d'urbanisme. Un vice de légalité externe est étranger à ces règles, sauf s'il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d'urbanisme applicables au projet. En revanche, sauf s'il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger.

26. En outre, lorsqu'un motif d'illégalité non étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet est susceptible de conduire à remettre en vigueur tout ou partie du document local d'urbanisme immédiatement antérieur, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours en annulation d'une autorisation d'urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur.

27. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet s'étend sur une emprise foncière de 7 928 m2 située, pour l'essentiel, en zone UGp et, pour une partie de 300 m2, en zone UM du plan local d'urbanisme intercommunal approuvé par une délibération du conseil de territoire de l'établissement public territorial Plaine Commune du 25 février 2020. Si la commune fait valoir que la partie bâtie du projet n'empiète plus, compte tenu du permis de construire modificatif délivré le 28 avril 2022, sur l'emprise des jardins ouvriers, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet n'a pas été modifié et qu'il est prévu, sur cette zone, la réalisation d'une clôture et d'un jardin non accessible au public.

28. Par un arrêt n° 21PA02476 du 10 février 2022, la Cour a annulé la décision implicite par laquelle l'établissement public territorial Plaine Commune a refusé d'abroger les dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal applicables à la frange ouest des jardins des Vertus aux motifs que le classement en zone urbanisable de près d'un hectare de jardins est trop important pour être regardé comme compatible avec le schéma directeur de la région d'Ile-de-France et que le classement en zone UM d'une partie de la frange ouest des jardins des Vertus est incohérent avec les objectifs environnementaux du plan d'aménagement et de développement durable.

29. Pour les mêmes motifs que ceux retenus par la Cour dans son arrêt n° 21PA02476 du 10 février 2022, les requérants sont fondés à soutenir que les dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal applicables à la frange ouest des Jardins des Vertus sont illégales, d'une part, en tant qu'elles classent une partie des jardins en zone UM et, d'autre part, en tant qu'elles classent en zone UG une part excessive des jardins. Les dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal doivent, dans cette mesure, être écartées.

30. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la " pièce D, notice explicative et caractéristiques principales des ouvrages les plus importants " de la ligne 15 Est, extrait du dossier d'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique modificative, que, si les emprises des chantiers de ces deux projets d'équipements publics doivent porter atteinte à près d'un hectare des jardins des Vertus, la gare elle-même est, pour l'essentiel, implantée sur des emprises accueillant actuellement une gare routière et un parking d'intérêt régional. Il en ressort en outre que le permis de construire en litige ne porte, s'agissant de la zone UGp et hors période de chantier, que sur une superficie d'environ 2 300 m2 de jardins ouvriers, lesquels occupent, sur le site du fort d'Aubervilliers, une superficie totale de plus de 70 000 m2. Il appartient toutefois aux seuls auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal de délimiter, dans le respect de l'arrêt du 10 février 2022, la part des jardins susceptible de faire l'objet d'une urbanisation. Dans ces conditions, le motif d'illégalité des dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal relatives à la zone UGp tenant au caractère trop important de l'atteinte portée aux jardins des vertus doit être regardé comme étant en rapport direct avec les règles applicables à l'autorisation d'urbanisme contestée, en tant qu'elles concernent la part de la zone UGp recouvrant l'emprise des jardins des vertus. Les requérants sont, par suite, fondés à exciper de l'illégalité des dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal relatives à la définition d'une zone UM et d'une zone UGp sur une partie des terrains composant les jardins des Vertus.

31. Il ressort des pièces du dossier que la partie du terrain d'assiette du projet concernée était classée pour partie en zone UG4 et pour partie en zone UVj du plan local d'urbanisme de la commune d'Aubervilliers, remis partiellement en vigueur par l'effet de la déclaration d'illégalité du plan local d'urbanisme intercommunal de Plaine Commune, en vertu de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme.

S'agissant de la méconnaissance du plan local d'urbanisme de la commune d'Aubervilliers :

32. En premier lieu, les requérants soutiennent que le projet modifié prévoit, sur la partie du terrain d'assiette du projet en cause, l'implantation d'arbres dans des conditions méconnaissant les dispositions des articles 13.4.2 du règlement de la zone UG4 et de la zone UVj du plan local d'urbanisme d'Aubervilliers.

33. Toutefois, aux termes de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative (...) ".

34. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la " liste des modifications ", de la " notice de gestion des arbres " et des plans de masse figurant au dossier de demande de permis de construire modificatif, que celui-ci, délivré le 28 avril 2022, ne comporte, par rapport au permis de construire modifié une première fois le 6 octobre 2021, aucune modification quant à l'implantation des arbres. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 13.4.2 du règlement de la zone UG4 et de la zone UVj du plan local d'urbanisme d'Aubervilliers ne peut pas être utilement invoqué à l'encontre de l'arrêté du 28 avril 2022. Il ressort en outre des pièces de la procédure juridictionnelle que le premier mémoire en défense a été communiqué aux parties le 9 novembre 2021 et que ce moyen a été soulevé pour la première fois dans un mémoire enregistré le 27 mai 2022. Par suite, il est irrecevable en application des dispositions précitées de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme.

