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29/06/2022 | FRANCE | N°21PA05629

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 29 juin 2022, 21PA05629


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour et d'autre part, d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination pour son éloignement et a pris à son encontre une décision portant interdiction de retour

sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement nos 2011524...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour et d'autre part, d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination pour son éloignement et a pris à son encontre une décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement nos 2011524/3-2, 2111072/3-2 du 30 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 octobre 2021 et 2 mars 2022, M. A..., représenté par Me Andrivet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2011524/3-2, 2111072/3-2 du 30 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 30 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de résident ou, à titre subsidiaire, un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a méconnu le principe du contradictoire ;

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 311-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'autorité de la chose jugée et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des autres décisions ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des autres décisions ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 16 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 mars 2022 à 12 h.

Un mémoire en défense, présenté par le préfet de police, a été enregistré le 3 mars 2022, à 12 h 57, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Andrivet, avocate de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc né le 20 mars 1983, est entré en France au mois d'octobre 2001. La Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié le 21 mai 2007 et M. A... a obtenu une carte de résident en cette qualité, valable du 15 octobre 2007 au 14 octobre 2017. Après avoir été condamné le 17 avril 2015 à une peine de cinq ans d'emprisonnement, dont deux ans assortis d'un sursis, par la Cour d'assises de Paris pour des faits d'agression sexuelle et de violence par une personne en état d'ivresse manifeste suivie d'une incapacité temporaire supérieure à huit jours, commis le 30 juin 2012, M. A... a fait l'objet d'une procédure d'expulsion et d'une procédure de retrait de sa carte de résident. Par un arrêt n° 17PA00929 du 29 décembre 2017, infirmant le jugement rendu par le tribunal le 23 février 2017, la Cour a annulé les arrêtés du 16 mars 2016 par lesquels le préfet de police avait prononcé l'expulsion de M. A... ainsi que le retrait de sa carte de résident. En exécution de cet arrêt, et à la suite d'une demande d'examen de sa situation adressée à la préfecture le 14 février 2018, M. A..., qui a par ailleurs fait l'objet d'une décision de fin de protection de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 juillet 2018, a été mis en possession d'autorisations provisoires de séjour l'autorisant à travailler. A compter du 25 février 2020, il s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'instruction d'une demande de carte de séjour " visiteur ", ne l'autorisant plus à travailler. Par une lettre du 7 mai 2020, reçue par les services préfectoraux le 11 mai suivant, M. A... a sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ainsi que la communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour. Par une première requête, M. A... a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision implicite de rejet opposée à sa demande de titre de séjour présentée à la suite de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 29 décembre 2017. Par une seconde requête, M. A... a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le préfet de police a expressément refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Le Tribunal administratif de Paris, après avoir joint les deux requêtes pour statuer par un seul jugement, a rejeté les demandes de M. A.... Le requérant relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2021.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

3. M. A... a été condamné le 17 avril 2015 par la Cour d'assises de Paris à une peine de cinq ans d'emprisonnement, dont deux avec sursis, pour agression sexuelle en état d'ivresse et violence suivie d'incapacité supérieure à 8 jours. Il a bénéficié d'une mesure de libération conditionnelle à compter du 20 janvier 2016 qui a fait suite à une mesure de placement sous surveillance électronique à compter du 30 septembre 2015. Par un arrêté du 16 mars 2016, le préfet de police a prononcé son expulsion après un avis défavorable de la commission d'expulsion qui a relevé la bonne insertion sociale et professionnelle de M. A.... L'arrêté du 16 mars 2016 a été annulé par un arrêt du 29 décembre 2017 de la Cour, relevant notamment que si le comportement de M. A... à l'égard d'une jeune femme a été à l'origine d'une rixe, en 2012, dans laquelle il a été entraîné, et au cours de laquelle un individu est décédé sous le coup de plusieurs coups de couteau, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'analyse des chefs d'accusation, des motifs et du dispositif de l'arrêt rendu par la Cour d'assises de Paris le 17 avril 2015, que M. A... n'a pas été reconnu coupable des coups mortels portés à cet individu et n'a pas non plus commis d'actes de grande violence et que dans ces conditions, la présence sur le territoire français de l'intéressé, ne constitue pas, dans les circonstances particulières de l'espèce, une menace grave pour l'ordre public. En outre, si le statut de réfugié de M. A... lui a été retiré par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 juillet 2018, la commission du titre de séjour qui s'est prononcée sur sa demande de titre effectuée sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a émis un avis favorable à la délivrance de ce titre au motif de son intégration dans la société française et du fait qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

4. Il n'est pas contesté que M. A... n'a fait l'objet d'aucune condamnation antérieure ou postérieure à celle du 17 avril 2015. Par ailleurs, M. A..., qui réside en France depuis 2001, occupe aujourd'hui un poste de cuisinier au sein d'une société de restauration établie avec sa sœur et pour lequel il produit les bulletins de salaire correspondants. Il établit par ailleurs vivre en concubinage avec une ressortissante française depuis octobre 2019 par la production d'attestations circonstanciées et concordantes, et démontre également entretenir des relations durables et stables avec sa sœur, avec qui il travaille, ainsi qu'avec ses nièces. Dès lors, compte tenu notamment des circonstances ayant conduit à la condamnation de M. A..., aux conditions d'exécution de sa peine et à son insertion sociale et professionnelle, de la durée de sa présence en France du requérant et de ses attaches personnelles et familiale, le refus opposé à sa demande de titre de séjour porte au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts de préservation de l'ordre public que cette décision poursuit. Le préfet de police a, par suite, en la prenant, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer ni sur la régularité du jugement, ni sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2021 et, d'autre part, à solliciter l'annulation partielle du jugement attaqué ainsi que celle de l'arrêté du 30 avril 2021, par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et a fixé le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard à ses motifs, et dès lors que M. A... a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait, que le préfet délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A.... Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un tel titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement nos 2011524/3-2, 2111072/3-2 du 30 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2021 du préfet de police.

Article 2 : L'arrêté du 30 avril 2021 du préfet de police est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Metin A..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2022.

La rapporteure,

E. B...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05629


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05629
Date de la décision : 29/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : ANDRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-29;21pa05629 ?
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