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29/06/2022 | FRANCE | N°21PA05985

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 29 juin 2022, 21PA05985


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été réclamées au titre des années 2013, 2014 et 2015.

B... un jugement n° 1913486/2-2 du 27 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

B... une requête et un mémoire enregistrés les 23 novembre 2021 et 31 mars 2022, Mme C..., représentée B... Me E

ric Planchat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1913486/2-2 du 27 septembre 2021 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été réclamées au titre des années 2013, 2014 et 2015.

B... un jugement n° 1913486/2-2 du 27 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

B... une requête et un mémoire enregistrés les 23 novembre 2021 et 31 mars 2022, Mme C..., représentée B... Me Eric Planchat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1913486/2-2 du 27 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 25 juillet 2016 n'est pas motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification ;

- les impositions contestées au titre des années 2013 et 2014 ont été mises en recouvrement au nom de Mme C... et de M. A... alors qu'elle est mariée depuis le 7 juillet 2014 ;

- les informations recueillies au cours de la vérification de comptabilité de la société Fontaine Beauté ne lui sont pas opposables ; l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ce qui rend inopposable le document exploité B... l'administration fiscale pour reconstituer les recettes de la société Fontaine Beauté ;

- la méthode de reconstitution du nombre de clients est erronée ; les constatations tirées de la surveillance policière ne sont pas représentatives des conditions d'exploitation des salons de massage ; les horaires d'ouverture du salon de massage situé H... ne sont pas réalistes ; le nombre de clients retenus B... jour et B... salon B... l'administration fiscale est incohérent avec le pourcentage d'encaissement en espèces ;

- elle apporte la preuve de l'absence d'appréhension des sommes considérées comme distribuées à son profit eu égard aux constatations faites B... le juge pénal, lesquelles sont revêtues de l'autorité de la chose jugée.

B... deux mémoires en défense enregistrés les 22 février et 4 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués B... Mme C... ne sont pas fondés.

B... un mémoire distinct enregistré le 22 mars 2022, Mme C... demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis B... la Constitution de l'article 109.1.1° du code général des impôts tel qu'interprété B... le Conseil d'Etat dans sa décision du 19 juin 2020 n° 432 815.

Elle soutient que les dispositions en cause, telles qu'interprétées B... le Conseil d'Etat, portent atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques garanti B... l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme dès lors que la qualité de seul maître de l'affaire suffit à regarder le contribuable comme bénéficiaire des revenus réputés distribués B... la société en cause, la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondant ou qu'elles auraient été versées à des tiers étant sans incidence à cet égard.

B... une ordonnance du 22 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la décision du Conseil d'Etat n° 432815 du 29 juin 2020 ;

- la décision du Conseil d'Etat n° 400882 du 14 septembre 2016 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Planchat, avocat de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Fontaine Beauté, dont Mme C... était la propriétaire, la gérante de fait puis la liquidatrice amiable à compter du 1er avril 2017, et qui exploitait deux salons de massage situés H... dans le IVème arrondissement de Paris et F... dans le XVIIIème arrondissement, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de laquelle l'administration fiscale, faisant usage du droit de communication prévu aux articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales, a pris connaissance de documents recueillis B... l'autorité judiciaire dans le cadre de la procédure d'enquête et flagrant délit de proxénétisme diligentée B... la brigade de répression du proxénétisme (BRP) qui lui ont été communiquées après autorisation du Parquet du 23 décembre 2015. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a écarté la comptabilité de l'EURL Fontaine Beauté comme entachée de graves irrégularités et a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires B... une proposition de rectification du 13 mai 2016. Les bénéfices retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ont été regardés comme distribués à Mme C..., en sa qualité de gérante de fait et maître de l'affaire, et taxés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. Les conséquences au titre des impositions à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux de Mme C... ont été portées à sa connaissance B... une proposition de rectification du 25 juillet 2016. B... un jugement du 27 septembre 2021, dont Mme C... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été réclamées au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Sur l'étendue du litige :

2. B... décision du 1er mars 2022 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a prononcé le dégrèvement total, pour un montant, en droits et pénalités, de 3 326 des suppléments d'impositions mises à la charge de Mme C... au titre de l'années 2013. Les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il résulte de l'instruction que Mme C... avait soulevé en première instance le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la proposition de rectification du 25 juillet 2016 n'était pas motivée à défaut de préciser les modalités de détermination des revenus distribués. En omettant de répondre à ce moyen, les premiers juges ont entaché d'irrégularité le jugement attaqué. Ce jugement doit dès lors être annulé et il y a lieu de statuer B... la voie de l'évocation sur la demande présentée B... Mme C... devant le tribunal.

