Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. E... J... D... a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des amendes mises à sa charge sur le fondement du IV bis de l'article 1736 du code général des impôts au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1923334 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. D....
M. D... a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des amendes mises à sa charge sur le fondement du IV bis de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2013 à 2015.
Par un jugement n° 1822764 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. D....
Procédures devant la Cour :
I - Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020 sous le n° 20PA01898, et des mémoires, enregistrés le 29 octobre 2020 et le 27 janvier 2021, M. D..., représenté par la SELAS Dyadeis, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1923334 du 9 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des amendes contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la circonstance qu'il ne pouvait satisfaire à ses obligations déclaratives sans s'exposer à des sanctions civiles et pénales au Canada ;
- deux lois canadiennes faisaient obstacle à ce qu'il dépose les déclarations prévues par l'article 1649 AB du code général des impôts ;
- les stipulations de la convention fiscale franco-canadienne, en particulier du c) du 3. de l'article 26, font également obstacle à ce qu'il dépose ces déclarations ;
- l'application des dispositions de l'article 1649 AB du code général des impôts conduit à une méconnaissance des principes du droit international ;
- l'application des dispositions de l'article 1649 AB méconnaît le droit de l'Union européenne ;
- le respect des lois canadiennes constitue une contrainte insurmontable qui aurait dû l'exonérer du respect de ses obligations déclaratives.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 décembre 2020 et le 11 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
II - Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020 sous le n° 20PA01899, et des mémoires, enregistrés le 29 octobre 2020 et le 27 janvier 2021, M. D..., représenté par la SELAS Dyadeis, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1822764 du 9 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des amendes contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la circonstance qu'il ne pouvait satisfaire à ses obligations déclaratives sans s'exposer à des sanctions civiles et pénales au Canada ;
- deux lois canadiennes faisaient obstacle à ce qu'il dépose les déclarations prévues par l'article 1649 AB du code général des impôts ;
- les stipulations de la convention fiscale franco-canadienne, en particulier du c) du 3. de l'article 26, font également obstacle à ce qu'il dépose ces déclarations ;
- l'application des dispositions de l'article 1649 AB du code général des impôts conduit à une méconnaissance des principes du droit international ;
- l'application des dispositions de l'article 1649 AB méconnaît le droit de l'Union européenne ;
- le respect des lois canadiennes constitue une contrainte insurmontable qui aurait dû l'exonérer du respect de ses obligations déclaratives.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 décembre 2020 et le 11 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention du 2 mai 1975 entre la République française et le Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- et le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G... ;
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Fouchard, avocate de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. L'administration fiscale a mis à la charge de M. D..., résident canadien, l'amende alors prévue au IV bis de l'article 1736 du code général des impôts, du fait de l'absence, au titre de l'année 2012, de déclaration des informations mentionnées par l'article 1649 AB du code général des impôts, concernant les trusts " Jonction " et " Chaudière ", d'un montant correspondant à 5 % des biens ou droits placés dans ces trusts. En application de la décision du Conseil constitutionnel QPC n° 2016-618 du 16 mars 2017, l'administration fiscale a, par une décision d'admission partielle datée du 4 juillet 2019, procédé au dégrèvement des amendes ainsi infligées à M. D... et substitué à ces amendes, à raison de chacun des deux trusts en cause, l'amende forfaitaire de 10 000 euros alors prévue par les mêmes dispositions. Par ailleurs, l'administration fiscale a mis à la charge de M. D... des amendes, sur le fondement du IV bis de l'article 1736 du code général des impôts, du fait de l'absence, au titre des années 2013 à 2015, de déclaration des informations mentionnées par l'article 1649 AB du code général des impôts, concernant le trust " Oscar II ". M. D... relève appel des jugements par lesquels le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la décharge des amendes ainsi mises à sa charge.
