Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté de communes de la vallée d'Ossau a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 248 999 euros, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison de l'absence de versement de la part de la redevance prévue à l'article L. 523-2 du code de l'énergie, du fait du non-renouvellement des concessions hydroélectriques de la vallée d'Ossau, pour la période allant du 18 août 2015 au 30 juin 2017.
Par un jugement n° 1718129/4-3 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 août 2019, le 31 mars 2021 et le 24 janvier 2022, la communauté de communes de la vallée d'Ossau, représentée par Me Pachen-Lefèvre, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 248 999 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 août 2017, avec leur capitalisation, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison de l'absence de versement de la part de la redevance prévue à l'article L. 523-2 du code de l'énergie, du fait du non-renouvellement des concessions hydroélectriques de la vallée d'Ossau pour la période allant du 18 août 2015 au 30 juin 2017 ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme minimale de 936 749,25 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 août 2017, avec leur capitalisation, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison de la perte de chance de percevoir la part de redevance prévue à l'article L. 523-2 du code de l'énergie, du fait du non-renouvellement des concessions hydroélectriques de la vallée d'Ossau pour la période allant du 18 août 2015 au 30 juin 2017 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de l'Etat est engagée du fait de sa carence à organiser dans un délai raisonnable les procédures de publicité et de mise en concurrence nécessaires au renouvellement des trois concessions hydroélectriques de la vallée d'Ossau et, en conséquence, à contractualiser l'obligation de versement de la redevance créée par la loi du 30 décembre 2006, qui est désormais certaine dans son principe et son montant depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ;
- le caractère certain du préjudice ne saurait être contesté ni à raison de la faculté de l'Etat de renoncer à la procédure de renouvellement des concessions pour un motif d'intérêt général ni du fait que le niveau des recettes du concessionnaire ainsi que le taux et le montant de la redevance ne sont effectivement connus qu'au terme de la procédure ;
- le caractère direct du préjudice est établi en ce que ce dernier résulte de la seule carence fautive de l'Etat à organiser la procédure de publicité et de mise en concurrence précitée;
- Si le troisième alinéa de l'article L. 521-16 consacre le dispositif des "délais glissants", l'usage abusif qu'en a fait l'Etat pour éviter de procéder au renouvellement des concessions constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- la responsabilité de l'Etat est en outre engagée en raison de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de bon usage des deniers publics ; en effet, la carence de l'Etat à organiser le renouvellement des concessions l'a privée de la possibilité de percevoir la redevance créée par la loi du 30 décembre 2006 ; cette carence constitue une libéralité consentie à la Société Hydroélectrique du Midi (SHEM), concessionnaire en place, en méconnaissance du principe relatif à l'interdiction faite aux personnes publiques de régler des sommes qu'elles ne doivent pas ;
- les arguments de défense de l'Etat tenant à la prétendue complexité et longueur de la procédure de renouvellement des concessions hydroélectriques ainsi qu'aux évolutions successives du cadre juridique de l'hydroélectricité intervenues récemment, pour tenter de justifier sa carence fautive, sont infondés ;
- le caractère intentionnel de l'absence de renouvellement par l'Etat des concessions et du maintien en vigueur des anciennes conventions est établi ;
- la responsabilité de l'Etat est de plus engagée en ce que le bénéfice économique retiré par la SHEM de l'exploitation des trois conventions initiales constitue une aide d'Etat illégale en vertu de l'article 107.1 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) ;
- cette aide est en outre illégale en ce qu'elle n'a pas été notifiée par la France à la Commission européenne, alors qu'il ne s'agit pas d'une " aide existante " au sens de l'article 1er b) du règlement (UE) n° 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 ; or, compte tenu de l'évidente incompatibilité de cette aide d'Etat avec le TFUE, la Commission, si elle avait été saisie, se serait nécessairement opposée à son attribution à la SHEM ;
- le lien direct de causalité entre l'absence de notification préalable de l'aide illégale accordée par l'Etat et le préjudice financier subi par elle est établi ;
- le moyen de la SHEM tiré de ce que la prolongation par l'Etat des concessions hydroélectriques de la vallée d'Ossau du fait du dispositif des " délais glissants " ne constitue pas pour elle un avantage économique est infondé ;
- compte tenu d'un taux estimatif de la redevance de 25%, son préjudice s'élève à la somme de 1 248 999 euros pour la période du 18 août 2015 au 30 juin 2017 ;
- à supposer que le préjudice constitué par la privation de la redevance ne soit pas considéré comme certain, celui-ci serait alors constitué par la perte de chance de percevoir cette redevance, qui s'élève, a minima, à la somme de 936 749,25 euros, soit les trois quarts de la somme sollicitée à titre principal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la communauté de communes de la vallée d'Ossau ne sont pas fondés.
