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25/05/2022 | FRANCE | N°21PA00705

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 25 mai 2022, 21PA00705


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2020 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police a pris à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2017963

/8 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 30 octobre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2020 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police a pris à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2017963/8 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 30 octobre 2020 en tant que le préfet de police a refusé à M. A... C... l'octroi d'un délai de départ volontaire et l'arrêté par lequel le préfet de police a pris à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2021, M. A... C..., représenté par Me Berdugo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a refusé d'annuler la décision du préfet de police portant obligation de quitter le territoire du 30 octobre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de police du 30 octobre 2020 portant obligation de quitter le territoire ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'erreur de fait et du défaut d'examen complet du dossier ;

- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'absence de base légale de la décision contestée ;

- les décisions du préfet de police sont entachées d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait ;

- la décision est dépourvue de base légale ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris le 29 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée;

le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant algérien né le 29 juillet 1997, déclare être entré en France en premier lieu en 2016 et en dernier lieu en 2019. A la suite de son interpellation le 29 octobre 2020, le préfet de police a pris à son encontre un arrêté en date du 30 octobre 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi et un arrêté du même jour lui interdisant de retourner sur le territoire national pour une durée de douze mois. M. A... C... relève appel du jugement du 3 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 30 octobre 2020 en tant que le préfet de police a refusé à M. A... C... l'octroi d'un délai de départ volontaire et l'arrêté par lequel le préfet de police a pris à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement n'est pas entaché d'une omission à statuer sur les moyens tirés de l'erreur de fait et du défaut d'examen complet du dossier, auxquels le tribunal a répondu au point 10 de son jugement.

3. Contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement n'est non plus entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré du défaut de base légale, auquel le tribunal a répondu en citant les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au point 2, et en indiquant au point 3 que le préfet de police a pris en compte l'ensemble des critères prévus par la loi et que la décision comporte l'énoncé des considérations de droit qui la fondent.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, alors applicable : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; (...) ".

5. L'obligation de quitter le territoire français du 30 octobre 2020 est fondée sur les dispositions du 4° du I de l'article L. 511-1 précité. Toutefois, M. A... C... justifie, par plusieurs échanges de courriers électroniques avec la préfecture du Val-de-Marne en 2019 et 2020, dont la réalité n'est pas contestée, avoir entrepris avec diligence les démarches nécessaires pour le renouvellement de son titre de séjour, et produit notamment un courrier électronique du 14 mai 2020 de ladite préfecture indiquant que tous les rendez-vous prévus en vue du renouvellement de titres de séjour étaient annulés. Il produit en outre une copie d'une nouvelle démarche accomplie le 24 septembre 2020 auprès de la préfecture, à la suite de l'annulation du mois de mai 2020 causée par la crise sanitaire, qui n'a pas pu aboutir auprès de l'administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) dès lors que son titre de séjour était expiré depuis plus de six mois, à laquelle l'administration a répondu le 27 octobre 2020 par un message ne tenant aucun compte des difficultés de dépôt de la demande de renouvellement mentionnées par M. A... C.... Dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet de police ne pouvait pas, sans entacher sa décision d'erreur de fait, considérer que M. A... C... n'avait pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire.

6. Le préfet de police admet dans son mémoire en défense devant la Cour que la mention du 4° du I de l'article L. 511-1 précité est erronée, mais soutient que l'arrêté trouverait son fondement dans les dispositions du 1° du I du même article. M. A... C... indique qu'il est entré en France en 2016 muni d'un visa de long séjour, tandis qu'en défense le préfet le conteste, indiquant qu'il ne justifie ni de la date ni des conditions de son arrivée. Cependant, M. A... C... produit plusieurs titres de séjour dont il a été muni postérieurement à son entrée sur le territoire. La délivrance de ces titres a eu pour effet de régulariser sa situation quant aux conditions de son entrée en France. Le préfet ne pouvait dès lors plus lui opposer son entrée irrégulière en France. Dans ces conditions, l'arrêté du 30 septembre 2020 ne peut davantage trouver son fondement légal dans les dispositions du 1° du I du même article. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que le jugement n° 2017963/8 du 3 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris et l'obligation de quitter le territoire français du 30 octobre 2020 doivent être annulés.

7. Par voie de conséquence, les décisions refusant à M. A... C... un délai de départ volontaire, fixant un pays de destination et lui interdisant pour douze mois le retour sur le territoire français doivent être annulées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police délivre au requérant une autorisation provisoire de séjour, et procède au réexamen de la situation administrative du requérant au regard des motifs de la présente décision dans un délai de trois mois à compter de la notification de celle-ci. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Le requérant a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Berdugo renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement n° 2017963/8 du 3 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du 30 octobre 2020, par lesquels le préfet de police a, d'une part, obligé M. A... C... à quitter le territoire français sans délai et fixé le pays de destination et, d'autre part, lui a interdit le retour sur le territoire pendant douze mois, sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... C... une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à Me Berdugo une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1997, sous réserve que Me Berdugo renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente-assesseure,

- M. Baronnet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2022.

Le rapporteur,

M. D...

La présidente,

M. B... La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 2100705

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00705
Date de la décision : 25/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Marc BARONNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-25;21pa00705 ?
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