Sur la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité :

4. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".

5. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, modifiée B... la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat (...), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis B... la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office. / (...) ". Aux termes de l'article 23-2 de cette ordonnance : " La juridiction statue sans délai B... une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat (...). Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. / En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis B... la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer B... priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat (...). / La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d'Etat (...) dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n'est susceptible d'aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ".

6. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ".

7. Mme C... demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat la question de conformité à l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789 des dispositions précitées du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts telles qu'interprétées B... le Conseil d'Etat dans sa décision n° 432815 du 29 juin 2020. Elle soutient que l'instauration d'une présomption irréfragable d'appréhension des revenus distribués, qui fait obstacle à ce qu'elle puisse apporter la preuve qu'elle n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes réputées distribuées, est contraire au principe d'égalité devant les charges publiques.

8. Ainsi que l'a relevé le Conseil d'Etat dans la décision n° 400882 du 14 septembre 2016, est qualifiée de maître de l'affaire une personne qui exerce la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et dispose sans contrôle de ses fonds. Si l'administration fiscale entend imposer des revenus réputés distribués sur le fondement du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts au nom du maître de l'affaire, elle doit justifier de cette qualification. Celle-ci nécessite une analyse des circonstances propres à l'affaire et notamment du fonctionnement spécifique de l'entreprise. Si le contribuable est reconnu maître de l'affaire, le Conseil d'Etat a estimé, B... une décision n° 432815 du 29 juin 2020, que cette qualité était suffisante pour qu'il soit regardé comme le bénéficiaire de revenus réputés distribués sans que la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu'elles auraient été versées à des tiers ait une incidence à cet égard. Toutefois, la circonstance que les éventuels emplois ou réemplois B... le maître de l'affaire des revenus distribués demeure sans influence sur l'appréhension des revenus ne fait pas obstacle à ce que le contribuable apporte la preuve qu'il n'a pas la qualité de maître de l'affaire. Le contribuable n'est, B... ailleurs, pas empêché de démontrer que les sommes réputées distribuées n'étaient pas disponibles. Il suit de là que le grief tiré de ce que les dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, telles qu'interprétées B... le Conseil d'Etat, porteraient atteinte au principe d'égalité des contribuables devant les charges publiques garanti B... l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen est dépourvu de caractère sérieux.

9. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité, dépourvue de caractère sérieux, soulevée B... Mme C... devant la Cour.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue B... l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ".

11. D'une part, Mme C... soutient que l'administration fiscale ne produit aucun élément de nature à établir que la proposition de rectification du 25 juillet 2016 lui aurait été régulièrement adressée et notifiée. Il résulte, toutefois, de l'instruction et notamment de l'accusé de réception de cette proposition de rectification produit B... l'administration fiscale que le pli la contenant a été présenté le 3 août 2016 à Mme C... et M. A... et que Mme C... l'a retiré, dans le délai de mise en instance, l'accusé de réception ayant été signé B... elle le 8 août 2016. Dans ces conditions, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté.

12. D'autre part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Lorsqu'elle entend notifier des redressements fondés sur le 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, l'administration doit justifier des motifs de droit ou de fait pour lesquels elle a estimé devoir rehausser les bases imposables de la société qui se trouve à l'origine des distributions. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire à cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations du contribuable, consécutive à un précédent contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.

13. Mme C... soutient que la proposition de rectification du 25 juillet 2016 est insuffisamment motivée à défaut de préciser les modalités de détermination des revenus réputés distribués. Il résulte de l'instruction que cette proposition de rectification comporte la mention de l'impôt et des prélèvements sociaux qu'elle concerne, de même que les années d'imposition en cause et les catégories de revenus visées B... les rectifications qu'elle porte à la connaissance de l'intéressée. Ainsi, l'administration fiscale a précisé, conformément aux dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, que les résultats imposables correspondant au profit sur le trésor ainsi qu'au bénéfice évalué d'office de l'EURL Fontaine Beauté au titre des exercices clos en 2014 et 2015 constituent des revenus distribués taxables entre les mains de Mme C..., maître de l'affaire, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, assortis de la majoration de 25 % prévue B... les dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du même code. Les modalités de calcul des rehaussements en base, qui figurent en page 5 de la proposition de rectification du 25 juillet 2016, et qui correspondent, pour l'année 2014, au rehaussement en base notifié à l'EURL diminué du déficit déclaré et pour l'année 2015 au seul rehaussement en base, le résultat déclaré étant bénéficiaire, ont été exposés de manière suffisamment explicites, notamment en page 18 de la proposition de rectification du 13 mai 2016 adressée au liquidateur de l'EURL Fontaine Beauté, que l'administration avait jointe dans son intégralité à la proposition de rectification adressée à Mme C..., pour lui permettre de présenter utilement ses observations. Dans ces conditions, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

