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01/06/2022 | FRANCE | N°21PA03878

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 01 juin 2022, 21PA03878


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités roumaines.

Par un jugement n° 2105497 du 3 juin 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a admis M. B... à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2021, M. B..., représenté pa

r Me Gonidec, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités roumaines.

Par un jugement n° 2105497 du 3 juin 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a admis M. B... à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Gonidec, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 2105497 du 3 juin 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui remettre une attestation de demande d'asile dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Les parties ont été informées le 21 décembre 2021, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer, l'arrêté étant devenu caduc à l'expiration du délai de six mois prévu pour la remise aux autorités roumaines.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête n'a pas perdu son objet et que le moyen soulevé par M. B... n'est pas fondé.

Par un mémoire, enregistré le 1er février 2022, M. B... conclut au non-lieu à statuer, dès lors que le préfet n'était pas fondé à porter le délai de transfert aux autorités roumaines à dix-huit mois.

Par ordonnance du 2 février 2022, la clôture de l'instruction a été reportée au 16 février 2022 à 12h.

Un mémoire, enregistré le 6 mai 2022, a été produit par le préfet de police postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 12 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme JURIN,

- et les observations de Me David, avocate de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant pakistanais né le 9 juillet 1988, a déclaré être entré en France en février 2021. Le 15 février 2021, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées le 31 janvier 2021 par les autorités roumaines, le préfet de police a saisi le 12 mars 2021 ces autorités d'une demande de reprise en charge. Ces autorités ont donné leur accord explicite le 25 mars 2021. Par un arrêté du 13 avril 2021, le préfet de police a décidé la remise de l'intéressé aux autorités roumaines. M. B... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, après l'avoir admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Le transfert du demandeur (...) de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27 (...) 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite (...) ". Il résulte clairement de ces dispositions que le transfert vers l'Etat membre responsable peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge et est susceptible d'être portée à dix-huit mois si l'intéressé " prend la fuite ", cette notion devant s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant. Tel est le cas notamment s'il se soustrait intentionnellement à l'exécution d'un transfert organisé en refusant un test PCR obligatoire pour l'entrée effective sur le territoire de l'Etat membre responsable, dès lors qu'il avait connaissance des conséquences d'un refus de sa part et qu'il ne fait état d'aucune raison médicale particulière justifiant une absence de consentement à la réalisation du test.

3. M. B... devait faire l'objet d'un transfert aux autorités roumaines le 15 novembre 2021. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il a cependant refusé d'effectuer le 13 novembre 2021 le test PCR nécessaire à ce transfert. Si le requérant soutient qu'aucune traduction du document l'informant des conséquences s'attachant au refus d'effectuer un test PCR préalablement à son transfert aux autorités roumaines ne lui a été communiquée, il ressort des pièces du dossier que le courrier du préfet de police du 12 novembre 2021 informant M. B... de ces conséquences, et notamment de celles en matière pénale, a été traduit en pachto par ISM interprétariat. M. A... ne faisant par ailleurs valoir aucune raison particulière justifiant une absence de consentement à la réalisation du test, il doit dans ces circonstances être regardé comme s'étant soustrait de manière intentionnelle à l'exécution du transfert organisé, se mettant ainsi en situation de fuite au sens de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, l'exception de non-lieu ne peut qu'être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de police :

4. Aux termes aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le frère du requérant a été admis au bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 21 septembre 2020. Il ressort des termes mêmes de cette décision que le bénéfice de la protection subsidiaire a été accordé au frère du requérant à raison d'une dushmani particulièrement violente dans le cadre d'un conflit ancien entre deux familles pour laquelle il ne peut pas bénéficier de la protection effective des autorités pakistanaises compte tenu de l'implication d'un beau-frère exerçant des fonctions militaires. Il ressort des pièces du dossier que cette vengeance familiale est susceptible de s'étendre à tous les hommes de la famille du frère du requérant et donc y compris au requérant. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, compte tenu, d'une part, de la situation particulière de la famille du requérant ayant conduit à l'octroi de la protection subsidiaire au profit de son frère pour des motifs qui pourraient, le cas échéant, être aussi invoqués par M. B... et, d'autre part, de sa proximité avec son frère, qui l'héberge, le préfet de police, en ne faisant pas usage de la faculté d'instruire en France la demande d'asile de l'intéressé a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé, d'une part, à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et, d'autre part, à solliciter l'annulation du jugement attaqué ainsi que celle de l'arrêté du 13 avril 2021 du préfet de police.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Compte tenu du motif de l'annulation exposé ci-dessus, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer la demande d'asile de M. B... en procédure normale, sans toutefois assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Gonidec, avocat de M. B..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2105497 du 3 juin 2021 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 13 avril 2021 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police d'enregistrer la demande d'asile de M. B... en procédure normale.

Article 3 : L'Etat versera à Me Gonidec, avocat de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me Gonidec, au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2022.

La rapporteure,

E. JURINLe président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03878


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03878
Date de la décision : 01/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : GONIDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-01;21pa03878 ?
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