Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2014, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1718566 du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 août 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Zamour, avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler jugement n° 1718566 du 22 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2014, ainsi que des majorations correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration ne pouvait mettre en œuvre son droit de reprise au titre des années 2010 et 2011 que dans le délai de droit commun, dès lors qu'elle disposait dans ce délai d'éléments suffisants lui permettant d'établir les omissions d'imposition, et ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales ;
- en l'absence de comptes bancaires à l'étranger, elle ne pouvait davantage se fonder sur celles du 4ème alinéa de l'article L. 169 du même livre ;
- les articles L. 169 dans son 4ème alinéa et 1649 A du code général des impôts sont contraires au principe communautaire de libre circulation des capitaux ;
- les 2ème et 4ème alinéas de l'article 169 du livre des procédures fiscales sont contraires au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques ;
- l'administration n'apporte pas la preuve que M. C... a effectivement rendu des prestations de services et que les sommes portées au crédit du compte détenu par la société Alcare Ltd correspondent à des rémunérations de service rendus par lui ;
- au titre des années 2012 à 2014, le service a exagéré le rehaussement de revenus par une reconstitution du chiffre d'affaires ;
- le Conseil Constitutionnel a émis une réserve d'interprétation concernant le second alinéa du 3° de l'article 123 bis du code général des impôts ;
- la pénalité pour manœuvres frauduleuses n'est pas justifiée ;
- à titre subsidiaire, par ailleurs, l'instruction ministérielle du 21 juin 2013 relative à la régularisation des avoirs détenus à l'étranger, permet de substituer la majoration de 40 % pour manquement délibéré en faveur des personnes physiques détenant des avoirs à l'étranger, qui se font connaître de l'administration et rectifient spontanément leur situation fiscale passée en acquittant l'ensemble des impositions éludées et non prescrites.
Par un mémoire enregistré le 23 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, si la Cour prononce la décharge de la pénalité pour manœuvres frauduleuses, à la substitution de la pénalité pour manquement délibéré.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 5 janvier 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 3 février 2021, à 12h.
Un mémoire, enregistré le 15 avril 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction, a été produit pour M. C..., par Me Zamour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2012 à 2014, M. et Mme C... ont été assujettis à des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales. Par suite d'une communication auprès de l'autorité judiciaire au cours du mois d'avril 2014 qui a conduit à la suspicion d'une activité occulte de M. C..., l'administration leur a également notifié des suppléments d'imposition relatifs aux années 2010 et 2011. Le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande en décharge de M. et Mme C..., par un jugement n° 1718566 du 22 juillet 2020 dont appel.
2. Pour appliquer un délai de reprise de dix ans au titre des années 2010 et 2011, l'administration s'est fondée sur les dispositions des 2ème et 4ème alinéas de l'article L. 169 et sur celles du 2ème alinéa de l'article 1649 A et de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales.
3. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaitre son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. / (...) Le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque les obligations déclaratives prévues aux articles 123 bis, 209 B, 1649 A, 1649 AA et 1649 AB du même code n'ont pas été respectées. Toutefois, en cas de non-respect de l'obligation déclarative prévue à l'article 1649 A, cette extension de délai ne s'applique pas lorsque le contribuable apporte la preuve que le total des soldes créditeurs de ses comptes à l'étranger est inférieur à 50 000 euros au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite. Le droit de reprise de l'administration concerne les seuls revenus ou bénéfices afférents aux obligations déclaratives qui n'ont pas été respectées ". Aux termes de l'article L. 188 C du même livre : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ". Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables. ". Et aux termes de l'article 344 A du même code : " (...) Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident ". En application de ces dispositions, l'obligation de déclaration des comptes à l'étranger qui découle du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts ne porte pas uniquement sur les comptes dont le contribuable est titulaire, mais aussi sur ceux qu'il a utilisés.
