Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2021 par lequel le préfet de police a fixé le pays à destination duquel il doit être renvoyé.
Par un jugement n° 2100830 du 20 janvier 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 avril 2021, M. D..., représenté par Me Trorial demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100830 du 20 janvier 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2021 du préfet de police ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Trorial de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen approfondi de sa situation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un courrier du 8 avril 2022, la Cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans son arrêt du 22 mars 2022, n° 446639, seule une formation collégiale peut statuer sur la demande d'annulation d'une décision fixant le pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion. Par suite, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris n'était pas compétent pour statuer sur la demande de M. D... sur le fondement des dispositions alors codifiées au III de l'article L. 512-1 du CESEDA.
Une réponse à ce moyen d'ordre public, présentée pour M. D..., a été enregistrée le 27 avril 2022. M. D... demande à la Cour d'accueillir le moyen d'ordre public.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 19 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- l'arrêt du Conseil d'Etat du 22 mars 2022, n° 446639 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les conclusions de Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né le 1er juillet 1982 à Zarzis (Tunisie), relève appel du jugement du 20 janvier 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2021 par lequel le préfet de police a fixé le pays à destination duquel il doit être renvoyé.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans son arrêt du 22 mars 2022, n° 446639, seule une formation collégiale peut statuer sur la demande d'annulation d'une décision fixant le pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion. Dès lors, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris n'était pas compétente pour statuer sur la demande de M. D... sur le fondement des dispositions alors codifiées au III de l'article L. 512-1 du CESEDA. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur la légalité de l'arrêté du 20 janvier 2021 :
4. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00799 du 1er octobre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du même jour, le préfet de police a donné à Mme B... A..., attachée d'administration de l'Etat, signataire de la décision attaquée, délégation pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision attaquée doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
6. L'arrêté du 16 janvier 2021 vise notamment l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique que M. D..., qui a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion en date du 29 décembre 2019, n'établit pas être exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, il comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé et notamment ceux relatifs à sa situation familiale. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à l'examen approfondi de la situation de M. D....
8. En quatrième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 523-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion est déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 513-2 ". Aux termes de cet article : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. D... fait l'objet d'un arrêté d'expulsion en date du 29 décembre 2019, dont il est constant qu'il est devenu définitif. Dès lors, M. D... ne peut pas utilement soulever, à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il doit être éloigné en exécution de cet arrêté d'expulsion, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle. Au demeurant, M. D... n'établit pas la réalité des liens familiaux allégués. Par ailleurs, en appel, il ne soutient plus encourir des traitements inhumains et dégradant en cas de retour en Tunisie.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 20 janvier 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet police.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juin 2022.
La rapporteure,
C. F...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA02204 2