15. En vertu de ces dispositions, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, d'informer, au plus tard avant la mise en recouvrement, le contribuable dont elle envisage de rectifier les bases d'imposition de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication et qu'elle a effectivement utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante, afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition. Saisie d'une demande de communication desdits renseignements, l'administration est tenue d'y faire droit sauf lorsque les renseignements obtenus auprès de tiers sont couverts B... le secret professionnel.

16. Mme C... soutient que les informations recueillies au cours de la vérification de comptabilité de l'EURL Fontaine Beauté ne lui sont pas opposables, notamment, le procès-verbal n° 2014/000667, dont la société avait demandé la communication B... un courrier du 21 juillet 2016, et qui ne lui a pas été transmis en annexe de la lettre n° 3926 du 29 juillet 2016. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration avait joint à ce courrier du 29 juillet 2016 le procès-verbal n° 2014/000667 auquel il était expressément renvoyé en page 8 de la proposition de rectification du 13 mai 2016. La circonstance que ce procès-verbal ait été mentionné sous le n° 2014/00067 en page 9 de cette proposition de rectification ne peut être regardé que comme une simple erreur de plume, aisément identifiable B... le contribuable dès lors que ce procès-verbal était référencé à plusieurs reprises sous le bon numéro. Si Mme C... fait valoir que le cliché photographique des tarifs, coté D421 et annexé à ce procès-verbal, est illisible, il résulte, toutefois, de l'instruction que ce cliché, même de mauvaise qualité, ne faisait pas obstacle à ce qu'elle prenne connaissance de son contenu. En tout état de cause, alors qu'il était loisible à Mme C... de demander à l'administration fiscale de lui communiquer une copie de la grille tarifaire, celle-ci l'avait intégralement reproduite en page 9 de la proposition de rectification du 13 mai 2016. B... ailleurs, une copie lisible des tarifs a été produite B... l'administration tant en première instance qu'en appel. Il suit de là que le moyen invoqué ne peut qu'être écarté.

17. En troisième et dernier lieu, il est constant que Mme C..., qui a contracté mariage le 7 juillet 2014 avec M. A..., a déposé une déclaration commune avec son conjoint au titre de l'année 2014 sans avoir opté pour une imposition distincte en application des dispositions du 5. de l'article 6 du code général des impôts. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de l'imposition commune des époux au titre de l'année 2014 ne peut qu'être écarté, le même moyen n'ayant plus d'objet en ce qui concerne l'année 2013.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la méthode de reconstitution :

18. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / (...) ". Il résulte de l'instruction que Mme C... n'a présenté aucune observation à la proposition de rectification du 25 juillet 2016. Elle doit ainsi être considérée comme ayant tacitement accepté les rectifications en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, et supporte en conséquence la charge d'établir, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, que la méthode de reconstitution suivie B... l'administration fiscale aboutirait à des résultats exagérés.

19. Mme C... soutient que la méthode suivie B... l'administration fiscale pour déterminer le nombre de clients B... jour n'est pas pertinente, que les constatations tirées de la surveillance policière ne sont pas représentatives des conditions d'exploitation des salons de massage, que les horaires d'ouverture du salon de massage situé dans le 9ème arrondissement ne sont pas réalistes et que le nombre de clients retenus B... jour et B... salon B... l'administration fiscale est incohérent avec le pourcentage des encaissements en espèces.

