La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2022 | FRANCE | N°21PA04537

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 01 juillet 2022, 21PA04537


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté qui lui a été notifié le 29 mars 2021 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2107786 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie pri

vée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté qui lui a été notifié le 29 mars 2021 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2107786 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2107786 du 2 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Milich, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les observations de Me Milich pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 13 avril 1987, a sollicité auprès des services de la préfecture de police le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cette demande a été rejetée par un arrêté du préfet de police notifié à l'intéressé le 29 mars 2021, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Le préfet de Police relève appel du jugement du 2 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de de trois mois.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité en raison de son état de santé, le préfet de Police s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a estimé que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Afin de contester cet avis, le requérant a présenté des certificats médicaux établis par des praticiens hospitaliers spécialisés dont il ressort qu'il est atteint de la maladie de Behçet, avec une aphtose réfractaire. Toutefois, ces certificats ne comportent aucune mention précise et circonstanciée quant aux conséquences d'un défaut de traitement. De même, si M. B... justifie que le médicament qui lui est prescrit n'est pas disponible dans son pays d'origine, les pièces produites ne sont pas de nature à établir qu'un défaut de traitement aurait, pour l'intéressé, des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, alors même que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a eu antérieurement une appréciation différente, les documents produits par l'intéressé ne sont pas de nature à remettre en cause son avis quant aux conséquences qui s'attacheraient à un défaut de prise en charge.

3. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. B... est titulaire depuis le mois d'avril 2018 d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'assistant technicien géomètre et donne toute satisfaction à son employeur dans un emploi spécifique et présentant des difficultés de recrutement. Toutefois, il en ressort également que M. B... est célibataire, qu'il n'est entré en France qu'en 2016, qu'il n'a été titulaire de titre de séjour qu'en raison de son état de santé et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine.

4. Dans ces conditions, l'état de santé et l'insertion professionnelle de M. B... ne sont pas des circonstances suffisantes pour caractériser l'existence d'une erreur manifeste du préfet de police dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé et c'est à tort que tribunal administratif a, pour ce motif, annulé l'arrêté du préfet de police contesté.

5. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... :

6. En premier lieu, l'arrêté en litige comporte l'énoncé des dispositions légales dont il a été fait application ainsi que des circonstances de fait au vu desquelles il a été pris. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police, qui s'appuie notamment sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 26 novembre 2020 et relève que M. B... est célibataire et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, a procédé à l'examen particulier de la situation de l'intéressé avant de prendre sa décision.

8. En troisième lieu, en vertu des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit " au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

9. Il ressort de ce qui a été exposé ci-dessus au point 2 qu'alors même que le traitement dont il bénéficie ne serait pas disponible en Algérie, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations et les dispositions précitées.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 2 et 3 ci-dessus, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en litige et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions qu'il a présentées devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2107786 du tribunal administratif de Paris en date du 2 juillet 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée, ainsi que les conclusions d'appel qu'il a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à au ministre de l'intérieur et à M. C... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, où siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2022.

Le rapporteur,

F. A...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA04537 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04537
Date de la décision : 01/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : MILICH

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-01;21pa04537 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award