35. En deuxième lieu, aux termes du 3e alinéa de l'article 9.2 du règlement du plan local d'urbanisme d'Aubervilliers applicable à la zone UV : " Dans le secteur UVj, l'emprise au sol des constructions doit être au plus égale à 10 % de la superficie du site ou du terrain sur lequel elles sont implantées ". Le permis de construire modifié par l'arrêté du 28 avril 2022 ne prévoit, s'agissant de la partie du projet implantée sur les terrains classées en zone UVj du plan local d'urbanisme d'Aubervilliers, que la réalisation d'un jardin et d'une clôture. Par suite, il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées manque en fait.

36. En troisième lieu, aux termes de l'article 2.1 du règlement de cette zone : " Dans le secteur UVj, seuls sont admis : 1. les constructions, ouvrages ou travaux destinés à la gestion et au fonctionnement des jardins familiaux ; 2. les constructions et installations nécessaires au projet du Grand Paris Express ".

37. D'une part, l'article R. 151-41 du code de l'urbanisme dispose que, afin d'assurer l'insertion de la construction dans ses abords, la qualité et la diversité architecturale, urbaine et paysagère des constructions, ainsi que la mise en valeur du patrimoine, le règlement du plan local d'urbanisme peut " 2° prévoir des dispositions concernant les caractéristiques architecturales des façades et toitures des constructions ainsi que des clôtures ". Son article R. 151-43 prévoit que, afin de contribuer à la qualité du cadre de vie, assurer un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres et répondre aux enjeux environnementaux, le règlement peut " 8° Imposer pour les clôtures des caractéristiques permettant de préserver ou remettre en état les continuités écologiques ou de faciliter l'écoulement des eaux ". Il résulte de ces dispositions que sont applicables aux clôtures, dont celles qui prennent la forme d'un mur, les seules dispositions du règlement d'un plan local d'urbanisme édictées spécifiquement pour régir leur situation, sur le fondement des articles R. 151-41 et R. 151-43 du code de l'urbanisme. Par suite, les requérants ne peuvent pas utilement se prévaloir, s'agissant de la clôture prévue par le permis de construire, des dispositions précitées de l'article 2.1 du règlement de la zone UV du plan local d'urbanisme d'Aubervilliers, lesquelles ne sauraient interdire l'implantation d'une clôture.

38. D'autre part, le projet modifié prévoit la réalisation, sur le terrain en cause, d'un jardin non accessible au public nécessitant des travaux d'affouillement. De tels travaux n'étant ni destinés à la gestion ou au fonctionnement des jardins familiaux, ni nécessaires au projet du Grand Paris Express, ils ne sont pas autorisés en zone UVj. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le permis de construire en litige est illégal en tant qu'il prévoit la réalisation de tels travaux dans la partie du terrain d'assiette du projet qui était auparavant en zone UVj du plan local d'urbanisme de la commune d'Aubervilliers.

39. En dernier lieu, l'orientation d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme d'Aubervilliers relative au secteur du fort d'Aubervilliers fixe comme parti d'aménagement de " fabriquer la ville avec nature, défendre et développer la biodiversité en ville " et affirme qu'il y a lieu de " préserver et mettre en valeur " les jardins familiaux ceinturant le nord et l'est du fort ". Toutefois, la construction de bâtiment est également prévue par cette orientation d'aménagement et de programmation et, par ailleurs, le plan local d'urbanisme classe une partie de l'emprise des jardins ouvriers ainsi visés en zone UG4. Dans ces conditions, le permis de construire en litige n'est pas incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme d'Aubervilliers relative au secteur du fort d'Aubervilliers.

Sur l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

40. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce (...) ".

41. Il résulte de l'instruction que l'illégalité relevée au point 38 du présent arrêt n'affecte qu'une partie du projet de construction et est susceptible d'être régularisée. Dans ces conditions, il y a lieu de faire application des dispositions précitées de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et de prononcer l'annulation partielle du permis de construire en litige, en tant que des travaux d'affouillement sont autorisés sur la partie du terrain d'assiette du projet qui était auparavant classée en zone UVj par le plan local d'urbanisme de la commune d'Aubervilliers.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

42. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérants doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

43. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent la commune d'Aubervilliers au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Aubervilliers une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les arrêtés des 21 juillet 2021, 26 octobre 2021 et 28 avril 2022 par lesquels la maire d'Aubervilliers a accordé et modifié le permis de construire du centre nautique du fort d'Aubervilliers sont annulés en tant qu'ils autorisent la réalisation de travaux d'affouillement dans la partie du terrain d'assiette du projet qui était auparavant classée en zone UVj du plan local d'urbanisme de la commune d'Aubervilliers.

Article 2 : La commune d'Aubervilliers versera aux requérants une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Environnement 93, première requérante dénommée, pour l'ensemble des requérants, et à la commune d'Aubervilliers.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Larsonnier, première conseillère,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.

Le rapporteur,

F. DORÉLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21PA04870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04870
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SCP GOUTAL et ALIBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-07;21pa04870 ?
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