La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2022 | FRANCE | N°20PA01044

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 01 juillet 2022, 20PA01044


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Squad a demandé au tribunal administratif de Paris le remboursement d'un crédit d'impôt relatif aux dépenses de recherche au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 1812318 du 27 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a, en son article 1er, accordé à la société Squad le remboursement d'un montant complémentaire de crédit d'impôt relatif aux dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2016, correspondant à l'intégration dans l'a

ssiette du crédit d'impôt de la totalité des dépenses figurant dans sa demande, à l'excep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Squad a demandé au tribunal administratif de Paris le remboursement d'un crédit d'impôt relatif aux dépenses de recherche au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 1812318 du 27 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a, en son article 1er, accordé à la société Squad le remboursement d'un montant complémentaire de crédit d'impôt relatif aux dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2016, correspondant à l'intégration dans l'assiette du crédit d'impôt de la totalité des dépenses figurant dans sa demande, à l'exception des rémunérations de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 mars 2020, le 11 septembre 2020 et le 8 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1812318 du 27 janvier 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de la société Squad présentée devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- la société Squad n'a pas été engagée pour effectuer des missions de recherche, mais des opérations d'assistance technique ;

- l'essentiel des 61 782 heures de travail déclarées par la société au titre du crédit d'impôt est facturé à sa clientèle ; or, les sommes facturées au donneur d'ordre ne peuvent être retenues par le sous-traitant pour le calcul de son propre crédit d'impôt ;

- la majorité des personnels en cause est titulaire d'un BTS, d'un DUT, d'un master ou d'un certificat de qualification ;

- les fonctions exercées ne permettent pas de justifier du respect des conditions d'éligibilité ;

- la société Squad ne peut en l'espèce se prévaloir des dispositions des articles L 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 septembre 2020 et le 2 octobre 2020, la société Squad conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 7 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- et le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Squad, qui exerce une activité de conseil en systèmes et logiciels informatiques, a sollicité auprès de l'administration fiscale le remboursement d'un crédit d'impôt relatif aux dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2016, pour un montant total de 844 970 euros. Par une décision du 15 mai 2018, le service a admis le remboursement à la société Squad d'un crédit d'impôt au titre de l'année 2016 à concurrence d'un montant total de 9 000 euros, correspondant à la prise en compte des dépenses de recherche sous-traitées par la société à l'université Pierre et Marie Curie, et a refusé de prendre en compte l'ensemble des autres dépenses, composées de dépenses de personnel, de dotations aux amortissements et de dépenses de veille technologique, dont la société avait demandé l'inclusion dans l'assiette du crédit d'impôt. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société Squad le remboursement d'un montant complémentaire de crédit d'impôt relatif aux dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2016, correspondant à l'intégration dans l'assiette du crédit d'impôt de la totalité des dépenses figurant dans sa demande, à l'exception des rémunérations de Mme B....

2. D'une part, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I.-Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel [...] peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année [...] / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique [...] ; / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. [...] ; / [...] d) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à : / 1° des organismes de recherche publics ; [...] / d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions [...] /d ter) Les dépenses mentionnées aux d et d bis entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dans la limite globale de deux millions d'euros par an. Cette limite est portée à 10 millions d'euros pour les dépenses de recherche correspondant à des opérations confiées aux organismes mentionnés aux d et d bis, à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 entre l'entreprise qui bénéficie du crédit d'impôt et ces organismes. / Le plafond de 10 millions d'euros mentionné au premier alinéa est majoré de 2 millions d'euros à raison des dépenses correspondant aux opérations confiées aux organismes mentionnés au d [...] / j) Les dépenses de veille technologique exposées lors de la réalisation d'opérations de recherche [...] ". Aux termes de 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale [...] ; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée [...] ; / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts : " Le personnel de recherche comprend : / 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. (...) 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental [...] ".

4. Il résulte des dispositions de l'article 244 quater B que seule l'entreprise qui expose les dépenses de recherche visées au II, qu'elle effectue les opérations de recherche en cause pour son propre compte ou pour le compte d'une entreprise qui lui en confie la réalisation, est, en principe, en droit de bénéficier à ce titre du crédit d'impôt qu'elles instituent. Il n'en va autrement que dans le cas prévu au d) bis du II, les dépenses exposées par l'organisme agréé au titre des opérations de recherche dont la réalisation lui est confiée entrant alors, dans les limites par ailleurs prévues par les dispositions suivantes du II, dans l'assiette du crédit d'impôt susceptible d'être demandé par l'entreprise qui lui a confié ces opérations de recherche, et étant déduites, en vertu des dispositions du III, de l'assiette du crédit d'impôt susceptible d'être demandé par l'organisme agréé.

5. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Squad a sollicité, au titre de l'année 2016, un crédit d'impôt sur le fondement de l'article 244 quater B du code général des impôts à raison des dépenses engagés pour la mise en œuvre de trois projets intitulés " cybersécurité pour les architectures cloud ", " virtualisation des réseaux et des infrastructures dans un environnement cloud " et " social mobility - instrumentation et théorisation de l'expérience utilisateur dans les NTIC, extension au domaine de l'accessibilité numérique ", visant respectivement à développer des solutions pour améliorer la sécurité des systèmes d'informations et des " clouds ", à théoriser les problématiques de virtualisation d'écosystèmes numériques complets, en vue de proposer une virtualisation à la demande par l'utilisateur non spécialiste d'un environnement informatique autoportant, enfin, à comprendre l'impact de l'expertise sur une activité multitâche et améliorer l'accessibilité des applications interactives utilisant des interfaces complexes. La société Squad, qui, ainsi que l'a indiqué le ministère chargé de la recherche et de la technologie dans son avis du 10 avril 2018, émis dans le cadre de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales, dispose d'un laboratoire de recherche et développement à Sophia-Antipolis, consacré à la recherche sur l'expérience utilisateur (" user experience " - UX) ainsi qu'un autre laboratoire à Toulouse consacré à la sécurité des réseaux et au " cloud computing ", produit notamment trois rapports décrivant de manière détaillée et argumentée les protocoles de recherche mis en œuvre dans le cadre des trois projets en cause, comportant, à partir d'une analyse de l'état de l'art et des ressources scientifiques disponibles, l'exposé des incertitudes et verrous scientifiques et techniques identifiés ainsi que la description des outils innovants mis en place par la société pour les lever. A cet égard, le ministère chargé de la recherche et de la technologie a estimé, dans son avis du 10 avril 2018, que les trois projets conduits par la société Squad, qui a, selon lui, développé " de nombreux indicateurs de recherche et développement ", identifié les " verrous et incertitudes " ainsi que les solutions technologiques pouvant être apportées, devaient être regardés comme des opérations de recherche éligibles au crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts. Ainsi, le ministre ne peut soutenir que les trois projets en cause ne seraient pas des projets de recherche, au sens de l'article 244 quater B du code général des impôts.

7. En deuxième lieu, le ministre de l'action et des comptes publics soutient que certains travaux de recherche ont été mis en œuvre par la société Squad dans le cadre de prestations de services. Toutefois, s'il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté par la société Squad, que certains travaux mis en œuvre par les personnels en cause, ont été développés dans le cadre de prestations de services, en particulier le projet " social mobility - instrumentation et théorisation de l'expérience utilisateur dans les NTIC, extension au domaine de l'accessibilité numérique ", qui a en partie consisté en des travaux effectués dans le cadre d'une mission auprès de la société UBS, dont les résultats ont ensuite été approfondis par la société Squad, ainsi qu'il ressort du rapport d'activité produit par la société, daté de novembre 2016, cette circonstance ne faisait pas obstacle, en application des principes énoncés au point 4 du présent arrêt, à ce que les dépenses de personnel associées à ces travaux soient éligibles au crédit d'impôt recherche, dès lors que la société Squad n'est pas un organisme de recherche privé agréé. Par ailleurs, il n'est pas contesté que l'ensemble des dépenses de personnel en cause ont bien été engagées par la société Squad, laquelle a fourni au ministère chargé de la recherche et de la technologie, préalablement au prononcé de son avis du 10 mai 2018, l'ensemble des contrats signés par elle avec chacun des membres du personnel en cause. Par suite, le moyen doit être écarté.

8. En troisième lieu, les trois rapports dont se prévaut la société Squad mentionnent les personnels dont les rémunérations ont été incluses dans la demande de remboursement de crédit d'impôt recherche présentée par la société Squad et leur apport spécifique à ces projets de recherche. La société Squad produit également un tableau mentionnant le nombre d'heures de travail effectuées par chacun d'entre eux dans le cadre de ces trois projets, lesquelles apparaissent également dans un tableau annexé à l'avis du ministère chargé de la recherche et de la technologie, dans lequel ce dernier a précisé que le nombre d'heures indiqué par la société pour chacun des personnels en cause était " validé ". A cet égard, le ministre de l'action et des comptes publics, qui ne remet pas utilement en cause les éléments ainsi apportés par la société Squad, ne saurait se prévaloir, de manière générale, de l'intitulé des fonctions des personnels de cette société, dès lors qu'il résulte de l'instruction que ces personnels ont, ainsi qu'il ressort des rapports produits par la société, soit participé directement à des opérations de recherche effectuées par la société Squad, et sont donc assimilables, alors même que certains ne posséderaient pas le titre et/ou un diplôme d'ingénieur, à des ingénieurs au sens et pour l'application de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts, soit ont contribué, sous la responsabilité d'un ingénieur, à définir les besoins fonctionnels auxquels devaient répondre les projets développés par la société. Enfin, et dans ces conditions, la circonstance que certains de ces personnels sont titulaires d'un brevet de technicien supérieur (BTS), d'un diplôme universitaire de technologie (DUT), d'une licence, d'un master ou d'un certificat de qualification, diplômes portant d'ailleurs tous, en l'espèce, sur des spécialités scientifiques ou informatiques, ne saurait, par elle-même, rendre leur rémunération inéligible au crédit d'impôt en cause, alors que, en tout état de cause, le ministère chargé de la recherche et de la technologie a relevé, dans son avis du 10 avril 2018, que l'ensemble des personnels, à l'exception de Mme B... - dont il n'est pas contesté par la société Squad que, ainsi que l'a estimé cet avis, elle n'avait ni la qualité de chercheuse, ni de technicienne au sens de des dispositions de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts - avaient des qualifications et l'expérience nécessaires à la conduite d'opérations de recherche et développement. Ainsi, et contrairement à ce que soutient le ministre de l'action et des comptes publics, les rémunérations des personnels dont s'est prévalu la société Squad au titre de l'année 2016 constituaient, à l'exception de la rémunération de Mme B..., des dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt prévu par l'application de l'article 244 quater B du code général des impôts.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a accordé à la société Squad le remboursement d'un montant complémentaire de crédit d'impôt relatif aux dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2016, correspondant à l'intégration dans l'assiette du crédit d'impôt de la totalité des dépenses figurant dans sa demande, à l'exception des rémunérations de Mme B....

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Squad au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la société Squad une somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Squad.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, où siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2022.

Le rapporteur,

K. A...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01044


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01044
Date de la décision : 01/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS LEYTON LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-01;20pa01044 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award