Sur la jonction :
2. Les requêtes enregistrées sous les nos 20PA01898 et 20PA01899 ont été présentées par le même requérant et présentent à juger des questions semblables. Par suite, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité des jugements contestés :
3. Dans ses écritures de première instance, M. D... soutenait que les sanctions civiles et pénales auxquelles il aurait été exposé au Canada s'il avait transmis à l'administration fiscale française les renseignements prévus par l'article 1649 AB du code général des impôts faisaient obstacle à ce qu'il puisse satisfaire aux obligations déclaratives fixées par ces dispositions. Or, les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Dans ces conditions, M. D... est fondé à soutenir que les deux jugements contestés du tribunal administratif de Paris sont entachés d'une irrégularité et qu'ils doivent être annulés.
4. Il y a lieu, pour la Cour, de se prononcer par la voie de l'évocation sur les demandes présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur l'application de la loi interne :
5. D'une part, aux termes de l'article 1649 AB du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 : " L'administrateur d'un trust défini à l'article 792-0 bis dont le constituant ou l'un au moins des bénéficiaires a son domicile fiscal en France ou qui comprend un bien ou un droit qui y est situé est tenu d'en déclarer la constitution, la modification ou l'extinction, ainsi que le contenu de ses termes. / Il déclare également la valeur vénale au 1er janvier de l'année des biens, droits et produits mentionnés aux 1° et 2° du III de l'article 990 J [...] ". Aux termes du même article, dans sa rédaction issue de la loi n° 2113-1117 du 6 décembre 2013 : " L'administrateur d'un trust défini à l'article 792-0 bis dont le constituant ou l'un au moins des bénéficiaires a son domicile fiscal en France ou qui comprend un bien ou un droit qui y est situé est tenu d'en déclarer la constitution, le nom du constituant et des bénéficiaires, la modification ou l'extinction, ainsi que le contenu de ses termes. / [...] L'administrateur d'un trust déclare également la valeur vénale au 1er janvier de l'année des biens, droits et produits mentionnés aux 1° et 2° du III de l'article 990 J [...] ". Aux termes de l'article 792-0 bis du code général des impôts : " I. - 1. Pour l'application du présent code, on entend par trust l'ensemble des relations juridiques créées dans le droit d'un Etat autre que la France par une personne qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d'y placer des biens ou droits, sous le contrôle d'un administrateur, dans l'intérêt d'un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d'un objectif déterminé. / 2. Pour l'application du présent titre, on entend par constituant du trust soit la personne physique qui l'a constitué, soit, lorsqu'il a été constitué par une personne physique agissant à titre professionnel ou par une personne morale, la personne physique qui y a placé des biens et droits [...] ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 : " IV bis. - Les infractions à l'article 1649 AB sont passibles d'une amende de 10 000 € [...] ". Aux termes du même article, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 : " IV bis. - Les infractions à l'article 1649 AB sont passibles d'une amende de 20 000 € [...] ".
7. En vertu de ces dispositions, les administrateurs de trusts sont tenus de déclarer à l'administration fiscale les constitutions, modifications, ou extinctions de trusts, ainsi que, chaque année, les informations relatives aux biens, droits et produits placés dans les trusts et, à défaut de respecter ces obligations déclaratives, sont passibles d'une amende. Le constituant et les bénéficiaires réputés constituants du trust sont solidairement responsables du paiement de cette amende en application du 8 du V de l'article 1754 du même code.
8. En premier lieu, l'administration fiscale a relevé, sur la base des informations obtenues dans le cadre d'une demande d'assistance administrative, adressée le 18 décembre 2012 aux autorités canadiennes, que le trust " Jonction " avait fait l'objet d'une déclaration le 12 janvier 2007, faisant apparaître deux administrateurs (" trustees "), parmi lesquels M. D..., et indiquant que le premier bénéficiaire du trust était M. F... B... A... cet égard, le service a constaté, dans le cadre de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle de M. F... B..., résident fiscal français en application de l'article 4B du code général des impôts, qu'il avait perçu deux virements, le 16 avril 2012 et le 4 octobre 2012, s'élevant respectivement à 600 000 euros et à 300 000 euros, et apparaissant dans ses relevés bancaires sous l'objet " virement de jonction trust n° 1 ", l'intéressé ayant par ailleurs confirmé au vérificateur qu'il s'agissait de distributions de capital provenant du trust " Jonction ".