20. Pour reconstituer les résultats de l'EURL Fontaine Beauté au titre des exercices clos 2014 et 2015, l'administration fiscale, qui a rejeté la comptabilité de la société comme insincère, irrégulière et non probante, s'est fondée sur les pièces de la procédure judiciaire dans le cadre de la procédure d'enquête et flagrant délit de proxénétisme diligentée B... la BRP qu'elle a obtenues après avoir exercé son droit de communication auprès du parquet du Tribunal de grande instance de Paris en application des dispositions des articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales. A partir des procès-verbaux des surveillances du salon de massage situé dans le 9ème arrondissement, l'un des deux salons gérés B... l'EURL Fontaine Beauté, les 30 juillet 2014, 4 et 21 août, 10 et 15 septembre 2015 ainsi que procès-verbaux d'audition des employées de la société, dressés B... la BRP, l'administration fiscale a reconstitué le chiffre d'affaires en se fondant sur une estimation, pour le salon situé H..., d'une moyenne de trente et un clients quotidiens pendant les 275 jours d'ouverture du salon en 2014 ainsi que pendant les 288 jours d'ouverture du salon en 2015, avec un prix moyen des prestations de 87 euros et, pour le salon situé F..., d'une moyenne de quinze clients quotidiens pendant les 184 jours d'ouverture du salon en 2014 ainsi que pendant les 288 jours d'ouverture du salon en 2015, avec également un prix moyen des prestations de 87 euros. L'administration fiscale a ensuite soustrait du chiffre d'affaires hors taxe ainsi obtenu le chiffre d'affaires déclaré hors taxe ainsi que le complément de charges, équivalant aux pourboires versés B... la clientèle aux masseuses pour la réalisation de prestations sexuelles.

21. En premier lieu, Mme C... soutient que l'évaluation du nombre de clients B... jour du salon situé H... a été surestimé B... l'administration fiscale et doit être ramené à quinze au motif que les services de police ont, au cours des surveillances organisées en 2015, comptabilisé comme clients des personnes qui, compte tenu de leur temps de présence très court dans le salon, n'achetaient aucune prestation. Elle se prévaut, à cet égard, de l'audition d'une des masseuses qui aurait déclaré qu'il y avait deux masseuses B... salon qui recevaient deux à cinq clients B... jour et B... salon. Il résulte, toutefois, de l'instruction et, notamment, des procès-verbaux de surveillance de la BRP, que l'administration fiscale n'a pas comptabilisé les clients dont le temps de présence dans le salon de massage était très court. Et Mme C... n'apporte aucun élément pertinent à l'appui de son argumentation de nature à démontrer que le nombre de clients retenus B... jour B... l'administration fiscale serait incohérent au regard de l'amplitude horaire et journalière de l'activité du salon de massage. La méthode de calcul qu'elle propose est, au demeurant, insuffisamment précise et probante pour écarter celle retenue B... l'administration fiscale. En outre, contrairement à ce que soutient Mme C..., il ne résulte pas de l'instruction que les salons de massage auraient cessé toute activité à compter de la perquisition du 15 septembre 2015, les dernières recettes ayant été comptabilisées au 15 octobre 2015 et les fonds de commerce ayant été cédés le 1er décembre 2015.

22. En deuxième lieu, Mme C... soutient que le nombre de clients retenus B... jour et B... salon B... l'administration fiscale est incohérent avec le pourcentage d'encaissement en espèces, qui s'établirait à 94,4 % d'après la méthode de l'administration et à 81 % d'après la méthode qu'elle propose. Toutefois, le taux d'encaissement en espèces de 94,4 % n'est pas dépourvu de cohérence au vu notamment des prestations réalisées B... l'EURL Fontaine Beauté, Mme C... ne justifiant pas de ce qu'un tel pourcentage serait incohérent ou disproportionné.

23. En troisième lieu, Mme C... soutient que les données résultant de la surveillance du salon de la rue Pierre Fontaine sur lesquelles l'administration fiscale s'est fondée ne sont pas représentatives de l'activité des deux salons gérés B... l'EURL Fontaine Beauté dès lors que les opérations de surveillance ont porté sur 0,13 % de la durée d'exploitation du salon situé H... et que les clientèles de ces deux salons étaient différentes compte tenu de leur emplacement géographique. Toutefois, les procès-verbaux dressés B... les services de police sur lesquels se fonde l'administration fiscale ont été réalisés sur plusieurs jours et à des horaires différents, et permettent ainsi d'appréhender l'activité du salon situé H... dans son ensemble. En outre, Mme C..., sur laquelle repose la charge de la preuve, n'établit pas en quoi l'activité de ce salon, telle qu'elle a été constatée au cours des opérations de surveillance, ne serait pas transposable au salon situé F.... Au demeurant, il résulte de l'instruction que les masseuses travaillaient dans les deux salons, dont les modes de fonctionnement étaient similaires.

