Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 août 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2108401/1-2 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 novembre 2021, M. A... représenté par Me Lemichel demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 août 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) ou à défaut, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de
100 euros par jour de retard et de lui délivrer durant l'instruction une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
M. A... soutient que l'arrêté contesté:
- est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier ;
- est entaché d'un vice de procédure dès lors que l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne comporte pas de signatures électroniques sécurisées ;
- est entaché d'un vice de procédure tiré de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de l'OFII au regard de l'article R.313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- viole les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une décision du 30 septembre 2021, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Lemichel pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant mauritanien né le 27 mai 1985, est entré en France le 10 août 2017 selon ses déclarations. Il a alors déposé une demande d'asile le 3 octobre 2017, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 21 juin 2019, ce rejet ayant été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 mai 2020. Le 24 juin 2020, il a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par avis du 1er juillet 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait toutefois bénéficier d'un traitement approprié en Mauritanie. Par un arrêté en date du 4 août 2020, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 6 juillet 2021par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 devenu L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer la possibilité ou l'impossibilité pour le demandeur de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la possibilité ou l'impossibilité pour lui de bénéficier effectivement de ce traitement dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. A..., le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 1er juillet 2020 du collège de médecins de l'OFII qui précisait que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays.
5. M. A... est atteint d'un diabète de type 1, d'une rétinopathie diabétique floride sévère bilatérale associée à une neuropathie diabétique et une ostéomalacie des deux genoux avec fracture du plateau tibial. Sous inulinothérapie, il est suivi à l'hôpital Bichat où il est régulièrement hospitalisé en hôpital de jour et au centre Santé Média pour des consultations hebdomadaires. Le diabète dont est atteint le requérant a pu être stabilisé en France grâce à un traitement composé de deux types d'insuline (insuline asparte et insuline glargine). Pour établir que les traitements nécessaires à son état de santé, notamment Toujeo et Novorapid, ne sont pas disponibles en Mauritanie, M. A... produit un extrait du rapport " SARA " publié en 2018 qui indique que l'insuline régulière injectable est disponible seulement dans 4% des structures sanitaires de Mauritanie ainsi que plusieurs certificats médicaux notamment un certificat du 18 février 2020 établi par un médecin du Centre Santé Média indiquant la nécessité d'un suivi médical pluridisciplinaire mensuel ainsi qu'une prise en charge hebdomadaire, diagnostic confirmé par le dernier certificat médical produit en appel établi le 27 octobre 2021 précisant que le traitement administré est très difficilement substituable. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le traitement contre l'ostéomalacie est totalement indisponible en Mauritanie, les molécules de tériparatide et l'acide zolédronique monohydratene n'étant pas inscrites sur la liste nationale des médicaments essentiels établie par le ministère de la santé mauritanien. Enfin, les documents produits par le préfet de police ne permettent pas d'établir que M. A... pourrait effectivement bénéficier des soins adaptés à sa maladie en Mauritanie. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, M. A... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 devenu L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 4 août 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus à la demande de M. A..., le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité lui délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité d'étranger malade. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Lemichel, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Lemichel de la somme de 1 200 euros.
D E C I D E:
Article 1er : Le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 4 août 2020 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Lemichel, avocat de M. A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Lemichel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Briançon, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.
La rapporteure,
C. B...
L'assesseur le plus ancien,
P. MANTZ
Le greffier,
A. MOHAMAN YERO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°2105706