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28/06/2022 | FRANCE | N°21PA06283

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 28 juin 2022, 21PA06283


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 février 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a interdit l'entrée sur le territoire pendant une durée de vingt-quatre mois et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour sur le territoire f

rançais.

Par un jugement n° 2103115/3-3 du 13 juillet 2021 le tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 février 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a interdit l'entrée sur le territoire pendant une durée de vingt-quatre mois et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français.

Par un jugement n° 2103115/3-3 du 13 juillet 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 10 décembre 2021 et 21 mars 2022, M. C..., représenté par Me Loiré, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a interdit l'entrée sur le territoire pendant une durée de vingt-quatre mois et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce dernier renonçant à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- il ne peut être considéré comme constituant une menace à l'ordre public ; il ne peut avoir accès aux soins dans son pays d'origine ; l'arrêté contesté est donc entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Une pièce présentée par M. C... a été enregistré le 1er juin 2022, postérieurement à la clôture d'instruction.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Grisolle substituant Me Loiré, avocat de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant camerounais, né en août 1991, entré en France en mars 2013, a sollicité en juillet 2018 un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. La délivrance de ce titre lui a été refusée à deux reprises par le préfet de police, successivement par arrêtés des 22 octobre 2018 et 9 octobre 2019, respectivement annulés par deux jugements du tribunal administratif de Paris en date des 16 mai 2019, et 20 décembre 2019. Ce dernier jugement ayant enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de l'intéressé, par un arrêté du 8 février 2021, le préfet, a, à nouveau, refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et l'a obligé à quitter le territoire français. M. C... a demandé l'annulation de cet arrêté devant le tribunal administratif de Paris, lequel, par jugement du 13 juillet 2021, dont il fait appel, a rejeté sa requête.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

3. Il ressort de l'arrêté contesté que le préfet de police, après avoir mentionné que l'intéressé ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu notamment de l'avis émis le 12 octobre 2020 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, a retenu que la présence de M. C... en France représentait une menace pour l'ordre public eu égard aux infractions répétées qu'il a commises au cours de l'année 2019 et pour lesquelles il a été condamné à des peines d'emprisonnement. Il ressort en effet des pièces du dossier qu'il s'est rendu coupable au mois de septembre, de vol et escroquerie et qu'il a récidivé trois fois en octobre 2019, malgré une première condamnation dès le mois de septembre à une peine d'emprisonnement avec sursis, récidives qui ont donné lieu à des peines de 6 mois d'emprisonnement ferme pour lesquelles il a été incarcéré. Il ressort également de la demande de mise sous tutelle faite par un médecin psychiatre qui suivait l'intéressé à l'établissement public de santé Maison Blanche à Paris en raison d'une psychose hallucinatoire chronique, en date du 27 août 2018, en vue de la sortie de son hospitalisation complète ayant débuté dans le courant de l'année 2015, que celui-ci présentait " un trouble grave de la personnalité avec impulsivité et non-respect de la loi ". Si M. C... fait valoir qu'une expertise psychiatrique du 30 janvier 2021 ordonnée par le tribunal judiciaire de Paris à la suite de son interpellation pour de nouveaux faits délictueux commis le 11 janvier 2021, a conclu à son absence de discernement, toutefois celle-ci est sans incidence sur la récidive des faits, au vu de laquelle le préfet a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, considérer que la présence de M. C... en France constituait une menace grave pour l'ordre public et refuser pour ce motif de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Dès lors que le préfet pouvait légalement se fonder sur ce seul motif, pour rejeter la demande de titre de séjour de M. C..., la circonstance invoquée par ce dernier qu'il n'aurait pas accès aux soins appropriés au Cameroun, est sans incidence sur cette décision. En tout état de cause, ces allégations ne sont pas établies par les pièces du dossier compte tenu notamment de l'avis du 12 octobre 2020 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et de la disponibilité non contestée dans ce pays de deux médicaments sur les trois constituant son traitement actuel, alors que s'agissant de l'antipsychotique Loxapac, il n'est pas démontré, à supposer qu'il n'y soit pas commercialisé, qu'il n'existerait pas de médicament équivalent à celui-ci au Cameroun, et l'intéressé ne démontrant pas, ni qu'il ne pourrait avoir accès à un suivi psychiatrique, ni que ses soins ne pourraient être pris en charge, notamment, par le système de couverture sociale du pays.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Si M. C... fait valoir qu'il vit en France depuis 2013, il ressort des pièces du dossier qu'il est reparti vivre au Cameroun pendant sept mois en 2019 en exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire français et qu'il vit dans des conditions très précaires en France, résidant dans des centres d'hébergement et étant sans emploi. Il est célibataire et sans charge de famille en France et ne justifie d'aucune insertion sociale. S'il justifie en appel que sa mère et une de ses sœurs sont présentes sur le territoire national, sous couvert de titres de séjour, et que son père est décédé en 2020, il n'établit pas qu'il se trouverait dépourvu d'attaches familiales ou personnelles au Cameroun où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans. Dans ces circonstances et compte tenu de la menace à l'ordre public qu'il représente, le préfet de police, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 février 2021 du préfet de police. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais qu'il a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Renaudin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2022.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06283
Date de la décision : 28/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : LOIRE-HENOCHSBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-28;21pa06283 ?
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