Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2109029/3-2 du 6 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a renvoyé les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et celles à fin d'injonction y afférentes à une formation collégiale, a annulé l'arrêté du 26 avril 2021 du préfet de police, lui a enjoint de munir M. B... d'une autorisation provisoire de séjour pendant le temps du réexamen de sa situation, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 août 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2109029/3-2 du 6 juillet 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de la défense de l'ordre public ;
- les autres moyens doivent être écartés au bénéfice des écritures de première instance.
Par des mémoires en défense enregistrés les 23 septembre et 1er octobre 2021, M. B..., représenté par Me Nicolas de Sa-Pallix, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des 4°, 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous la même astreinte, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'appel du préfet de police est irrecevable, à défaut de production du jugement attaqué dans le délai de régularisation imparti par la Cour, d'inventaire des pièces régulier, de compétence du signataire de la requête et de signature manuscrite ;
- les décisions contenues dans l'arrêté contesté sont insuffisamment motivées ;
- sa situation n'a pas été sérieusement examinée ;
- il a été privé du droit d'être entendu ;
- cet arrêté est entaché d'un vice de procédure, dès lors que le préfet de police ne justifie pas de l'identité et de l'habilitation de l'agent qui a procédé à la consultation des fichiers informatisés et du casier judiciaire ;
- le préfet de police a méconnu les 6° et 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- il devait se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des 4°, 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de fait ;
- la base légale de l'obligation de quitter le territoire français retenue par le préfet de police est erronée ;
- le préfet de police a méconnu l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de refus de délai de départ volontaire est illégale par voie d'exception ;
- il n'entre pas dans le champ d'application du 1°, du 2° et du c), f) et h) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de police a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de son placement en détention et des restrictions sanitaires ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie d'exception ;
- le préfet de police a méconnu l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et commis une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation.
Par une ordonnance du 14 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les observations de Me Nicolas de Sa-Pallix, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant russe d'origine tchétchène, a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. Par un jugement du 6 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal a renvoyé les conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de police a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. B... et celles à fin d'injonction y afférentes à une formation collégiale, a annulé l'arrêté du 26 avril 2021 du préfet de police, lui a enjoint de munir M. B... d'une autorisation provisoire de séjour pendant le temps du réexamen de sa situation, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Le préfet de police relève appel de ce jugement, dont il demande l'annulation des articles 2 à 4.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; 5° Si le document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé (...) 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a présenté une demande de titre de séjour le 4 novembre 2019 en qualité de parent d'enfant français, à la suite de laquelle il a été muni d'un récépissé de demande de carte de séjour valable du 4 décembre 2019 au 3 mars 2020, renouvelé jusqu'au 2 juin 2020. Contrairement à ce que mentionne l'arrêté du 26 avril 2021 du préfet de police pour fonder l'obligation de quitter le territoire français, M. B... n'a pas bénéficié d'un titre de séjour à l'expiration duquel il se serait maintenu sur le territoire français sans en demander le renouvellement, mais a fait l'objet d'un refus implicite de titre de séjour, né quatre mois après sa demande, puis, et en tout état de cause, d'un refus de renouvellement du récépissé qui lui avait été délivré pour l'examen de sa demande de titre de séjour. Ainsi que le fait valoir M. B..., l'arrêté du 26 avril 2021 ne pouvait dès lors être fondé sur le 4° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. A cet égard, si le préfet de police a prononcé une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. B... à la suite d'un refus implicite de délivrance d'un titre de séjour, il n'a pas motivé sa décision en indiquant les circonstances de fait et de droit qui la justifient, la motivation attendue ne pouvant résulter de la seule référence à l'existence d'un refus implicite de titre de séjour. Au demeurant, le préfet de police n'a pas même exposé en première instance et en appel les motifs qui auraient justifié le rejet implicite de la demande de titre de séjour de
M. B..., pas plus d'ailleurs que le refus de renouvellement de récépissé. En outre, si l'arrêté contesté mentionne l'existence d'une audition, sans même en préciser le moment et la teneur,
M. B... soutient sans être contesté qu'il n'a en réalité pas été entendu préalablement à cet arrêté, qui n'est pas concomitant à une décision de refus de titre de séjour, et qu'il n'a ainsi pu faire valoir sa situation familiale et l'absence de menace à l'ordre public qu'il allègue. Dans ces conditions, et dès lors que l'obligation de motivation précédemment décrite et le droit d'être entendu constituent des garanties pour le demandeur, la Cour ne peut prononcer une substitution de base légale.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit et que, compte tenu de l'illégalité de cette décision, les décisions lui refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination sont illégales par voie d'exception.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par M. B..., que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par les articles 2 à 4 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 26 avril 2021 par lequel il a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. Sa requête doit dès lors être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des 4°, 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, aucun autre moyen n'étant susceptible de fonder l'injonction demandée. Par ailleurs, le jugement attaqué a déjà enjoint au préfet de police de munir M. B... d'une autorisation provisoire de séjour pendant le temps du réexamen de sa situation. Dans ces conditions, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police et le surplus des conclusions d'appel de M. B... sont rejetés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
I. BROTONSLe greffier,
S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04487