4. En premier lieu, les dispositions de cet alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts instaurent à la charge des résidents de France une obligation de déclarer à l'administration les références des comptes bancaires dont ils sont titulaires à l'étranger. Ce dispositif, de nature purement déclarative, ne subordonne pas les transferts de fonds vers un compte ouvert à l'étranger ou en provenance de ce compte à une autorisation préalable de l'administration. S'il est présumé que les sommes transitant sur un tel compte, dès lors qu'il n'a pas été déclaré à l'administration, constituent des revenus imposables, cette présomption peut être renversée par le contribuable qui en est le titulaire ou l'utilisateur. Etant destiné à assurer l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale, le dispositif contesté est au nombre des mesures indispensables, mentionnées au b du 1 de l'article 58 du traité instituant la Communauté européenne, devenus l'article 63 et l'article 65 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, que les Etats membres sont susceptibles de prendre pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements en matière fiscale. Il n'institue donc pas une discrimination arbitraire. Alors même qu'il ne peut comporter, eu égard à son économie, de procédure de mise en demeure préalable, il est propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'il poursuit et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre, de sorte qu'il doit être regardé comme respectant le principe de proportionnalité. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité de ce dispositif avec les stipulations des articles 56 et 58 du traité instituant la Communauté européenne, devenus l'article 63 et l'article 65 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au paragraphe 14 de leur jugement et repris sans changement en appel, le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales au regard du principe d'égalité devant les charges publiques.
6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le service a obtenu le 10 avril 2014 du ministère public et le 28 avril 2014 du tribunal de grande instance de Paris l'autorisation de consulter les pièces de la procédure judiciaire relative à la société France Offshore. M. et Mme C... soutiennent que, grâce aux informations communiquées en 2014 par l'autorité judiciaire, et à la procédure pénale médiatisée contre la société France Offshore, le service était en mesure, dans le délai de reprise de droit commun, d'engager dès 2014 un examen de leur situation fiscale personnelle pour les années 2010 et 2011. Mais, d'une part, pour l'année 2010, le délai de reprise de droit commun était épuisé le 10 avril 2014, et le service n'a consulté les pièces de la procédure judiciaire que le 15 mai 2014. D'autre part, l'exercice du droit de communication sur le fondement de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales ne donnait que quelques éléments d'information relatifs à l'implication de M. et Mme C... dans un mécanisme de blanchiment, notamment l'ouverture d'un compte dans une banque en Lettonie, les statuts de la société Alcare Ltd, sise à Gibraltar, et des mouvements sur le compte en question. Ce n'est que grâce à la réponse, le 16 juin 2016, des autorités irlandaises à la demande d'assistance administrative internationale que le service a disposé d'éléments plus complets relatifs au versement à M. C..., via cette société, par la société irlandaise Dornan Engineering Ltd, de rémunération d'une activité d'entremise auprès du groupe Alstom qu'il n'avait déclarée ni à un centre de formalité des entreprises, ni au greffe d'un tribunal de commerce. Ainsi, ce n'est qu'à cette date que l'administration a pu présumer l'utilisation d'un compte ouvert à l'étranger non déclaré et l'activité occulte de M. C.... Par suite, en adressant aux contribuables le 19 juillet 2016 une proposition de rectification pour les années 2010 et 2011, le service n'a pas étendu son droit de reprise contrairement aux dispositions des articles L. 169 et L. 188 C du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, ces éléments établissant que M. C... avait exercé une activité, non déclarée auprès d'un centre de formalités d'entreprise ou d'un tribunal de commerce, laquelle, eu égard à la circonstance qu'elle a été exercée au travers d'une société elle-même non enregistrée en France, doit être regardée comme étant occulte, et dont les revenus étaient encaissés sur un compte bancaire ouvert à l'étranger et non déclaré, c'est également à bon droit que le service a pu étendre son droit de reprise dans les conditions prévues aux 2ème et 4ème alinéas précités de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne les rehaussements de revenus des années 2010 et 2011 :
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : " I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. / II. Les règles prévues au I ci-dessus sont également applicables aux personnes domiciliées hors de France pour les services rendus en France (...) ". Et aux termes de l'article 238 A du même code : " Les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies ".
