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12/05/2022 | FRANCE | N°21PA02090

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 12 mai 2022, 21PA02090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2009065 du 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

P

ar une requête enregistrée le 21 avril 2021, et trois mémoires de production de pièces enregistrés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2009065 du 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 avril 2021, et trois mémoires de production de pièces enregistrés les 3 novembre 2021, 2 décembre 2021 et 10 mars 2022, M. B..., représenté par Me Tavares de Pinho, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2009065 du 22 janvier 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°)d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Talavares de Pinho de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que:

S'agissant de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée et le préfet de police n'a pas procédé à l'examen complet de sa situation personnelle ;

- la commission du titre de séjour n'a pas été consultée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée vis-à-vis de l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur une décision portant refus de délivrance du titre de séjour elle-même illégale ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour prononcer une mesure d'éloignement ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

S'agissant de la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

- la décision attaquée est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur des décisions portant refus de délivrance du titre de séjour et obligation de quitter le territoire français elles-mêmes illégales ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision fixant le pays d'éloignement :

- la décision attaquée est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur des décisions portant refus de délivrance du titre de séjour et obligation de quitter le territoire français elles-mêmes illégales.

La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas produit de mémoire.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 25 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de Me Tavares de Pinho, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 23 mars 1980, à Kinshasa (République Démocratique du Congo), entré en France en 2012 selon ses déclarations, a sollicité le 25 janvier 2019 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... relève appel du jugement du 22 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, M. B... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance, tirés de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée de l'examen complet de sa situation personnelle, de ce qu'elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée vis-à-vis de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et de ce que la commission du titre de séjour n'a pas été consultée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Paris respectivement aux points 2 et 7, 6, et 10 du jugement.

3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

4. Pour refuser de délivrer à M. B... un titre de séjour, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et a relevé que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour contester l'appréciation de sa situation au regard des conditions posées par les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à laquelle s'est ainsi livrée l'autorité préfectorale, M. B... produit des ordonnances et divers documents médicaux attestant qu'il souffre d'un état de stress post-traumatique avec une atteinte profonde de la personnalité et des capacités psychiques, et qu'il poursuit un traitement médicamenteux constitué de Mirtazapine, Tercian, Risperdal, Xanax et Seroplex. Toutefois, ces certificats médicaux, qui insistent sur l'indisponibilité en République démocratique du Congo de ces médicaments et d'un suivi approprié, n'indiquent pas précisément les conséquences qu'aurait pour M. B... l'arrêt de son traitement et du suivi psychiatrique dont il fait l'objet, ce qui ne permet pas de remettre en cause utilement l'avis du collège des médecins de l'OFII. Le certificat du docteur C... du 15 juin 2020, en particulier, se borne à noter que, du fait de son état post traumatique, M. B... nécessite des soins qu'il reçoit depuis 2017 et dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sans plus de précisions. M. B... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le préfet de police, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 précité.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. B... se prévaut de sa présence en France depuis 2012. Toutefois, il est célibataire et sans enfants en France, et n'établit pas être dépourvu de liens dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans et où il a déclaré que vivaient toujours ses deux enfants. Par suite, cette décision n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français reposerait sur un refus de séjour illégal doit être écarté.

8. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet de police se serait cru en situation de compétence liée en obligeant l'intéressé à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Pour les raisons exposées au point 4, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions de l'article précité.

10. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

11. En premier lieu, pour les motifs exposés ci-dessus, le refus de délivrance d'un titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire contestés ne sont pas entachés d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité du refus de titre et de l'obligation de quitter le territoire invoquée à l'encontre de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours doit être écartée.

12. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ". Il résulte de ces dispositions que seule la décision de refus d'accorder un délai de départ volontaire doit être motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision accordant au requérant un délai de départ volontaire de trente jours est inopérant et ne peut qu'être écarté.

13. En dernier lieu, si le requérant soutient, pour les mêmes motifs que ceux précédemment invoqués, que la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle, il résulte de ce qui a été dit précédemment, au point 6, que ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays d'éloignement :

14. Pour les motifs exposés ci-dessus, le refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à M. B... et la décision portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachés d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité de ces deux décisions invoquée à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi doit être écartée.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction, et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet police.

Délibéré après l'audience du 21 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 12 mai 2022.

L'assesseur le plus ancien

J.F. GOBEILLLa présidente rapporteure,

C. D...

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA02090 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02090
Date de la décision : 12/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : TAVARES DE PINHO

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-12;21pa02090 ?
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