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31/05/2022 | FRANCE | N°20PA02446

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 mai 2022, 20PA02446


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 juin 2019 du ministre des solidarités et de la santé de ne pas lui attribuer de complément indemnitaire au titre de l'année 2018.

Par une ordonnance n° 2002363/5-1 du 10 avril 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2020, Mme D..., représentée par Me Mankou, demande à la Co

ur :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au min...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 juin 2019 du ministre des solidarités et de la santé de ne pas lui attribuer de complément indemnitaire au titre de l'année 2018.

Par une ordonnance n° 2002363/5-1 du 10 avril 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2020, Mme D..., représentée par Me Mankou, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre des solidarités et de la santé de lui octroyer le complément indemnitaire annuel au titre de l'année 2018, assorti des intérêts au taux légal ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le premier juge ne pouvait rejeter sa demande comme manifestement irrecevable dès lors que sa demande comportait un moyen opérant tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont est entachée la décision attaquée du ministre des solidarités et de la santé ;

- l'appréciation littérale de son supérieur hiérarchique telle qu'elle résulte de son compte-rendu d'entretien annuel n'est pas en adéquation avec ses notations relatives à l'évaluation de ses acquis et de ses compétences qui sont globalement très bonnes ;

- le refus de lui accorder un complément indemnitaire a été en réalité dicté par la volonté de sa hiérarchie de sanctionner ses absences pour raisons de santé ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 12 mai 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le premier juge a considéré que le moyen de Mme D..., qui s'est bornée à décrire ses tâches de manière purement factuelle, était inopérant ;

- la décision de refus d'attribution du complément indemnitaire annuel (CIA) est justifiée au regard des critères prévus à l'article 3 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat ;

- le moyen tiré de la dichotomie entre l'appréciation écrite du supérieur hiérarchique et la grille d'évaluation de la valeur professionnelle de la requérante est infondé ;

- le moyen tiré de ce que le refus d'attribution du CIA résulterait de sa volonté de sanctionner les absences de l'intéressée liées à son état de santé est infondé.

Les parties ont été informées, le 11 avril 2022, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité de l'ordonnance attaquée qui a été prise sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, alors que le moyen de la requête n'était pas inopérant et que celle-ci n'était pas manifestement irrecevable de sorte qu'il ne pouvait y être statué par ordonnance.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 23 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 28 juin 2019, le ministre a décidé de ne pas attribuer à Mme D..., adjoint administratif principal de 2ème classe d'administration centrale, affectée à la direction des finances, des achats et des services du ministère des solidarités et de la santé, un complément indemnitaire annuel au titre de l'année 2018. Mme D... relève appel de l'ordonnance du

10 avril 2020 par laquelle le président de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 221-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision comme manifestement irrecevable.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ".

3. Il résulte des termes de l'ordonnance attaquée que le premier juge a considéré que l'unique moyen soulevé par Mme D... était inopérant, dès lors que celle-ci s'était bornée à présenter un descriptif des différentes tâches qu'elle effectuait dans le cadre de ses fonctions, par lui-même sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Il résulte toutefois des termes de la demande de Mme D... qu'en sus de ce descriptif, elle avait fait valoir qu'elle a " fait tout cela correctement " et avait déclaré s'en remettre au tribunal afin d'" éclaircir l'anomalie ". Mme D... doit ainsi être regardée comme ayant, par ces éléments de langage, invoqué le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le ministre en refusant de lui attribuer le complément indemnitaire annuel au titre de l'année 2018. Par suite, la demande présentée par Mme D... devant le tribunal et tendant à l'annulation de la décision du 28 juin 2019 ne pouvait être rejetée pour le motif d'inopérance précité. Elle ne pouvait pas davantage être rejetée pour irrecevabilité manifeste, qualification d'ailleurs insusceptible de s'appliquer aux requêtes ne comportant qu'un ou plusieurs moyens inopérants. Ainsi, seule la formation collégiale du tribunal pouvait statuer sur la demande de Mme D.... Par suite, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.

4. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les moyens invoqués par Mme D... tant devant le tribunal administratif que devant la Cour.