8. Il résulte de ces dispositions que les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une autre personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte.
9. L'administration a, sur le fondement de l'article précité, imposé entre les mains de M. C... les sommes totales de 140 000 euros et 4 500 euros versées respectivement au titre des années 2010 et 2011 à la société Alcare Ltd, estimant qu'il s'agissait de versements rémunérant des prestations de service de consultant et d'intermédiaire réalisées par M. C... lui-même au profit de la société Dornan Engineering Ltd, et que ce dernier exerçait un contrôle direct sur la première société. Pour contester l'application de cet article à l'espèce, M. et Mme C... font valoir que s'ils disposaient de la totalité du capital de la société Alcare Ltd, l'administration ne rapporte pas pour autant la preuve qu'ils en assuraient la gestion et que cette société ne fournissait pas les prestations attribuées à M. C.... Pour autant, l'administration fait valoir, par les sources mentionnées plus haut, non seulement que cette société est une société off-shore, mais qu'elle ne dispose d'aucun moyen matériel, d'aucun personnel, ni d'aucune clientèle. Par suite, elle établit que cette société ne pouvait être l'auteur des prestations de services rendus à une société irlandaise et rémunérées au cours des années 2010 et 2011 sur le compte ouvert dans la banque lettonne dont il a été question au point 6 du présent arrêt. Par ailleurs, elle se prévaut également d'un accord signé le 4 novembre 2009 entre M. C... et le directeur général de la société irlandaise mentionnée ci-dessus, la société Dornan Engineering Limited, ayant pour objet, dans le cadre d'un projet dénommé " Pembroke ", d'introduire celle-ci auprès du groupe Alstom, et prévoyant le versement à M. C... de 3 000 euros à la signature, puis deux versements de 2 000 euros chacun. Pour l'année 2010, elle produit des factures établies le 14 juillet, le 12 octobre et le 17 décembre, portant sur des montants de 40 000 euros, et deux fois 50 000 euros, et comportant toutes, en guise de libellé, la mention de la société Dornan Engineering Ltd. Elle verse également au dossier une facture, d'un montant de 50 000 euros, établie le 25 mai expressément par M. C..., portant la mention de son adresse en France, et adressée au directeur général de la société irlandaise, portant en objet la mention, en anglais, " facture pour le premier versement au titre du projet Pembroke ". Elle produit d'autres factures émises, par la société Alcare Ltd, datées respectivement du 23 juin et du 1er octobre et des montants s'élevant respectivement à 57 000 euros et à 50 000 euros, portant la mention, en anglais, " frais de consultant au titre du projet Pembroke ", ainsi que les mentions, pour la première, " facture au titre du premier versement ", et pour la seconde, " facture au titre du deuxième versement ". Ces deux factures précisent que le paiement doit être effectué sur le compte de la société ouvert dans la même banque lettonne. Pour l'année 2011, l'administration se prévaut de deux virements le 19 septembre et le 8 décembre, s'élevant chacun à 2 250 euros, émanant de la société Dornan Engineering Ltd, correspondant à deux factures établies le 12 juin et le 9 décembre, portant sur des missions de consultant. Eu égard à ces éléments concordants, et alors même que le nom de M. C... apparaît rarement sur les factures analysées ci-dessus, l'administration rapporte la preuve que ces virements sur le compte de l'établissement bancaire déjà mentionné rémunéraient des services rendus par le requérant à la société Dornan Engineering Ltd et que la facturation de ces services par la société Alcare Ltd ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre à cette société. En tout état de cause, il est constant que la société Alcare Ltd a son siège dans un territoire situé hors de France où elle bénéficie d'un régime privilégié au sens des dispositions de l'article 238 A du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré de l'inexacte application de l'article L. 155 A du code général des impôts aux suppléments d'imposition auxquels les requérants ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, doit être écarté.