Par des mémoires, enregistrés le 1er décembre 2021 et le 14 février 2022, la Société Hydroélectrique du Midi (SHEM) conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la communauté de communes de la vallée d'Ossau de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la communauté de communes de la vallée d'Ossau ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de l'énergie ;
- la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;
- la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 ;
- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;
- le décret n° 2008-1009 du 26 septembre 2008 ;
- le décret n° 2016-530 du 27 avril 2016 ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
- et les observations de Me Hauton pour la communauté de communes de la vallée d'Ossau et Me Ayache pour la Société Hydroélectrique du Midi.
Considérant ce qui suit :
1. L'article 33 de la loi du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 a institué au profit de l'Etat une redevance due par les titulaires de concessions hydroélectriques, notamment à la suite d'un renouvellement de concession, un douzième de cette redevance ayant vocation, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, à revenir aux groupements de communes sur le territoire desquels coulent les cours d'eau utilisés. Les trois concessions hydroélectriques de la vallée d'Ossau dont le titulaire est, depuis un décret du 27 décembre 1991, la Société Hydroélectrique du Midi (SHEM) et dont le terme était fixé au 31 décembre 2012, n'ont toutefois fait l'objet d'aucun renouvellement et ont continué à être exploitées aux conditions antérieures, en application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 521-16 du code de l'énergie. Estimant qu'en s'abstenant de procéder à la conclusion de nouvelles concessions, l'Etat la privait indûment de cette redevance, la communauté de communes de la vallée d'Ossau a demandé au premier ministre, par lettre du 31 juillet 2017, de lui verser une somme globale de 1 248 999 euros, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la privation de sa part de la redevance précitée pour la période allant du 18 août 2015 au 30 juin 2017. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le premier ministre sur cette demande. La communauté de communes de la vallée d'Ossau relève appel du jugement du 27 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme précitée du fait de l'absence de renouvellement des concessions hydroélectriques de la vallée d'Ossau.
En ce qui concerne l'abstention de l'Etat à conclure des nouveaux contrats de concession hydroélectrique :
Sur la responsabilité :
2. Aux termes de l'article 13 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, désormais codifié à l'article L. 521-16 du code de l'énergie, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 : " Onze ans au moins avant l'expiration de la concession, le concessionnaire présente sa demande de renouvellement. / Au plus tard cinq ans avant cette expiration, l'administration prend la décision soit de mettre fin définitivement à cette concession à son expiration normale, soit d'instituer une concession nouvelle à compter de l'expiration (...) / La nouvelle concession doit être instituée au plus tard le jour de l'expiration du titre en cours (...). A défaut, pour assurer la continuité de l'exploitation, ce titre est prorogé aux conditions antérieures jusqu'au moment où est délivrée la nouvelle concession ".
