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07/07/2022 | FRANCE | N°21PA02024

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 21PA02024


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2015047/2-2 du 19 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée 19 avril 2021, le préfet de p

olice demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 2015047/2-2 du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2015047/2-2 du 19 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée 19 avril 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 2015047/2-2 du tribunal administratif de Paris en date du 19 mars 2021 ;

2°) de rejeter la demande de M. F....

Il soutient que :

- l'arrêté contesté ne méconnait pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. F... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. F... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant bangladais né le 7 août 1982, est entré en France le 1er septembre 2011 selon ses déclarations. Il a bénéficié d'une première carte de séjour temporaire le 19 mars 2015 en qualité d'étranger malade puis a obtenu un titre de séjour sur le même fondement en exécution d'un jugement en date du 7 juin 2019. Par un arrêté du 13 janvier 2020, le préfet de police a rejeté sa demande tendant au renouvellement de ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de police relève appel du jugement du 19 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à M. F... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

2. Pour annuler la décision contestée, les premiers juges se sont fondés sur une méconnaissance des dispositions alors codifiées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code précité : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ".

4. Il n'est pas contesté que M. F..., qui présente une schizophrénie paranoïde et qui a déjà été hospitalisé à plusieurs reprises depuis le 19 décembre 2013, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. S'il bénéficie, d'une part, d'un traitement médicamenteux, à base de Clopixol retard, de Xanax 0,25 et de Limovane ainsi que l'établit le certificat du Dr B... du 24 avril 2018 confirmé le 25 septembre 2020, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, et pas même de l'absence de ces médicaments de la liste des médicaments essentiels au Bangladesh, qu'il y serait effectivement indisponible. D'autre part, quand bien même M. F... est investi dans le suivi psychologique mensuel qui lui est proposé avec un praticien avec lequel il a construit une relation de confiance dans le cadre d'une prise en charge pluriprofessionnelle spécifique, cette circonstance n'est pas de nature à infirmer le motif de la décision contestée, le préfet de police faisant valoir, sans être contredit, qu'un suivi par des psychiatres et des psychologues est effectivement disponible à Dhaka.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté du 13 janvier 2020 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. F... :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

7. La décision, qui mentionne que l'état de santé de M. F... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, il peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié et que son état de santé peut lui permettre de voyager, est ainsi suffisamment motivée, quand bien même elle ne reprend pas l'ensemble des mentions de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

8. La circonstance que la décision contestée mentionne le contenu de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont la communication n'est au demeurant pas obligatoire, n'est pas de nature à établir qu'elle serait entachée d'un défaut d'examen ou que le préfet de police se serait considéré en situation de compétence liée par cet avis.

9. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R.313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ". L'article 5 de cet arrêté dispose que : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

10. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a pris la décision contestée après avoir pris connaissance de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 19 décembre 2019 qui mentionne que l'état de santé de M. F... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permet d'y voyager sans risque. Les médecins signataires de l'avis du 19 décembre 2019, le Dr H..., le Dr A... et le Dr D... dont les identités sont précisées, ont été nommés par une décision du 18 novembre 2019 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposant que les médecins du collège doivent être nommés par une décision expresse pour l'examen de chaque demande nominativement désignée. S'agissant du rapport établi par le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon l'annexe B, il ressort des pièces du dossier qu'il a été rédigé le 20 novembre 2019 par le Dr G..., nommé par la décision précitée du 18 novembre 2019 et qui n'a pas siégé au sein du collège, et qu'il a été transmis au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 21 novembre 2019. Enfin, par ses seules allégations M. F... n'établit pas que ce rapport n'aurait pas été régulièrement établi conformément à l'arrêté du 27 décembre 2016, alors que le contenu de ce document est couvert par le secret médical et que, par suite, il lui incombait, s'il entendait se prévaloir utilement de l'irrégularité des mentions y figurant, d'effectuer les diligences requises pour en obtenir la communication, sur le fondement des dispositions du code des relations entre le public et l'administration ou de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique.

11. Il ne ressort pas de ce qui précède que la décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays de destination :

12. Aux termes des dispositions alors codifiées au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux rappelés au point 4 du présent arrêt, la décision n'a pas méconnu les dispositions précitées.

13. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

14. Ainsi qu'il a été dit précédemment au point 4 du présent arrêt, le requérant n'établit pas qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Bangladesh. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doivent être écartés.

15. Il ne ressort pas de ce qui précède que les décisions contestées seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2020 du préfet de police portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans le délai de 30 jours et fixation du pays de destination. Ses conclusions présentées en première instance, aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 19 mars 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... F....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.

Le rapporteur,

JF. E...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02024


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02024
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-07;21pa02024 ?
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