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15/06/2022 | FRANCE | N°21PA02845

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 15 juin 2022, 21PA02845


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1906117/1-3 du 26 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2021, M. A..., représenté par Me Xavier Rohmer et Me Emil

ie Lecomte, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1906117/1-3 du 26 mars 2021 du T...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1906117/1-3 du 26 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2021, M. A..., représenté par Me Xavier Rohmer et Me Emilie Lecomte, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1906117/1-3 du 26 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la proposition de rectification ne lui a pas été notifiée ;

- il n'a pas bénéficié des recours hiérarchiques en méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qui concerne le bien-fondé et les pénalités ;

- l'administration n'apporte pas la preuve d'un désinvestissement et de l'appréhension des sommes en litige ;

- la mise en demeure de désigner les bénéficiaires des distributions l'a obligé à s'auto-incriminer, en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces, à l'issue duquel une proposition de rectification du 15 mars 2017 lui a été adressée, tirant les conséquences de la vérification de comptabilité de la société Jeannette DHM en matière de revenus distribués. Au terme de la procédure, il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré, au titre des années 2014 et 2015. M. A... relève appel du jugement du 26 mars 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments qui lui étaient soumis, a suffisamment répondu aux moyens tirés de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification et de l'absence de preuve de l'existence et de l'appréhension de revenus distribués. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".

5. D'une part, il résulte de ces dispositions que les rectifications doivent être notifiées au contribuable. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste.

6. Il résulte de l'instruction que l'administration a produit en première instance l'original de l'avis de passage collé sur l'enveloppe qui contenait la proposition de rectification du 15 mars 2017 et qui comporte la date du " 17/3 " et la mention manuscrite " Abs ", ainsi que l'autocollant indiquant que le destinataire a été avisé et que le courrier n'a pas été réclamé. Ces mentions sont confirmées par la copie d'écran du suivi du courrier qui indique que le pli a été présenté et un avis de passage déposé le 17 mars 2017, qu'il a été mis en attente au bureau de poste de Paris Saint Maur le 18 mars 2017 et a été retourné pour dépassement du délai d'instance à l'expéditeur qui l'a réceptionné le 6 avril 2017. Le numéro du pli et les dates mentionnées sur les différentes pièces concordent. Dans ces conditions, la proposition de rectification du 15 mars 2017 doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à M. A..., qui ne conteste pas sérieusement ces éléments en se bornant à faire valoir que la société Jeannette DHM a quant à elle répondu à la proposition de rectification qui lui a été adressée.

7. D'autre part, pour être régulière au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

8. La proposition de rectification du 15 mars 2017 comporte les motifs sur lesquels l'administration s'est fondée pour considérer les minorations de chiffre d'affaires constatées dans la société Jeannette DHM comme des revenus distribués imposables au nom de M. A.... Elle indique les textes applicables pour les années d'imposition, décrit le contenu des rectifications constatées dans la société, chiffre les minorations de recettes, indique les raisons permettant de considérer M. A... comme le bénéficiaire des sommes et joint en annexe la proposition de rectification du 19 décembre 2016 et la réponse aux observations du contribuable du 13 mars 2017 adressées à la société. M. A... n'est ainsi pas fondé à soutenir que la proposition de rectification du 15 mars 2017 est insuffisamment motivée.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". Aux termes de l'article L. 47 du même code : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. (...) L'avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande ".

10. D'une part, ainsi qu'il a été dit précédemment, la proposition de rectification du 15 mars 2017 a été régulièrement notifiée à M. A..., qui ne l'a pas retirée. L'intéressé n'est ainsi en tout état de cause pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition aurait méconnu les principes du contradictoire et des droits de la défense, à défaut de notification de la proposition de rectification, qui, contrairement à ce qui est soutenu, mentionnait d'ailleurs les conséquences du contrôle, M. A... ayant au surplus reconnu dans un courrier du 20 avril 2018 qu'il a reçu le 15 mars 2018 une lettre de l'administration l'informant des nouvelles conséquences financières à la suite de l'abandon de la majoration des contributions sociales.

11. D'autre part, les impositions auxquelles a été assujetti M. A... font suite à un contrôle sur pièces. Le requérant n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de la garantie de procédure tenant à la faculté de saisir l'interlocuteur départemental, instituée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au quatrième alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales. A cet égard, ces impositions ayant été mises en recouvrement le 30 juin 2018, M. A... ne peut en tout état de cause utilement se prévaloir de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales, entré en vigueur postérieurement à la mise en recouvrement.

Sur le bien-fondé des impositions :

12. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".

13. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société Jeannette DMH, l'administration a estimé que cette société avait minoré son chiffre d'affaires, à concurrence de 203 182 euros au titre de l'exercice 2014 et de 171 945 euros au titre de l'exercice 2015. Elle a imposé les sommes correspondantes en tant que revenus distribués au nom de M. A..., sur le fondement des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

14. D'une part, M. A... ne conteste pas sérieusement l'existence et le montant des revenus distribués en se bornant à soutenir que la société Jeannette DHM a contesté les rectifications qui lui ont été notifiées au titre de la minoration de son chiffre d'affaires, cette contestation ayant au demeurant été rejetée par un jugement du Tribunal administratif de Paris du 24 novembre 2020 confirmé par un arrêt de la Cour du 16 février 2022.

15. D'autre part, l'administration fait valoir que M. A..., qui détenait 50 % des parts de la société Jeannette DHM jusqu'au 28 février 2015 puis la totalité du capital, était gérant et salarié de cette société sur l'ensemble de la période vérifiée et disposait du pouvoir bancaire sur ses comptes. Face à ces éléments, M. A..., à qui la charge de la preuve incombe à défaut d'observations formulées à la suite de la proposition de rectification qui lui a été régulièrement notifiée, ne justifie pas de l'absence d'appréhension des sommes en litige. A cet égard, M. A... ne peut utilement contester la régularité de la demande de désignation des bénéficiaires des revenus distribués adressée par l'administration à la société en application de l'article 117 du code général des impôts ni soutenir qu'il aurait été contraint de participer à sa propre incrimination en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en signant la réponse à cette demande le désignant comme bénéficiaire, en vue d'éviter l'application de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts à l'encontre de la société Jeannette DHM.

Sur les pénalités :

16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

17. Contrairement à ce que soutient M. A..., à qui la proposition de rectification doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée, l'administration, en se fondant sur sa qualité de gérant de la société Jeannette DHM qui, à ce titre, ne pouvait ignorer les recettes professionnelles soustraites de la comptabilité de la société, et sur l'importance des sommes en cause, les revenus ainsi distribués représentant plus de sept fois les revenus déclarés par le requérant en 2014 et plus de neuf fois les revenus déclarés en 2015, ainsi que sur la récurrence des insuffisances de déclarations réitérées sur deux années, a suffisamment motivé l'application de la majoration prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts et établit l'existence de manquements délibérés.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige, doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais qu'il a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Platillero, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.

Le président assesseur, rapporteur

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

F. C...L'assesseur le plus ancien,

F. MAGNARD

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02845


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02845
Date de la décision : 15/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SCP AUGUST et DEBOUZY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-15;21pa02845 ?
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