3. La SHEM exploite les trois concessions hydroélectriques de la Haute Vallée d'Ossau, de Geteu et de Castet, situées dans la vallée d'Ossau, sur le territoire du département des Pyrénées-Atlantiques, dans le cadre de trois concessions octroyées par décrets respectifs du 22 décembre 1951, du 21 mars 1959 et du 14 octobre 1960, dont le terme commun a été fixé au 31 décembre 2012. Il résulte de l'instruction qu'en application des dispositions de l'article 13 de la loi du 16 octobre 2019 précitée, le ministre chargé de l'écologie et du développement durable, par des courriers en date du 13 décembre 2007 et du 27 décembre 2007, a informé la SHEM de ses décisions d'instituer de nouvelles concessions à compter de l'expiration des trois concessions en cours, soit à compter du 1er janvier 2013. Toutefois, alors même que les services de l'Etat ont élaboré, en février 2012, le document de synthèse prévu par le décret du 13 octobre 1994 relatif aux concessions des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique, destiné à informer l'ensemble des candidats au renouvellement de celles-ci sur les enjeux liés à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau dans le périmètre du projet, l'Etat n'a pas mis en œuvre les procédures de publicité et de mise en concurrence permettant ce renouvellement au 1er janvier 2013. Il a ainsi maintenu en vigueur, jusqu'au 31 juillet 2017 au moins, les trois conventions initiales, sans proposer au concessionnaire de modification, sur la base du troisième alinéa de l'article L. 521-16 du code de l'énergie permettant de proroger la concession aux conditions antérieures jusqu'au moment où est délivrée la nouvelle concession, usuellement qualifié de régime " des délais glissants ".
4. La ministre de la transition écologique et solidaire soutient, en défense, que la complexité des opérations de renouvellement des concessions hydroélectriques, combinée à une réforme profonde de leur cadre juridique, notamment afin de l'adapter aux exigences du droit de l'Union européenne, justifie le retard dans la mise en œuvre du processus de leur renouvellement. Elle invoque, en premier lieu, les modifications induites par la suppression du droit de préférence dont pouvait bénéficier le concessionnaire sortant, issue de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, ainsi que celles issues du décret du 26 septembre 2008, modifiant le décret du 13 octobre 1994 précité, organisant les modalités de mise en concurrence des concessions hydroélectriques. Toutefois, l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, antérieure de plusieurs années à l'échéance prévue des conventions existantes, ne saurait constituer une circonstance dont l'Etat peut se prévaloir pour s'exonérer de son obligation de prendre les mesures nécessaires pour instituer les nouvelles concessions au plus tard le 31 décembre 2012. En second lieu, le ministre invoque les réformes encadrant l'octroi des concessions liées aux contraintes posées par le droit communautaire, notamment celles de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, transposant la directive européenne 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution des contrats de concession, ainsi que le décret d'application de cette loi du 27 avril 2016 qui a défini un nouveau cadre d'octroi et de renouvellement des concessions. Pour autant, ces circonstances sont postérieures de plusieurs années aux échéances des concessions qui étaient fixées, ainsi qu'il a été dit, au 31 décembre 2012, date limite à laquelle l'Etat aurait dû instituer les nouvelles concessions en application de l'article 13 de la loi du 16 octobre 1919 désormais codifié à l'article L. 521-16 du code de l'énergie. En conséquence, ces circonstances ne permettent pas davantage à l'Etat de s'exonérer de sa responsabilité pour ne pas avoir engagé la procédure de renouvellement des concessions aux dates prévues légalement. Enfin, la ministre invoque les incidences sur l'allongement des délais de renouvellement des concessions des nouvelles obligations imposées aux concessionnaires sortants, notamment la remise d'un dossier de fin de concession, prévue par l'article 28 du décret du 26 septembre 2008 précité, ultérieurement codifié à l'article R. 521-52 du code de l'énergie. Elle fait notamment valoir que l'Etat n'était pas en mesure de lancer les procédures d'attribution des nouvelles concessions dès lors que la SHEM, exploitante des installations hydroélectriques, n'avait pas remis aux services de la préfecture un dossier complet de fin de concession destiné à fournir, entre autres, des informations sur l'état des ouvrages et sur la maîtrise foncière des terrains sans lesquelles la mise en œuvre de la procédure de renouvellement était impossible. A cet égard, il résulte de l'instruction que, par un courrier du 19 juin 2009, le ministre chargé de l'écologie et du développement durable a invité la SHEM à remettre un dossier de fin de concession, en ce qui concerne les installations hydroélectriques de la vallée d'Ossau, avant le 1er octobre 2009. Par deux nouveaux courriers du 12 janvier 2010 et du 20 avril 2010, le ministre a fait savoir à la SHEM que le dossier de fin de concession remis le 14 octobre 2009 était incomplet. Il n'est pas établi que, depuis ce dernier courrier du 20 avril 2010, l'Etat aurait de nouveau sollicité la SHEM pour obtenir les compléments d'information sollicités en faisant usage, le cas échéant, des pouvoirs de contrainte et de sanction dont il dispose en tant qu'autorité de police en cas de refus persistant de l'exploitant de se conformer à ses obligations. Il apparait donc que l'Etat n'a pas fait preuve des diligences nécessaires pour obtenir un dossier complet de fin de concession alors que l'exploitation en cours arrivait à échéance le 31 décembre 2012. Le seul fait qu'il ne soit pas établi que la SHEM se serait acquittée de ses obligations dans un délai plus court si l'Etat avait usé de ses pouvoirs de contrainte ne suffit pas à l'exonérer de sa responsabilité. Dans ces conditions, la ministre n'est pas fondée à invoquer le fait de la SHEM pour expliquer la carence de l'Etat à mettre en œuvre la procédure d'attribution des nouvelles concessions de la vallée d'Ossau.
