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07/06/2022 | FRANCE | N°20PA03126

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 07 juin 2022, 20PA03126


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 22 janvier 2020 par laquelle le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a refusé de reconnaître le transfert du centre de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française.

Par un jugement n° 2000114 du 8 septembre 2020, le tribunal administratif de

la Polynésie française a annulé la décision du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en date du 22 janvie

r 2020 et mis à la charge de l'Etat une somme de 150 000 (cent cinquante mille) francs CFP e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 22 janvier 2020 par laquelle le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a refusé de reconnaître le transfert du centre de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française.

Par un jugement n° 2000114 du 8 septembre 2020, le tribunal administratif de

la Polynésie française a annulé la décision du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en date du 22 janvier 2020 et mis à la charge de l'Etat une somme de 150 000 (cent cinquante mille) francs CFP en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 octobre 2020, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française n° 2000114 du 8 septembre 2020 et de rejeter la demande de M. C....

Il soutient que :

- le centre des intérêts matériels et moraux de M. C... n'était pas fixé, à la date de la décision attaquée, en Polynésie française mais à La Réunion ;

- le tribunal a dénaturé ses écritures de première instance.

Par des mémoires en défense enregistrés le 22 juin 2021 et le 13 septembre 2021, M. C..., représenté par Me Neuffer, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret 96-1026 du 26 novembre 1996 relatif à la situation des fonctionnaires de l'Etat et de certains magistrats dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., professeur certifié de mathématiques, a demandé que soit reconnu le transfert du centre de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française. Par une décision du 22 janvier 2020, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a rejeté sa demande. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports relève appel du jugement du 8 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé cette décision.

2. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé n° 96-1026 du 26 novembre 1996 : " Le présent décret est applicable (...) aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat, ainsi qu'aux magistrats de l'ordre judiciaire affectés dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, qui sont en position d'activité ou détachés auprès d'une administration ou d'un établissement public de l'Etat dans un emploi conduisant à pension civile ou militaire de retraite. Il ne s'applique ni aux personnels dont le centre des intérêts matériels et moraux se situe dans le territoire où ils exercent leurs fonctions ni aux membres des corps de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française ni aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée de l'affectation dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna est limitée à deux ans. Cette affectation peut être renouvelée une seule fois à l'issue de la première affectation ". Pour la détermination du centre des intérêts matériels et moraux d'un agent, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge, de tenir compte d'un faisceau de critères, notamment relatifs au lieu de résidence des membres de la famille, à la situation immobilière, à la disposition de comptes bancaires ou postaux, et aux attaches conservées par l'intéressé avec la métropole ou dans d'autres territoires d'outre-mer, que ni la loi, ni les règlements n'ont définis. La localisation du centre des intérêts matériels et moraux, qui peut varier dans le temps, doit être appréciée, dans chaque cas, à la date à laquelle l'administration, sollicitée le cas échéant par l'agent, se prononce sur l'application d'une disposition législative ou règlementaire.

3. M. C... est né en métropole en 1963. Professeur certifié de sciences physiques puis de mathématiques, il a exercé au sein de l'académie de La Réunion de 1990 à 2016 et a été mis à disposition du gouvernement de la Polynésie française à compter du 1er août 2016, pour une durée de deux ans, renouvelée une fois. Pour refuser de reconnaître le transfert en Polynésie française du centre des intérêts matériels et moraux de M. C..., le ministre fait valoir qu'il a effectué l'essentiel de sa carrière à La Réunion où sont nés ses deux enfants et où résidait sa mère à la date de la décision attaquée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C..., a résidé une première fois, de 1979 à 1984, en Polynésie française, où il a obtenu son baccalauréat et un brevet de technicien supérieur et où il a rencontré son épouse, qui est d'origine polynésienne et avec laquelle il s'est marié le 14 août 1986 à la mairie de Faa en Polynésie française. Il en ressort encore que Mme C... a déclaré, en septembre 2019, une activité artisanale de fabrication d'objet divers en bois et en liège sur la commune de Fare, qu'elle s'occupe de ses parents âgés qui résident à Tahiti, et qu'elle participe à la vie associative locale. Il en ressort également que le père de M. C... est décédé le 21 février 2019 et que si M. C... a hérité de la nue-propriété d'un bien immobilier situé à La Réunion constituant la résidence de sa mère, celle-ci souhaitait, à la date de la décision contestée, rejoindre son fils en Polynésie française, projet qu'elle a d'ailleurs effectivement réalisé. En outre, si M. C... ne possédait aucun bien en Polynésie française, son épouse a reçu en donation de ses parents un terrain constructible de 3 000 m2 situé à Moorea et M. et Mme C... ont d'ailleurs, postérieurement à la décision attaquée, obtenu le 6 juillet 2021 un permis de construire pour édifier une maison d'habitation sur ce terrain. Enfin, M. et Mme C... disposent de comptes bancaires auprès d'une agence locale de la banque Socredo et justifient être inscrits sur les listes électorales de Polynésie française.

4. Ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments, sans que l'administration ne puisse utilement faire valoir qu'il a perçu une indemnité d'éloignement majorée et alors même qu'il ne produit pas d'autre pièce qu'une attestation sur l'honneur pour justifier avoir fait au moins six demandes de mutation en Polynésie française entre 1990 et 2016, M. C... doit être regardé comme ayant, à la date du 22 janvier 2020, transféré le centre de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française. Dès lors, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté du 8 septembre 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé sa décision du 22 janvier 2020.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit à la demande présentée au titre des frais de justice par M. C..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 20 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Briançon, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juin 2022.

Le rapporteur,

F. A...

La présidente,

C. BRIANÇON Le greffier,

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03126


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03126
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRIANÇON
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : NEUFFER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-07;20pa03126 ?
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