Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
9 décembre 2020 par lequel le ministre de l'économie, des finances et de la relance et le ministre de l'intérieur ont prononcé, pour une durée de six mois, le gel de ses fonds, instruments financiers et ressources économiques en application des articles L. 562-2 et suivants du code monétaire et financier.
Par un jugement n° 2103047/4-2 du 27 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 novembre 2021, M. A... C..., représenté par Me Kempf, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2103047/4-2 du 27 septembre 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2020 par lequel le ministre de l'économie, des finances et de la relance et le ministre de l'intérieur ont prononcé, pour une durée de six mois, le gel de ses fonds, instruments financiers et ressources économiques en application des articles L. 562-2 et suivants du code monétaire et financier ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure tenant à la méconnaissance du principe du contradictoire ;
- il est entaché d'une erreur de fait dès lors que les agissements reprochés ne sont pas établis ;
- il est entaché d'une erreur de droit, le PKK ne pouvant être regardé comme une organisation terroriste pour l'application des dispositions de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier ; de surcroît les ministres se sont fondés sur ses seules fonctions pour prendre la mesure de gel de ses fonds et ressources économiques ;
- l'arrêté est entaché d'erreur d'appréciation dès lors que les agissements reprochés ne sauraient être qualifiés d'actes facilitant ou incitant à commettre des actes de terrorisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil du 27 décembre 2001 ;
- la position commune 2001/931/PESC du Conseil du 27 décembre 2001 ;
- le code monétaire et financier ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision n° 2015-524 QPC du 2 mars 2016 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ho Si Fat, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gauthier, avocat de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 9 décembre 2020, publié au Journal officiel de la République française le 1er décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance et le ministre de l'intérieur ont, en application de l'article L. 562-2 et suivants du code monétaire et financier, décidé pour une période de six mois le gel des fonds et ressources économiques de M. A... C..., de nationalité turque au motif que l'intéressé joue un rôle d'entremetteur, de conseiller et de collecteur de fonds au sein du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation au sein de laquelle il exerce, sur le plan national et européen, des fonctions de cadre depuis 2016, de telles activités étant de nature à faciliter la concrétisation des actions terroristes du PKK et l'intéressé devant être regardé comme facilitant et incitant à la commission d'actes de terrorisme et entrant ainsi dans le champ d'application de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier. Par une requête enregistrée le 12 février 2021, M. C... a demandé l'annulation de l'arrêté litigieux au tribunal administratif de Paris. Par le jugement n° 2103047/4-2 du 27 septembre 2021 dont il relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé de l'arrêté contesté:
2. En premier lieu, M. C... n'apporte en cause d'appel aucun élément nouveau ou déterminant au soutien de son moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du
9 décembre 2020 contesté. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux point 3 du jugement n° 2103047/4-2 du 27 septembre 2021.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier : " Le ministre chargé de l'économie et le ministre de l'intérieur peuvent décider, conjointement, pour une durée de six mois, renouvelable, le gel des fonds et ressources économiques : / 1° Qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes physiques ou morales, ou toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes de terrorisme, y incitent ou y participent (...) ". Aux termes de l'article L. 562-1 du même code : " Pour l'application du présent chapitre, on entend par : / 1° "Acte de terrorisme": les actes définis au 4° de l'article 1er du règlement (UE) n° 2580/2001 du Conseil du 27 décembre 2001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ; (...) ". Ces dispositions renvoient elles-mêmes à la définition qui figure à l'article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931/PESC, aux termes duquel : " Aux fins de la présente position commune, on entend par "acte de terrorisme", l'un des actes intentionnels suivants, qui, par sa nature ou son contexte, peut gravement nuire à un pays ou à une organisation internationale, correspondant à la définition d'infraction dans le droit national, lorsqu'il est commis dans le but de : / i) gravement intimider une population, ou / ii) contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou / iii) gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou d'une organisation internationale : / a) les atteintes à la vie d'une personne, pouvant entraîner la mort ; / b) les atteintes graves à l'intégrité physique d'une personne ; / c) l'enlèvement ou la prise d'otage ; / d) le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, y compris un système informatique, à une plate-forme fixe située sur le plateau continental, à un lieu public ou une propriété privée susceptible de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques considérables ; / e) la capture d'aéronefs, de navires ou d'autres moyens de transport collectifs ou de marchandises ; / f) la fabrication, la possession, l'acquisition, le transport, la fourniture ou l'utilisation d'armes à feu, d'explosifs, d'armes nucléaires, biologiques ou chimiques ainsi que, pour les armes biologiques ou chimiques, la recherche et le développement ; / g) la libération de substances dangereuses, ou la provocation d'incendies, d'inondations ou d'explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ; /h) la perturbation ou l'interruption de l'approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ; / i) la menace de réaliser un des comportements énumérés aux point a) à h) ; / j) la direction d'un groupe terroriste ; / k) la participation aux activités d'un groupe terroriste, y compris en lui fournissant des informations ou des moyens matériels, ou toute forme de financement de ses activités, en ayant connaissance que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe. / Aux fins du présent paragraphe, on entend par "groupe terroriste", l'association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des actes terroristes. Les termes "association structurée" désignent une association qui ne s'est pas constituée par hasard pour commettre immédiatement un acte terroriste et qui n'a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure
élaborée ".
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments précis et circonstanciés figurant dans la " note blanche " versée au débat contradictoire, que M. C... est un responsable du PKK depuis 2008, et un des cadres influents du mouvement dans l'Oise depuis 2015, qu'il joue depuis juillet 2016 un rôle d'entremetteur au service du réseau du PKK, au sein duquel il entretient de nombreux contacts, et s'est impliqué, en tant que " conseiller pour les affaires administratives " du PKK de mars 2016 à mars 2017, dans la remobilisation des militants kurdes et la médiation au sein du mouvement, qu'en novembre 2019, il a relancé les retardataires de la Kampanya, impôt révolutionnaire prélevé sur la communauté kurde, n'hésitant pas à menacer ses interlocuteurs au besoin, enfin que pour s'acquitter de cette mission, M. C... a travaillé en lien étroit avec
M. D... B..., un cadre important de l'organisation, ancien combattant kurde au Rojava (" Kurdistan syrien "), qui vit en Allemagne. Si M. C... conteste les éléments factuels sur le fondement de laquelle l'arrêté contesté a été pris, il n'apporte en cause d'appel aucun élément nouveau ou déterminant de nature à établir que ces éléments seraient erronés ou entachés d'erreur d'appréciation. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le ministre de l'intérieur et le ministre de l'économie, des finances et de la relance, en estimant que M. C... devait être regardé comme facilitant la commission d'actes de terrorisme et en décidant, pour ce motif, le gel de ses avoirs pour une durée de six mois, auraient commis une erreur de fait ou une erreur d'appréciation, doit être écarté.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.
L'assesseure la plus ancienne,
A. COLLET Le président-rapporteur,
F. HO SI FAT
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'intérieur en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA06097