5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que la carence prolongée de l'Etat à faire procéder au renouvellement des concessions en litige dans le délai imparti par la loi, alors que le troisième alinéa de l'article L. 521-16 du code de l'énergie ne permet la prorogation du titre aux conditions antérieures que " pour assurer la continuité de l'exploitation ", constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.
Sur le préjudice :
6. Aux termes de l'article L. 523-2 du code de l'énergie, dans sa rédaction en vigueur issue de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte : " Pour toute nouvelle concession hydroélectrique, y compris lors d'un renouvellement, il est institué, à la charge du concessionnaire, au profit de l'Etat, une redevance proportionnelle aux recettes de la concession. Les recettes résultant de la vente d'électricité sont établies par la valorisation de la production aux prix constatés sur le marché, diminuée, le cas échéant, des achats d'électricité liés aux pompages. Les autres recettes sont déterminées selon des modalités définies par arrêté du ministre chargé de l'énergie. / Le taux de cette redevance ne peut excéder un taux plafond, déterminé, pour chaque concession, par l'autorité concédante dans le cadre de la procédure de mise en concurrence (...). / Pour l'application du présent article, le taux de la redevance est fixé en tenant compte, dans l'évaluation de l'équilibre économique de la concession, des volumes et des prix de vente de l'électricité que le concessionnaire s'engage à céder (...). / Un douzième de la redevance est affecté aux groupements de communes sur le territoire desquels coulent les cours d'eau utilisés (...) ".
7. D'une part, l'appel public à concurrence qu'il incombait à l'Etat de mettre en œuvre dans le cadre de la procédure de renouvellement des concessions comporte nécessairement des aléas au stade de la sélection des candidats admis à présenter leur offre au vu de leurs capacités techniques et financières, puis au stade de l'analyse des offres par l'autorité compétente. En outre, en fonction des éléments qui lui sont soumis, la personne publique conserve le pouvoir de renoncer à conclure la concession dont elle a engagé la procédure de passation pour un motif d'intérêt général ou lorsqu'aucune offre acceptable ne lui a été soumise. Ainsi, par elle-même, l'organisation d'une procédure de mise en concurrence pour l'attribution d'une concession hydroélectrique, quand bien même elle constitue une obligation légale pour l'Etat, n'est de nature à garantir ni le renouvellement effectif de la concession ni, par voie de conséquence, le versement, à la charge du concessionnaire, d'une redevance proportionnelle aux recettes de la concession sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 523-2 du code de l'énergie.
8. D'autre part, il résulte des termes même de l'article L. 523-2 du code de l'énergie que la redevance mise à la charge du concessionnaire est proportionnelle aux recettes de la concession, lesquelles résultent de la vente d'électricité dans un contexte renouvelé de mise en concurrence des candidats. Le taux de la redevance, qui dépend de l'équilibre économique de la concession, est fixé en tenant compte des volumes et des prix de vente de l'électricité que le concessionnaire s'engage à céder. Il s'ensuit que le montant de la redevance dépend des bénéfices retirés par le concessionnaire des installations hydroélectriques, lesquels présentent par définition un caractère aléatoire et peuvent même être nuls compte tenu des risques inhérents à l'exploitation d'une concession.