9. En deuxième lieu, l'administration fiscale a relevé, sur la base des informations obtenues dans le cadre d'une demande d'assistance administrative, adressée le 5 juin 2013 aux autorités canadiennes, que le trust " Chaudière " avait fait l'objet d'une déclaration le 12 mars 2007 ainsi que d'une déclaration de nomination des administrateurs le 12 mai 2010, faisant apparaître deux administrateurs (" trustees "), parmi lesquels M. D..., et indiquant que le premier bénéficiaire (" principal beneficiary ") du trust était Mme I... C... A... cet égard, le service a constaté, dans le cadre de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle de Mme I... C..., résidente fiscale française en application de l'article 4B du code général des impôts, que celle-ci avait perçu deux virements, le 27 mars 2012 et le 5 juillet 2012, s'élevant respectivement à 500 000 euros et à 400 000 euros, et figurant dans ses relevés bancaires sous les libellés " entrée de fonds/virement de Chaudière trust " et " Chaudière trust ", l'intéressée ayant par ailleurs confirmé au vérificateur qu'il s'agissait de distributions de capital provenant du trust " Chaudière ".
10. En troisième lieu, l'administration fiscale a relevé que l'acte constitutif du trust " Oscar II " indiquait, d'une part, qu'il a été constitué par Mme H... C... le 12 décembre 1986, d'autre part, que M. D... était un des administrateurs de ce trust, dont il a signé l'acte de constitution le 29 avril 2013. Elle précise par ailleurs que Mme H... C..., par ailleurs bénéficiaire de ce trust, s'est déclarée résidente fiscale française au titre des années 2012 à 2015.
11. Si M. D... soutient que ni Mme I... C... ni M. F... B..., qui n'auraient, selon lui, aucune " capacité contributive ", n'ont disposé de sommes provenant du trusts " Chaudière " et " Jonction ", il n'apporte aucune précision ni élément de preuve permettant de remettre en cause les informations figurant sur les déclarations de trust déposées auprès des autorités canadiennes, lesquelles sont confirmées tant par les mentions figurant sur les relevés bancaires de Mme I... C... et de M. F... B..., consultés au cours des examens contradictoires de leur situation fiscale personnelle, que par les indications fournies, dans le cadre de ces contrôles, par les intéressés, bénéficiaires effectifs de distributions de capital émanant des trusts en cause. Par ailleurs, le requérant ne conteste ni sa qualité d'administrateur des trusts " Chaudière " et " Jonction ", ni les circonstances que le trust " Oscar II " a été constitué par Mme H... C... et qu'il en était l'un des administrateurs. Enfin, il n'est pas davantage contesté que M. F... B..., Mme I... C... et Mme H... C... étaient résidents fiscaux français. Ainsi, et dès lors qu'il était administrateur de trois trusts dont le constituant ou l'un au moins des bénéficiaires était résident français, M. D... devait procéder, pour chacun de ces trusts, aux déclarations prévues par l'article 1649 AB du code général des impôts. A cet égard, la circonstance que les trusts " Chaudière ", " Jonction " et " Oscar II " auraient été discrétionnaires et irrévocables est sans incidence sur les obligations déclaratives incombant en l'espèce à M. D... en application de l'article 1649 AB du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a mis à la charge de M. D... les amendes prévues par le IV bis de l'article 1736 du code général des impôts s'agissant des trusts " Chaudière ", " Jonction " et " Oscar II ".
