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02/06/2022 | FRANCE | N°21PA05940

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 02 juin 2022, 21PA05940


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 5 février 2021 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2101180 du 15 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté contesté du 5 février 2021 du préfet du Val-de-Marne obligeant M. A.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 5 février 2021 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2101180 du 15 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté contesté du 5 février 2021 du préfet du Val-de-Marne obligeant M. A... à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour pour une durée de deux ans, a enjoint à ce dernier de réexaminer la situation de M. A... dans un délai d'un mois et de le munir, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour, et a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 22 novembre et 10 décembre 2021, sous le n° 21PA05940, la préfète du Val-de-Marne, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101180 du 15 octobre 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A....

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, M. A..., qui s'exprime en français, a été mis à même de faire valoir toutes observations préalablement à l'édiction de sa décision à l'occasion de son audition par les services de police, aucun vice de procédure de sa décision ne pouvant être retenu ;

- l'obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée et n'est pas entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. A... ;

- si l'intéressé a produit en premier instance le passeport avec lequel il est entré en France en septembre 2016, cette circonstance ne lui confère aucun droit au séjour, compte tenu de ce que celui-ci ne l'autorisait pas à séjourner en France plus de 90 jours et qu'il s'est maintenu sans avoir sollicité de titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée ;

- elle ne méconnaît pas l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour est suffisamment motivée ;

- elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, M. A..., représenté par Me Sidobre, conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et subsidiairement à son rejet au fond, et à la mise à la charge de l'État d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est dépourvue de moyens à l'encontre du jugement attaqué et est par conséquent irrecevable, ne pouvant être régularisée sur ce point ;

- il n'est pas démontré que l'auteur de la requête ait reçu délégation de pouvoir ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 4 février 2022 sous le numéro 22PA00501, la préfète du Val-de-Marne demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2101180 du 15 octobre 2021 du tribunal administratif de Melun.

Elle soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce réunies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, M. A..., représenté par Me Sidobre, conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et subsidiairement à son rejet au fond, et à la mise à la charge de l'État d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est dépourvue de moyens à l'encontre du jugement attaqué et est par conséquent irrecevable, ne pouvant être régularisée sur ce point ;

- il n'est pas démontré que l'auteur de la requête ait reçu délégation de pouvoir ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Sidobre, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais, né en 1991, est entré en France en 2016. Ayant fait l'objet d'un contrôle d'identité par les services de police le 4 février 2021 et étant dépourvu de papiers d'identité et de titre de séjour, le préfet du Val-de-Marne a pris à son encontre un arrêté en date du 5 février 2021, portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour de deux ans. M. A... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Melun. Par jugement du 15 octobre 2021, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a annulé l'arrêté du 5 février 2021, a enjoint au préfet du Val-de-Marne de réexaminer la situation de M. A... et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et a condamné l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La préfète du Val-de-Marne fait appel de ce jugement, en en demandant l'annulation par sa requête enregistrée sous le numéro 21PA05940, et le sursis à exécution par sa requête enregistrée sous le numéro 22PA00501.

2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par la préfète du Val-de-Marne étant formés contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur les fins de non-recevoir soulevées par M. A... :

3. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

4. Il ressort des pièces du dossier, contrairement à ce qui est soutenu, que la requête d'appel sommaire en annulation du jugement attaqué, présentée, dans le délai de recours, par la préfète du Val-de-Marne, et complétée par un mémoire enregistré 15 jours après, met la Cour en mesure de se prononcer sur les erreurs qu'aurait pu commettre le tribunal en retenant les moyens soulevés devant lui. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. A... doit être écartée.

5. La requête d'appel du jugement attaqué et celle tendant à obtenir le sursis à exécution dudit jugement, présentées pour la préfète du Val-de-Marne, sont signées par Mme Mireille Larrede, secrétaire générale. En vertu de l'arrêté n° 2021/656 du 1er mars 2021, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, Mme Mireille Larrede, secrétaire générale de la préfecture du Val-de-Marne, bénéficie d'une délégation de signature du préfet pour signer, notamment les requêtes juridictionnelles. La fin de non-recevoir tirée de l'incompétence de l'auteur des requêtes, ne peut qu'être écartée.

Sur la requête n° 21PA05940 :

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Melun :

6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 512-2 du même code, alors en vigueur : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. ".

7. Pour annuler l'arrêté du 5 février 2021 du préfet du Val-de-Marne, le premier juge a retenu, qu'alors que M. A... soutenait qu'il n'avait pas été mis en mesure de présenter ses observations avant l'édiction de la décision d'éloignement litigieuse, le préfet, qui n'avait pas produit de mémoire en défense, n'apportait pas la preuve contraire et que la procédure suivie avait donc privé M. A... du droit d'être entendu selon le principe général énoncé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et méconnu le principe du contradictoire. En appel, la préfète du Val-de-Marne produit le procès-verbal de retenue administrative en date du 4 février 2021, dont il ressort que l'intéressé a été informé qu'il faisait l'objet d'une mesure de retenue pour vérification de son droit au séjour, qu'il pouvait fournir par tout moyen des documents et pièces requis pour attester de la régularité de son droit de séjourner et de circuler sur le territoire français, qu'il était retenu jusqu'au prononcé des mesures administratives applicables, et qu'il a été averti de ses droits à recourir à un interprète et à un avocat, droits auxquels ce dernier a expressément renoncé. L'irrégularité alléguée des conditions de sa garde à vue s'agissant d'un défaut d'interprète ou d'avocat, est au demeurant, sans incidence sur la décision contestée. La préfète du Val-de-Marne a également produit en appel le procès-verbal d'audition de l'intéressé daté du même jour, dont il ressort que M. A... a fait valoir, sans difficultés dans l'expression en langue française, notamment qu'il vivait en France en concubinage avec sa compagne avec laquelle il entretenait une relation depuis cinq ans, qu'il travaillait comme ouvrier du bâtiment et qu'il était locataire d'un logement. M. A... ne peut par ailleurs utilement invoquer une méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors que l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, déterminait l'ensemble des règles de procédure administrative contentieuse auxquelles étaient soumises les décisions portant obligation de quitter le territoire français ainsi que les décisions les accompagnant. La préfète du Val-de-Marne est par conséquent fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur la méconnaissance du principe du contradictoire et du droit d'être entendu de M. A..., pour annuler sa décision du 5 février 2021 dans toutes ses dispositions.

8. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal administratif de Melun.

Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de la décision attaquée :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les textes dont il fait application, notamment l'article L. 511-1 I 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la convention de Schengen et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il relève que M. A..., qui déclarait être entré en France en janvier 2016, ne pouvait justifier des documents requis par l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il était en séjour irrégulier. Il précise qu'il ressort de l'examen de sa situation qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à sa vie privée et familiale. L'arrêté, qui n'avait pas à exposer les détails de sa situation, comporte ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Val-de-Marne s'est fondé pour lui faire obligation de quitter le territoire français, nonobstant l'utilisation de formules stéréotypées. Les moyens tirés de l'insuffisance de la motivation de cet arrêté et du défaut d'examen de la situation personnelle de M. A... doivent donc être écartés.

10. En deuxième lieu, s'agissant du fondement légal de la décision attaquée, la préfète du Val-de-Marne soutient dans ses écritures en appel, qui ont été communiquées à M. A..., que si l'intéressé a produit en première instance le passeport avec lequel il est entré en France en septembre 2016, cette circonstance ne lui confère aucun droit au séjour, compte tenu que son passeport albanais ne l'autorisait à séjourner en France que 90 jours et qu'il s'est maintenu sur le territoire national sans avoir sollicité de titre de séjour. La préfète du Val-de-Marne doit être regardée comme demandant à la Cour de substituer ce nouveau motif se fondant sur les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif initial fondé sur le 1° du I de cet article L. 511-1.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. Si M. A... soutient que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations précitées, il ressort des pièces du dossier et notamment de son passeport qu'il a produit, qu'il est entré en France en septembre 2016, et qu'il n'y vivait donc que depuis 4 ans à la date de la décision attaquée du 5 février 2021, tandis qu'il ressort, en outre, de ses déclarations lors de son audition qu'il est retourné au moins une fois en Albanie. Il ressort des pièces du dossier qu'il s'est maintenu en France irrégulièrement sans entreprendre de démarche en vue de régulariser sa situation, alors que son passeport albanais ne l'autorisait à y séjourner que 90 jours. S'il se prévaut de la présence de sa compagne avec laquelle il vit, leur relation est avérée par les documents relatifs à l'appartement dans lequel ils vivent, à partir de l'année 2019 seulement, et présente donc un caractère récent à la date de la décision attaquée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intensité des liens affectifs ou sociaux qu'il a pu nouer sur le territoire français soit telle qu'il ne pourrait poursuivre sa vie privée et familiale en dehors de ce dernier, alors qu'il a vécu en Albanie jusqu'à l'âge de 25 ans, où vivent ses parents, comme il l'a déclaré lors de son audition par les services de police. La circonstance qu'il travaille en France depuis le 1er avril 2021 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de maçon, n'est pas de nature à établir une particulière insertion en France, dès lors qu'elle est postérieure à l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, eu égard au caractère récent de sa présence et des conditions de son séjour en France, le préfet du Val-de-Marne, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :

13. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

14. Il ressort de la décision attaquée qu'elle a considéré que l'intéressé ne pouvait justifier de la possession de documents de voyage en cours de validité ou n'avait pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente et qu'il ne présentait donc pas de garanties de représentation suffisantes, et qu'il existait ainsi un risque qu'il se soustraie à cette obligation.

15. Il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'audition de l'intéressé du 4 février 2021 produit par la préfète du Val-de-Marne en appel, que M. A... a déclaré qu'il était entré en France avec son passeport albanais en cours de validité et qu'il était locataire d'un appartement dont il a donné l'adresse précise à Saint-Maur-des-Fossés. Dans ces conditions, en estimant que M. A... ne présentait pas de garanties suffisantes de représentation et qu'il existait, dès lors un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il faisait l'objet, la préfète du Val-de-Marne a fait une inexacte application des dispositions du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. Il résulte de ce qui précède, que M. A... est fondé à soutenir que la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'illégalité.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

17. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) ".

18. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler par voie de conséquence la décision interdisant à M. A... le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, qui n'aurait pu légalement être prise en l'absence de décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

19. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il mentionne la nationalité albanaise de l'intéressé et qu'après avoir visé l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il mentionne que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. La décision contient ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent et est donc suffisamment motivée.

20. En second lieu, pour les mêmes raisons qu'exposées au point 12, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 5 février 2021 du préfet du Val-de-Marne en tant qu'il ne lui octroie pas de délai de départ volontaire et qu'il prononce à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans.

Sur les frais liés à l'instance :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. A... présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 22PA00501 :

23. Le présent arrêt statuant sur les conclusions de la requête n° 21PA05940 de la préfète du Val-de-Marne tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun du 15 octobre 2021, les conclusions de sa requête n° 22PA00501 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu de statuer sur ces conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22PA00501 de la préfète du Val-de-Marne à fin de sursis à exécution du jugement attaqué.

Article 2 : Le jugement du 15 octobre 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il annulait les décisions faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 21PA05940 de la préfète du Val-de-Marne est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....

Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Renaudin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 21PA05940, 22PA00501

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05940
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SIDOBRE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-02;21pa05940 ?
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