Sur la légalité de la décision du 28 juin 2019 :

5. Aux termes de l'article 1 du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée peuvent bénéficier (...) d'un complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir, dans les conditions fixées par le présent décret (...) ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Les fonctionnaires mentionnés à l'article 1er peuvent bénéficier d'un complément indemnitaire annuel qui tient compte de l'engagement professionnel et de la manière de servir, appréciée dans les conditions fixées en application de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée (...) ". Aux termes de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dans sa rédaction applicable : " Par dérogation à l'article 17 du titre Ier du statut général, l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct. ". Aux termes de l'article 3 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " L'entretien professionnel porte principalement sur : 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des perspectives d'évolution des conditions d'organisation et de fonctionnement du service ; 3° La manière de servir du fonctionnaire ; 4° Les acquis de son expérience professionnelle (...) ".

6. En premier lieu, Mme D... n'apporte aucun commencement de preuve au soutien de ses allégations selon lesquelles le refus de lui accorder le complément indemnitaire annuel aurait été décidé par sa hiérarchie dans le but de sanctionner ses nombreuses absences pour raisons de santé. Le compte-rendu de l'entretien professionnel de la requérante au titre de l'année 2018 mentionne d'ailleurs, à l'inverse, que " Mlle B... D... a dû faire face, au cours de l'année écoulée, à un grand nombre d'examens médicaux et d'hospitalisations, du fait de son âge et de son état de santé. Nul reproche ne peut lui être fait, d'autant plus que sa hiérarchie était informée et qu'elle a su faire preuve de présence et de ponctualité en dehors des périodes médicalisées ". Il s'ensuit que le moyen fondé sur ces allégations doit être écarté.

7. En second lieu, il ressort du compte-rendu de l'entretien professionnel précité du

26 juillet 2019, qui constitue le fondement de l'appréciation de l'engagement professionnel et de la manière de servir de la requérante sur la base de laquelle a été prise la décision attaquée, que celle-ci, qui occupait un poste de gestionnaire d'atelier de reprographie, s'est vue refuser sa demande, formulée en 2018, de prolongation d'activité au-delà de l'âge limite. A cet égard, le compte-rendu mentionne, à la rubrique "Appréciation littérale du supérieur hiérarchique direct" que, " du fait de ressentir ce refus (de prolongation d'activité) comme une frustration supplémentaire, il apparaît que Mlle D... a pu faire preuve d'un plus grand désintérêt, voire désengagement, au sujet de l'activité professionnelle qui lui était demandée. Au constat de ces désengagements et de la fatigue accumulée durant sa carrière, Mlle D... semble avoir atteint ses limites sur le plan de ses capacités professionnelles et ne saurait évoluer plus dans le temps qui lui est désormais imparti (départ à la retraite au 23 octobre 2019). Par ailleurs, selon son récit, Mlle D... dit avoir souffert de faiblesses d'accompagnement, notamment managérial, au cours de sa carrière, ainsi que de difficultés relationnelles avec son environnement, particulièrement au cours de ces dernières années. Toutefois, l'arrivée d'un nouveau chef de section au sein de l'AIT (atelier de reprographie) depuis juillet 2018 l'a rassurée et elle a fait preuve de plus d'engagement, bien que cela ne puisse être pris en compte pour gratifier sa fin de carrière. Ses capacités, même si réduites par la fatigue et l'usure, ont quand même été mises à contribution avec des résultats plutôt positifs dans le cadre de travaux exécutés au cours de cette dernière année (...)". Cette appréciation littérale est en adéquation avec l'appréciation générale sur la valeur professionnelle de Mme D..., qui prend en compte l'évaluation globale de ses résultats et de sa manière de servir, et qui laisse apparaître que, s'agissant des trois rubriques " qualité du travail ", " implication personnelle " et " sens du service public ", celle-ci n'obtient que la notation " satisfaisant " qui correspond à la deuxième notation sur une échelle de quatre possibles dans un ordre de valeur croissante. Par suite, quand bien même la requérante aurait correctement effectué les tâches qui lui incombaient et alors que, contrairement à ce qu'elle soutient, l'appréciation littérale de son supérieur hiérarchique n'est pas en contradiction avec ses différentes notations relatives à l'évaluation des acquis de son expérience professionnelle, le ministre des solidarités et de la santé a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, lui refuser l'attribution du complément indemnitaire annuel.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 28 juin 2019 de ne pas lui attribuer de complément indemnitaire au titre de l'année 2018. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être, en conséquence, rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2002363/5-1 du 10 avril 2020 du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2022.

Le rapporteur,

P. C...

La présidente,

M. A... Le greffier,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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No 20PA02446


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02446
Date de la décision : 31/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : MANKOU

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-31;20pa02446 ?
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