24. En quatrième lieu, Mme C... soutient que l'ouverture 24 heures sur 24 du salon de massage situé H... n'est pas réaliste. Il résulte toutefois des procès-verbaux de surveillance de la BRP que les masseuses ont déclaré dormir la nuit dans le salon de massage et qu'elles ouvraient lorsque des clients s'y présentaient. Si Mme C... fait valoir que les horaires d'ouverture du salon de massage mentionnée sur la cote D71 pour la journée du 21 août 2015 correspondent au début de l'opération de surveillance policière, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause l'analyse de l'administration fiscale dès lors que la requérante ne démontre pas que le salon de massage était, avant cet horaire, fermé à la clientèle. En outre, cette argumentation n'est pas corroborée B... les opérations de surveillance réalisées les autres jours.

25. En cinquième et dernier lieu, la requérante invoque, à l'appui du moyen tiré de l'incohérence de la méthode de reconstitution retenue B... l'administration fiscale au regard des constatations faites B... le juge pénal, l'autorité de la chose jugée B... la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 4 avril 2019 qui a estimé que les faits de proxénétisme aggravé B... pluralité de victimes étaient établis à l'encontre de Mme C... B... les éléments de la procédure. L'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif et à leur qualification sur le plan pénal. En revanche, elle ne s'attache pas à l'appréciation de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale. La qualification des faits ainsi effectuée B... une juridiction pénale et alors qu'il relève de la compétence exclusive du juge de l'impôt de statuer sur le bien-fondé de l'établissement de l'impôt au regard des règles fiscales, n'est pas revêtue de l'autorité absolue de la chose jugée s'imposant au juge administratif, les faits mentionnés dans l'arrêt invoqué, relatifs aux différentes sommes identifiées dans le cadre des investigations ne constituant pas, en tout état de cause, le support nécessaire du dispositif. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne l'appréhension des sommes réputées distribuées :

26. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ". Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées B... la société qu'il contrôle.

27. Pour retenir que Mme C... avait la qualité de maître de l'affaire et avait, à ce titre, appréhendé les distributions effectuées B... l'EURL Fontaine Beauté, l'administration fiscale a constaté qu'au titre des années en litige, Mme C..., qui était la propriétaire de la société et sa gérante de fait, jouait un rôle prépondérant dans la gestion de cette société de laquelle M. E..., placé sous curatelle, associé unique et gérant statutaire " de paille ", était désinvesti. Ainsi, Mme C... recrutait les masseuses, effectuait toutes les démarches relatives aux recrutements de ses employées, aux contrats de travail et bulletins de paie, leur donnait des instructions et suivait la comptabilité. B... ailleurs, elle disposait d'une procuration bancaire et de la signature sur le compte bancaire courant ouvert au nom de la société et la représentait au cours des opérations de contrôle fiscal. L'administration fiscale apporte la preuve, qui lui incombe, de ce que Mme C... pouvait être regardée, au cours des années d'imposition en litige, comme étant, au regard de l'EURL Fontaine Beauté, le seul maître de l'affaire. En se bornant à relever que les enquêteurs ont déterminé le montant de ses avoirs au 15 septembre 2015 à la somme de 41 531,68 euros et l'existence de virements bancaires à destination de la Chine d'un montant de 24 065,70 euros, Mme C... n'apporte aucun élément pertinent de nature à combattre ce faisceau d'indices concordants. Il suit de là que la seule qualité de maître de l'affaire de Mme C... était suffisante pour la regarder comme bénéficiaire des revenus distribués B... cette société sans que la circonstance qu'elle n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu'elles auraient été versées à des tiers ait une incidence à cet égard.

28. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions relatives à l'année 2013, qu'il y a lieu d'annuler le jugement n° 1913486/2-2 du 27 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande présentée B... Mme C... devant ce tribunal en ce qu'elle porte sur les années 2014 et 2015 ainsi que les conclusions qu'elle a présentées devant la Cour tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme C... relatives à l'année 2013.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionalité soulevée B... Mme C....

Article 3 : Le jugement n° 1913486/2-2 du 27 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée B... Mme C... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que les conclusions qu'elle a présentées devant la Cour tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public B... mise à disposition au greffe le 29 juin 2022.

Le rapporteur,

S. G...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

J. CHAMPESME

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05985


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05985
Date de la décision : 29/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-29;21pa05985 ?
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