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30/06/2022 | FRANCE | N°21PA05682

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 30 juin 2022, 21PA05682


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet du Val d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il est légalement admissible et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2110452/3 du 1er octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté

sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 novembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet du Val d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il est légalement admissible et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2110452/3 du 1er octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Delphine Fratacci, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2110452/3 du 1er octobre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté devant ce tribunal ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisation à travailler, et subsidiairement, de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant refus de départ volontaire :

- cette décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet du Val d'Oise s'est cru, à tort, en situation de compétence liée en méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

- cette décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est, à tout le moins, entachée d'erreur manifeste d'appréciation :

- elle méconnaît les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La présente requête a été dispensée d'instruction en application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant centrafricain, a fait l'objet d'un contrôle le 18 juillet 2021 à l'issue duquel il a été constaté qu'il se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français. Par arrêté du 19 juillet 2021, le préfet du Val d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an. Il relève appel du jugement du 1er octobre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. B... reprend en appel, à l'identique et sans élément nouveau, le moyen soulevé en première instance tiré de l'insuffisance de motivation de la décision d'éloignement. Dans ces conditions, le requérant n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause l'appréciation qui a été portée par le tribunal. Par suite, le moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 2. du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

5. Il ressort des pièces du dossier que, si M. B... se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France, comme il le faisait en première instance, il n'apporte aucun élément à l'appui de son argumentation. Or, ainsi que l'a relevé le tribunal, le requérant ne justifie pas de la date à laquelle il est entré sur le territoire français, pas plus qu'il ne justifie du caractère habituel de sa résidence, notamment, en 2021, en 2020 en se bornant à produire deux avenants aux contrats de travail à durée déterminée des 11 février et 21 mars 2020 conclus avec la société Urbapropreté pour assurer le remplacement temporaire de salariés absents pour les périodes courant respectivement du 3 mai au 1er juin 2020 et du 30 avril au 28 mai 2020, et en 2019, en communiquant deux avis d'échéance du logement occupé avec sa compagne, datant des mois de janvier et mars 2019, un relevé de remboursement de soins médicaux pour le mois de janvier 2019, une attestation de droits à l'assurance maladie et un contrat de travail, non signé, établi le 16 août 2019. En outre, si le requérant a acquis la nationalité française par déclaration souscrite le 21 juin 2006 devant le juge d'instance de Nancy en application de l'article 21-2 du code civil, il est constant que cette déclaration a été annulée par jugement du Tribunal de grande instance de Nancy du 14 mars 2014 et qu'il se maintient en France, depuis cette date, en situation irrégulière. Si le requérant allègue qu'il possède ses attaches familiales en France, il n'établit pas, alors qu'il a précisé au cours de l'audience devant le tribunal qu'il ne résidait pas avec ses enfants, qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant mineur, ni qu'il entretiendrait des relations affectives avec ses enfants majeurs. Par ailleurs, M. B... ne justifie pas d'une insertion particulière, notamment, par le travail en se prévalant d'attestations et de certificats de travail d'employeurs établis pour les années 2019, 2020 et 2021, qu'il ne produit pas. Si le relevé de situation individuelle qu'il a produit en première instance au titre des régimes de retraite légalement obligatoires fait seulement mention d'une activité professionnelle jusqu'en 2017, les avenants aux contrats de travail à durée déterminée qu'il a fournis, et qui ne sont au demeurant appuyés d'aucun bulletin de salaire, ne portent que sur des missions temporaires de remplacement de salariés. Dans ces conditions, M. B... n'établit pas qu'eu égard à la durée et aux conditions de son séjour sur le territoire, le préfet, en prenant la décision critiquée, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il ne peut donc être reproché au préfet du Val d'Oise d'avoir méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être mentionnés au point 5. du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le préfet du Val d'Oise aurait entaché la décision en litige d'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de départ volontaire :

7. En premier lieu, si M. B... soutient, comme il le faisait en première instance et sans faire valoir d'éléments nouveaux devant la Cour, que la décision en litige est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet du Val d'Oise s'est cru, à tort, en situation de compétence liée en méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenues celles de l'article L. 612-2 du même code, et qu'elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il y a lieu, par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 8., 9. et 11. de son jugement, d'écarter ces moyens.

8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés aux points 3. à 6. du présent arrêt, les moyens tirés de ce que le préfet du Val d'Oise aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché la décision en litige d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Si le requérant soutient que la décision litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que le préfet du val d'Oise a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, il résulte de ce qui a été dit précédemment aux points 3. à 6. du présent arrêt que ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu, si M. B... soutient, comme il le faisait en première instance et sans faire valoir d'éléments nouveaux devant la Cour, que la décision en litige est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et a été prise en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et, il y a lieu, par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 13. à 16. de son jugement, d'écarter ces moyens.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision critiquée : " (...) les décisions d'interdiction de retour (...) prévues aux articles L. 612-6, (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

12. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, particulièrement, les articles L. 612-6 et L. 613-2, et fait mention des motifs qui ont amené le préfet de police à refuser au requérant un délai de départ volontaire, et qui ont entraîné, par voie de conséquence, faute de circonstances humanitaires, une interdiction de retour sur le territoire français. Cette décision indique, par ailleurs, que la durée de cette interdiction a été fixée au regard des critères prévus par dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, notamment, celui afférent à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France, que le préfet du Val d'Oise a précisé. Le préfet n'était pas tenu, contrairement à ce que le requérant soutient, de faire référence aux autres critères prévus à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si le requérant fait valoir que le préfet a commis une erreur de fait au regard de sa situation familiale, cette circonstance est sans incidence sur l'exigence de motivation. Il suit de là que le moyen tiré d'une insuffisante motivation de l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an doit, par suite, être écarté.

13. En troisième lieu aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

14. M. B... soutient qu'il a durablement fixé le centre de ses attaches privées et familiales sur le territoire français. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 5. du présent arrêt qu'il ne peut justifier contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant mineur ni entretenir des relations affectives avec ses deux enfants majeurs. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Val d'Oise aurait méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché la décision contestée d'erreur manifeste d'appréciation.

15. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés aux points 3. à 6. du présent arrêt, les moyens tirés de ce que le préfet du Val d'Oise aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché la décision en litige d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête en toutes ses conclusions y compris les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B....

Copie sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet du Val d'Oise.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

Le rapporteur,

S. D...Le président

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05682


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05682
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : FRATACCI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-30;21pa05682 ?
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