En ce qui concerne le rehaussement de revenus des années 2012, 2013 et 2014 :
10. Aux termes de l'article 123 bis du code général des impôts : " 1. Lorsqu'une personne physique domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique-personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable-établie ou constituée hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié, les bénéfices ou les revenus positifs de cette entité juridique sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement lorsque l'actif ou les biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable sont principalement constitués de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants.(...). 3. Les bénéfices ou les revenus positifs mentionnés au 1 sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de l'entité juridique établie ou constituée hors de France ou, en l'absence d'exercice clos au cours d'une année, le 31 décembre. Ils sont déterminés selon les règles fixées par le présent code comme si l'entité juridique était imposable à l'impôt sur les sociétés en France (...) ".
11. M. et Mme C..., qui ne contestent pas dans son principe l'application des dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts, en vue d'imposer entre leurs mains les bénéfices de la société Alcare Ltd au titre des années 2012 et 2013, font grief à l'administration de n'avoir pas suffisamment pris en compte les charges exposées par cette société. Toutefois, contrairement à ce qu'ils soutiennent, ses bénéfices n'ont pas été calculés, selon une reconstitution de recettes, mais à partir des encaissements constatés sur le compte de la banque lettone déjà mentionnée. De même, ils ne démontrent pas que les montants de charges retenues par le service, à savoir 111 euros et 140 euros, correspondant, au titre, respectivement, des années 2012 et 2013, à des frais de gestion de compte bancaire, seraient inférieurs aux charges effectivement supportées par la société. A cet égard, M. et Mme C... ne sauraient utilement se prévaloir de la réserve d'interprétation émise par le Conseil Constitutionnel, s'agissant du deuxième alinéa du 3 de l'article 123 bis du code général des impôts, dans sa décision n° 2016-614 QPC du 1er mars 2017, dès lors que l'administration fiscale s'est fondée, pour reconstituer le bénéfice de la société Alcare Ltd, sur les dispositions du 1er alinéa du 3 de cet article. En tout état de cause, l'administration fait valoir sans être contredite que le calcul des charges selon la méthode forfaitaire prévue au second alinéa du 3 de l'article 123 bis du code général des impôts aboutirait à un montant inférieur de charges. Par suite, le moyen doit être écarté, dans ses diverses branches.
Sur la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses :
12. D'une part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis ".
13. Pour appliquer la majoration de 80 % mentionnée ci-dessus, l'administration s'est fondée sur la circonstance que l'activité et la matérialité des prestations fournies par M. C... ont été délibérément dissimulées, dès lors notamment que les requérants ont créé une société off-shore à Gibraltar dont ils sont les uniques associés, qu'ils étaient seuls bénéficiaires des sommes encaissées par cette société, et qu'ils ont ouvert un compte bancaire en Lettonie pour percevoir ces sommes. Le recours à un montage complexe, impliquant l'utilisation de relais dans des pays étrangers à fiscalité privilégiée et une société sans activité réelle, révèle l'intention d'égarer l'administration et de rendre plus difficile son pouvoir de contrôle. De plus, la dissimulation de revenus qui en découle a concerné cinq années, est constitutive d'une réitération. Dans ces conditions, l'administration établit les manœuvres frauduleuses mises en œuvre par les contribuables. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du c de l'article 1729 précité du code général des impôts ne peut qu'être écarté.
14. D'autre part, si M. et Mme C... mentionnent, au demeurant sans invoquer expressément les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la circulaire ministérielle du 21 juin 2013 relative au traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger, cette circulaire ne contient aucune interprétation contraire de la loi fiscale, mais vise à donner des directives aux services en vue du traitement, au titre de la juridiction gracieuse, de réclamations présentées par les contribuables concernés pour obtenir la réduction des pénalités qui leur ont été appliquées. Par suite, M. et Mme C..., qui en tout état de cause n'ont pas présenté de réclamation en ce sens conformément à cette circulaire, ne sauraient opposer ses dispositions pour obtenir la décharge ou la réduction des pénalités en litige.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes en décharge. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 juin 2022.
Le rapporteur,
J.-E. A...Le président de chambre
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02272