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30/06/2022 | FRANCE | N°22PA00570

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 juin 2022, 22PA00570


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de 36 mois.

Par un jugement n° 2107907/4-3 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par

une requête, enregistrée le 9 février 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de 36 mois.

Par un jugement n° 2107907/4-3 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la présence de l'intéressé en France constitue une menace pour l'ordre public ;

- l'intéressé ne répond pas aux conditions posées par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour, dès lors qu'il ne justifie ni de la durée de son séjour, ni d'une intégration en France et qu'il n'établit pas participer à l'entretien et à l'éducation de sa fille ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2022, M. C... B..., représenté par Me Kogeorgos, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) de rejeter la requête ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de sa demande, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761 -1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas démontré que le préfet lui aurait adressé l'avis de la commission du titre de séjour avant l'édiction de l'arrêté ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet a examiné sa demande au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 avril 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

- le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant sénégalais né le 25 mai 1989, est entré en France en 2004 selon ses déclarations. Il a bénéficié de titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", valables du 15 octobre 2009 au 14 octobre 2010, et régulièrement renouvelés jusqu'au 18 novembre 2016. Il en a sollicité le renouvellement sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code. La commission du titre de séjour a, le 16 avril 2021, émis un avis favorable à la délivrance du titre de séjour sollicité. Par un arrêté du 8 avril 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de trente-six mois. Le préfet de police relève appel du jugement du 7 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ".

3. M. B... ayant été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 27 avril 2022, ses conclusions tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire sont dépourvues d'objet.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

4. Aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiées à l'article L. 432-1 du même code : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code, dans sa version applicable au litige et désormais codifié à l'article L. 423-23 dudit code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".

5. Pour annuler l'arrêté du 8 avril 2021, les premiers juges ont retenu que le préfet de police avait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation compte tenu de ce que la présence de M. B... en France ne pouvait être considérée comme constituant une menace pour l'ordre public. Pour contester le motif d'annulation retenu par le tribunal, le préfet de police soutient devant la cour qu'en raison de son passé pénal, M. B... représente une menace pour l'ordre public. Par ailleurs, il conteste l'intensité des attaches familiales de l'intéressé en France.

6. Toutefois, s'il est constant que l'intéressé a fait l'objet d'une condamnation le 26 février 2016 par le tribunal correctionnel de Paris à six mois d'emprisonnement avec sursis pour violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire, liée à la victime par un pacte de solidarité, et le 10 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Paris à 400 euros d'amende pour conduite d'un véhicule sans permis, la seule circonstance que l'intéressé ait fait l'objet de condamnations ne saurait, à elle seule, justifier un refus de titre de séjour. Par ailleurs, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la condamnation dont M. B... a fait l'objet en 2016, bien que les faits de violence qui lui sont reprochés soient d'une certaine gravité, doit être regardée, d'une part, comme isolée en l'absence d'autres faits répréhensibles de même nature, et d'autre part comme étant anciens, dès lors qu'il se sont déroulés en 2015, soit plus de six ans à la date de l'arrêté en litige. De plus, la condamnation à une amende dont M. B... a été l'objet en 2019, pour des faits d'une relative gravitée, ne saurait, non plus, établir que le comportement de l'intéressé constituerait une menace actuelle à l'ordre public. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en refusant un titre de séjour à M. B... sur la circonstance que son comportement constituait une menace à l'ordre public, le préfet de police avait entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation.

7. De plus, si le préfet de police soutient qu'en tout état de cause, l'intéressé ne remplissait pas les conditions posées au 7° de l'article L.313-11, alors applicables, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France en 2004, circonstance que le préfet ne conteste pas sérieusement, et que M. B..., dont la mère et les frères résident en France sous couvert de cartes de résidents, est dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Il est par ailleurs père d'une fille de nationalité française née le 29 juillet 2014, à l'entretien et à l'éducation de laquelle il participe effectivement ainsi qu'il ressort du jugement aux affaires familiales en date du 30 novembre 2021 et du courrier de l'association Olga Spitzer, qui, bien que postérieurs à l'arrêté en litige, révèlent une situation antérieure. Enfin, et ainsi que l'a relevé la commission du titre de séjour dans son avis favorable du 16 avril 2021, l'intéressé dispose d'un emploi en contrat à durée indéterminée depuis 2020.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 avril 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement mais nécessairement que le préfet de police procède au réexamen de la situation de M. B.... Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de police d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et munir l'intéressé, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Kogeorgos, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Kogeorgos de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. B....

Article 2 : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Kogeorgos, avocat de B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Kogeorgos renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus de conclusions de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Gobeill, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

La présidente,

M. A... L'assesseure la plus ancienne,

C. BRIANÇON

La greffière,

V. BREMELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA00570 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00570
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : KOGEORGOS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-30;22pa00570 ?
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