9. Dans ces conditions, le préjudice invoqué par la communauté de communes de la vallée d'Ossau consistant dans l'absence de versement de la part de redevance, ainsi que le préjudice de perte de chance de percevoir cette part de redevance invoqué à titre subsidiaire, ne présentent pas un caractère certain propre à entraîner la condamnation de l'Etat.
En ce qui concerne l'existence d'une aide d'Etat illégale au bénéfice de la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) :
10. Aux termes de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. (...) ". Selon le paragraphe 3 de l'article 108 du même traité : " La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ".
11. Il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles visées par l'article 107 du TFUE précité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché intérieur, il incombe en revanche aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité des dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 108 du traité, d'en notifier le projet à la Commission, préalablement à toute mise à exécution. L'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide.
12. En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, peuvent être qualifiées d'aide d'Etat, au sens des stipulations précitées de l'article 107, les aides qui constituent une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat, qui sont susceptibles d'affecter les échanges entre Etats membres, accordent un avantage à leurs bénéficiaires et faussent ou menacent de fausser la concurrence.
13. la communauté de communes de la vallée d'Ossau soutient que la carence fautive de l'Etat à renouveler les concessions hydroélectriques de la vallée d'Ossau a entraîné l'octroi à la SHEM d'une aide d'Etat illégale, dès lors qu'elle n'a pas été notifiée à la Commission européenne, et non compatible avec le marché intérieur. Toutefois, à supposer même que la prorogation, par l'Etat, des concessions hydroélectriques de la vallée d'Ossau en application du régime des " délais glissants " prévu au troisième alinéa de l'article L. 521-16 du code de l'énergie, constitue une aide d'Etat au sens de l'article 107.1 du TFUE, le défaut de notification de cette aide à la Commission serait en tout état de cause dépourvu de lien de causalité directe avec le manque à gagner invoqué par la communauté requérante, lié à l'absence de versement de la redevance précitée, celui-ci ne pouvant résulter de ce seul défaut de notification. En tout état de cause et ainsi qu'il a été dit au point 9, le préjudice invoqué par la communauté de communes de la vallée d'Ossau, y compris à titre subsidiaire, ne présente pas un caractère certain propre à entraîner la condamnation de l'Etat.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle de bon usage des deniers publics :
14. La communauté de communes de la vallée d'Ossau soutient qu'en s'abstenant de conclure de nouveaux contrats de concession, l'Etat méconnaît cet objectif dès lors qu'il la prive du bénéfice de la redevance proportionnelle prévue à l'article L. 523-2 du code de l'énergie. Toutefois, en l'absence de perception par les collectivités publiques concernées de cette redevance, la collectivité requérante ne saurait se prévaloir de l'objectif à valeur constitutionnelle de bon usage des deniers publics, qui résulte des articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, lequel ne saurait être utilement invoqué en lui-même à raison d'une abstention, fût-elle fautive, de procéder au renouvellement d'une concession hydroélectrique. En tout état de cause, le préjudice ne revêtant pas un caractère certain ainsi qu'il a été dit au point 9, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée du fait de la méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle de bon usage des deniers publics. Pour les mêmes motifs, la communauté de communes de la vallée d'Ossau ne saurait davantage utilement soutenir que l'Etat aurait consenti à la SHEM une libéralité ou aurait méconnu le principe de l'interdiction faites aux personnes publiques de régler des sommes qu'elles ne doivent pas.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes de la vallée d'Ossau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la communauté de communes de la vallée d'Ossau demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En outre, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la communauté de communes de la vallée d'Ossau le versement à la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) de la somme que cette dernière demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens de la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la communauté de communes de la vallée d'Ossau est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Société hydroélectrique du Midi présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes de la vallée d'Ossau, à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la Société hydroélectrique du Midi.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente,
- Mme Briançon, présidente assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2022.
Le rapporteur,
P. B...La présidente
M. A...La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02850