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23/06/2022 | FRANCE | N°21PA05812

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 23 juin 2022, 21PA05812


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois, assortie d'un signalement dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2106706/1-2 du 6 juill

et 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois, assortie d'un signalement dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2106706/1-2 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 novembre 2021 et des pièces complémentaires enregistrées le 6 décembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Diallo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2106706/1-2 du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police en date du 24 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer dans l'attente un récépissé de titre de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation au regard des certificats médicaux qu'il a produits ;

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ; l'arrêté portant délégation de signature ne lui a été communiqué ni par le préfet ni par le tribunal ;

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code ;

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- cette décision est infondée et disproportionnée ;

- le signalement aux fins de non admission au système d'information Schengen doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 27 septembre 2021.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mai 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et d'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né en juillet 1990, est entré en France le 22 février 2011 selon ses déclarations. Par un arrêté du 24 mars 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé à son encontre une interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée de trois ans, assortie d'une inscription dans le système d'information Schengen. M. B... relève appel du jugement du 6 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation au regard de son état de santé en ce qu'il aurait insuffisamment pris en compte les certificats médicaux produits, ces moyens tels qu'ils sont formulés, dans le cadre de la critique de la régularité externe de l'arrêté attaqué, relèvent du bien-fondé du jugement et sont, par suite, sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté contesté dans son ensemble :

3. Par un arrêté n° 2020-1102 du 28 décembre 2020, le préfet de police a donné délégation à Mme E... D..., chef du 9ème bureau, pour signer tous actes dans la limite de ses attributions. Eu égard au caractère réglementaire de cet arrêté, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2020-433 de la préfecture de Paris le même jour et au bulletin municipal de la Ville de Paris du 5 janvier 2021, le moyen tiré de ce que la préfecture ne l'aurait pas communiqué au requérant doit être écarté. Pour les mêmes motifs, l'absence de communication de ce document au requérant par le tribunal est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, la décision contestée vise notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise notamment que le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il expose également des éléments suffisants sur sa situation personnelle et familiale en relevant notamment qu'il est célibataire et sans charge de famille. Dans ces conditions, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est donc suffisamment motivé. Cette motivation révèle en outre que le préfet a procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressé. Par suite doivent être écartés les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, repris aujourd'hui à l'article L. 425-9 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

6. Par un avis émis le 4 février 2021, le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une psychose chronique schizophrénique. L'intéressé produit des ordonnances médicales et des comptes rendus des urgences qui se bornent, pour l'essentiel, à décrire sa pathologie et son suivi médical, sans se prononcer sur la disponibilité d'un tel suivi dans son pays d'origine. Il ressort au contraire du formulaire thérapeutique tunisien produit en première instance par le préfet que les médicaments prescrits à M. B..., à savoir le Risperidone, le Prazepam, le Zopiclone et le Tiapride, sont disponibles en Tunisie. Si le requérant produit notamment, en appel, un certificat médical d'un psychiatre des hôpitaux de Saint-Maurice du 5 mai 2021 indiquant qu' " un retour en Tunisie risquerait d'amener à une rupture de suivi et de soins " ainsi qu'une décision du 12 octobre 2021 lui reconnaissant la qualité de travailleur handicapé, ces éléments, au demeurant postérieurs à la décision contestée, ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée le préfet au vu de l'avis du collège de médecins. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation du requérant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6.

8. En second lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 14 de leur jugement.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

10. Il ressort de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans les cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

11. En premier lieu, la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. B... vise notamment le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des termes de cette décision que le préfet de police a pris en compte, au vu de la situation de M. B..., l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées pour fixer la durée de l'interdiction de retour en relevant que l'intéressé ne justifie pas de l'ancienneté de sa présence ni de l'intensité de sa vie privée et familiale en France et qu'il représente une menace pour l'ordre public. Ainsi, la décision en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fonde, est suffisamment motivée.

12. En deuxième lieu, il ressort du bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. B..., produit en première instance par le préfet, que l'intéressé a été condamné à trois reprises en 2012 et 2013 à des peines d'emprisonnement pour des faits de " violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité ", " extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien, vol et port prohibé d'une arme de catégorie 6 ", recel de bien, vol avec violence et entrée ou séjour irrégulier. Par ailleurs, M. B... a été interpellé en juillet 2020 pour des faits de violence volontaires en état d'ivresse sur personne vulnérable. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il ne représenterait pas une menace pour l'ordre public.

13. En troisième lieu, compte tenu des motifs exposés précédemment, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, la durée de trente-six mois de cette interdiction n'apparaît pas disproportionnée.

En ce qui concerne le signalement dans le système d'information Schengen :

14. Lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. La décision portant interdiction à M. B... de revenir sur le territoire français pendant un délai de trente-six mois n'étant pas illégale, pour les motifs énoncés ci-dessus, le requérant n'est en tout état de cause pas fondé à exciper de la prétendue illégalité de cette décision.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2022.

Le rapporteur,

S. C...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA05812 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05812
Date de la décision : 23/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : DIALLO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-23;21pa05812 ?
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