Sur l'application de la convention fiscale franco-canadienne :
12. Aux termes de l'article 2 de la convention fiscale franco-canadienne du 2 mai 1975 : " 1. La présente Convention s'applique aux impôts sur le revenu et sur la fortune perçus pour le compte de chacun des Etats contractants, quel que soit le système de perception. /2. Sont considérés comme impôts sur le revenu et sur la fortune les impôts perçus sur le revenu total, sur la fortune totale ou sur des éléments du revenu ou de la fortune, y compris les impôts sur les gains provenant de l'aliénation des biens mobiliers et immobiliers, les impôts sur le montant des salaires payés par les entreprises ainsi que les impôts sur les plus-values. /3. Les impôts actuels auxquels s'applique la Convention sont notamment :/a) En ce qui concerne le Canada, les impôts qui sont perçus par le Gouvernement du Canada en vertu de la loi de l'impôt sur le revenu (ci-après dénommés " impôt canadien ") ;/ b) En ce qui concerne la France, l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la taxe sur les salaires (régie par les dispositions de la Convention applicables, suivant les cas, aux bénéfices des entreprises ou aux revenus des professions indépendantes), l'impôt de solidarité sur la fortune, et toute retenue à la source, tout précompte ou avance décomptés sur ces impôts (ci-après dénommés " impôt français ")./4. Nonobstant les dispositions précédentes du présent article, les impôts actuels auxquels s'applique la Convention comprennent également, en ce qui concerne la France, les droits de mutation à titre gratuit, mais seulement pour l'application des articles 4, 23, 25 et 26 /5. La Convention s'applique aussi aux impôts de nature identique ou analogue qui seraient établis après la date de signature de la Convention et qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou qui les remplaceraient. Les autorités compétentes des Etats contractants se communiquent les modifications importantes apportées à leurs législations fiscales respectives ". Aux termes de l'article 26 de la même convention : " 1. Les autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des Etats contractants dans la mesure où l'imposition qu'elles prévoient n'est pas contraire à la Convention. L'échange de renseignements n'est pas restreint par les articles 1er et 2 / [...] / 3. Les dispositions des paragraphes 1 et 2 ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un Etat contractant l'obligation : / c) De fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l'ordre public [...] ".
13. En premier lieu, les amendes prévues par le IV bis de l'article 1736 du code général des impôts n'entrent pas dans le champ d'application de la convention fiscale franco-canadienne. En particulier, l'article 2 de cette convention ne mentionne, en aucune manière, l'amende visée par le IV bis de l'article 1736 du code général des impôts. A cet égard, les circonstances que les actifs d'un trust pouvaient être soumis au prélèvement prévu par l'article 990 J du code général des impôts et que, pour l'application cet article, ce prélèvement se substitue à l'impôt de solidarité sur la fortune en l'absence de déclaration régulière à ce titre sans se cumuler avec lui, sont - alors que ces deux impositions ne sont pas en litige en l'espèce - sans incidence sur le champ d'application de cette convention. Dès lors que les amendes visées par le IV bis de l'article 1736 n'entrent pas dans le champ d'application de la convention fiscale franco-canadienne, les circonstances que M. D... est résident canadien et que les trusts " Chaudière ", " Jonction " et " Oscar II " ont fait l'objet d'impositions fédérales et provinciales au Canada ne sauraient faire obstacle à ce que le requérant soit soumis à ces amendes.
14. En deuxième lieu, M. D... soutient que les revenus distribués par les trusts " Chaudière ", " Jonction " et " Oscar II ", ne peuvent être imposés en France, en application de la convention fiscale franco-canadienne. Toutefois, ces sommes ne sont pas en litige dans les présentes espèces, qui concernent les amendes mises à la charge de M. D... en application du IV bis de l'article 1736 du code général des impôts. A cet égard, le requérant ne peut se prévaloir de l'article 22 de la convention fiscale franco-canadienne, lequel stipule, en son 6, que " tous les autres éléments de la fortune d'un résident d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat ", et ne fait pas obstacle à ce qu'une amende pour non-déclaration d'informations relatives à un trust, telle que celle prévue par les dispositions du IV bis de l'article 1736 du code général des impôts, soit infligée à l'administrateur d'un trust.
15. En troisième lieu, l'article 26 de la convention fiscale franco-canadienne, qui régit les échanges d'informations entre les autorités françaises et canadiennes, ne fait pas obstacle à ce que l'administrateur d'un trust déclare ce trust dans les conditions prévues par l'article 1649 AB du code général des impôts. En particulier, les dispositions du c) du 3 de cet article, qui restreignent la fourniture, par les Etats parties, de " renseignements dont la communication serait contraire à l'ordre public ", ne sont, par nature, pas applicables à M. D....
16. Enfin, la circonstance que la convention fiscale franco-canadienne ne fixe pas les conditions dans lesquelles un administrateur de trust doit fournir des renseignements concernant ce trust ne faisait pas obstacle à l'application de l'article 1649 AB du code général des impôts, lequel définit de telles obligations.
Sur l'application du droit de l'Union européenne :
17. Si M. D... soutient que l'application de l'article 1649 AB méconnaîtrait le " droit de l'Union européenne ", il n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur les obstacles aux obligations déclaratives auxquels M. D... soutient avoir été confronté du fait de l'application du droit canadien :
18. M. D... soutient qu'il ne pouvait satisfaire aux obligations déclaratives fixées par l'article 1649 AB du code général des impôts s'agissant des trusts " Chaudière ", " Jonction " et " Oscar II " sans s'exposer, en application de deux lois canadiennes - à savoir la loi sur la protection des renseignements et les documents électroniques et la loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé - à des sanctions civiles et pénales au Canada.
19. Si une loi étrangère ne saurait faire obstacle, par elle-même, à l'application de la loi fiscale française, la circonstance que l'exécution d'une obligation déclarative fixée par la loi fiscale française puisse entraîner, en application d'une loi d'un autre Etat, des sanctions civiles ou pénales dans cet Etat, peut, dans le cas où elle constituerait un cas de force majeure, exonérer le contribuable d'une telle obligation.
20. En l'espèce, M. D... se prévaut notamment, au soutien de ses allégations, d'une note signée par une avocate au barreau de Québec, faisant état des sanctions que pourrait encourir, en vertu du droit canadien, l'administrateur d'un trust qui transmettrait des renseignements personnels relatifs aux bénéficiaires de ce trust. Toutefois, et alors au demeurant que M. D... n'allègue pas qu'il aurait sollicité en vain le consentement manifeste, libre et éclairé des bénéficiaires des trusts en litige, lequel aurait, selon cette note, permis une telle transmission, il n'établit pas, en tout état de cause, que les limitations, en matière de protection de la vie privée fixées, dans le droit canadien, par la loi sur la protection des renseignements et les documents électroniques et la loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, lesquelles sont entrées en vigueur, respectivement en 2000 et en 1994, soit bien antérieurement aux années en litige, auraient constitué une circonstance imprévisible. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été confronté à un cas de force majeure qui l'aurait empêché de satisfaire aux obligations déclaratives fixées par l'article 1649 AB du code général des impôts, lesquelles dispositions ne méconnaissent pas les " principes fondamentaux " du droit international. La circonstance qu'il aurait agi " de bonne foi " est à cet égard sans incidence. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur l'interprétation de la loi fiscale :
21. M. D... ne peut se prévaloir de la doctrine référencée BOI PAT-ISF 30-20-30, en son paragraphe 210, lequel porte sur le prélèvement prévu à l'article 990 J du code général des impôts.
22. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander la décharge des amendes en litige. Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements n°s 1923334 et 1822764 du 9 juin 2020 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... J... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 21 avril 2022, où siégeaient :
- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2022.
Le rapporteur,
K. G...La présidente,
C. VRIGNON-VILLALBA
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 20PA01898, 20PA01899