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09/05/2022 | FRANCE | N°21PA00628

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 09 mai 2022, 21PA00628


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du

6 novembre 2019 par laquelle le conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins a refusé de traduire devant la chambre disciplinaire de première instance d'Île-de-France de l'ordre des médecins le docteur D... F....

Par un jugement n° 1926931/6-1 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregi

strée le 5 février 2021, et un mémoire, enregistré le 6 avril 2022, Mme A..., représentée par Me Na...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du

6 novembre 2019 par laquelle le conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins a refusé de traduire devant la chambre disciplinaire de première instance d'Île-de-France de l'ordre des médecins le docteur D... F....

Par un jugement n° 1926931/6-1 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2021, et un mémoire, enregistré le 6 avril 2022, Mme A..., représentée par Me Nait Mazi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1926931/6-1 du 22 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 6 novembre 2019 du conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins ;

3°) d'enjoindre au conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins de

poursuivre l'action disciplinaire à l'encontre du docteur F... devant la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins d'Ile-de-France, et à défaut, de réexaminer sa plainte dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée n'est pas motivée ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- le docteur F... a commis une erreur de diagnostic en la diagnostiquant comme schizophrène ou bipolaire ;

- elle lui a en conséquence prescrit un médicament inadapté à sa pathologie et dangereux pour la santé ;

- ce médicament lui a été présenté comme de la simple vitamine et elle n'a pas été informée de ses graves effets secondaires, notamment quant à la prise de poids ;

- ces effets secondaires n'ont pas fait l'objet de surveillance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2021, le conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins, représenté par Me Ganem-Chabenet à laquelle a succédé

Me Piralian, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante sont inopérants ou infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cervello représentant le conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a consulté le docteur F..., médecin psychiatre exerçant au sein d'un centre médico-psychologique qui relevait alors de l'établissement public de santé " Maison blanche ", de décembre 2017 à février 2018. Lui reprochant d'avoir à tort diagnostiqué qu'elle était atteinte de schizophrénie ou de troubles bipolaires sans le lui dire et de lui avoir consécutivement prescrit de l'Olanzapine, médicament selon elle dangereux, en en minimisant les effets et sans l'avertir de ses effets secondaires et indésirables, notamment une prise de poids très importante, ni surveiller ceux-ci, elle s'est plainte de ce comportement auprès de l'établissement public de santé. Une expertise amiable a alors été diligentée par un médecin psychiatre à la demande de la SHAM, assureur de l'établissement et Mme A... a également reproché au docteur E..., lors de celle-ci, d'avoir violé le secret médical et méconnu l'obligation de confidentialité et le principe du contradictoire. Le 7 mai 2018, la requérante a saisi le conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins d'une plainte contre le docteur E.... La tentative de conciliation ayant échoué, par une délibération du 6 novembre 2019, le conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins a décidé de ne pas déférer le docteur E... devant la chambre disciplinaire de première instance de la région d'Ile-de-France de l'ordre des médecins. Mme A... relève appel du jugement du 22 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cette délibération.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique : " Il est constitué auprès de chaque conseil départemental une commission de conciliation composée d'au moins trois de ses membres. (...) / Lorsqu'une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l'auteur, en informe le médecin (...) mis en cause et les convoque dans un délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte en vue d'une conciliation. En cas d'échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l'avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte, en s'y associant le cas échéant. / (...) ".

3. Par dérogation à ces dispositions, l'article L. 4124-2 du code la santé publique prévoit, s'agissant des " médecins (...) chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre ", qu'ils " ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit (...) ". Lorsqu'il est saisi d'une plainte d'une personne qui ne dispose pas du droit de traduire elle-même un médecin devant la chambre disciplinaire de première instance, il appartient ainsi au conseil départemental de l'ordre des médecins, après avoir procédé à l'instruction de cette plainte, de décider des suites à y donner. Il dispose, à cet effet, d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte notamment de la gravité des manquements allégués, du sérieux des éléments de preuve recueillis ainsi que de l'opportunité d'engager des poursuites compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Les personnes et autorités publiques mentionnées à cet article ayant seules le pouvoir de traduire un médecin chargé d'un service public devant la juridiction disciplinaire à raison d'actes commis dans l'exercice de cette fonction publique, en la matière un conseil départemental de l'ordre des médecins exerce une compétence propre et les décisions par lesquelles il décide de ne pas déférer un médecin devant la juridiction disciplinaire peuvent faire directement l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative.

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 4127-112 du code de la santé publique :

" Toutes les décisions prises par l'ordre des médecins en application du présent code de déontologie doivent être motivées. / Celles de ces décisions qui sont prises par les conseils départementaux peuvent être réformées ou annulées par le conseil national soit d'office, soit à la demande des intéressés ; celle-ci doit être présentée dans les deux mois de la notification de la décision ". D'une part, les décisions visées par ces dispositions sont les décisions d'ordre administratif prises par les instances ordinales en application du code de déontologie des médecins, lesquelles ne comprennent pas les décisions que ces instances peuvent prendre en matière disciplinaire, comme celles qui sont mentionnées aux articles L. 4124-2 et L. 4123-2 du code de la santé publique, cités aux points précédents. D'autre part, lorsque l'attention du conseil départemental de l'ordre des médecins a été appelée, par un particulier, sur un acte réalisé, au titre de ses fonctions publiques, par un médecin chargé d'un service public, la décision par laquelle cette autorité retient qu'il n'y a pas lieu de traduire ce médecin devant la juridiction disciplinaire, laquelle procède ainsi qu'il a été dit de l'exercice du large pouvoir d'appréciation dont il dispose quant à l'opportunité d'engager une telle procédure, ne constitue pas, à l'égard du particulier concerné, une décision administrative individuelle défavorable, au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Ainsi, elle n'a pas à être motivée en application de cet article. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision litigieuse doit être écarté comme inopérant.

5. En deuxième lieu, Mme A... a saisi le conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins en lui demandant d'engager une action disciplinaire à raison des faits reprochés au docteur E..., rappelés au point 1 du présent arrêt. L'établissement d'un diagnostic à l'issue de plusieurs consultations et après constat de ce que Mme A... souffrait d'un " envahissement idéique " et de troubles de la personnalité, relevant d'une appréciation d'ordre technique, la contestation soulevée quant à son établissement et dont il n'est pas établi qu'il n'aurait pas été communiqué à la requérante, ne saurait être qualifié de manquement aux règles déontologiques. Il ressort ensuite des pièces du dossier, et notamment du rapport établi dans le cadre de l'expertise amiable susmentionnée, que le neuroleptique prescrit consécutivement à Mme A... était adapté, tant dans sa nature que dans la posologie indiquée, en conséquence de quoi l'état de santé de l'intéressée s'est amélioré à telle enseigne que, lors de la consultation du 9 février 2018, la patiente a demandé au praticien l'augmentation des doses prescrites. S'agissant de ses caractéristiques et de ses éventuels effets secondaires, notamment la prise de poids, à supposer que le docteur F... ne les ait pas évoqués, Mme A... pouvait en tout état de cause en être informée en lisant la notice fournie par le fabriquant du médicament.

6. Enfin, si la requérante fait grief dans un second temps au docteur F... d'avoir communiqué a` l'expert mandate´ par la SHAM un rapport dans lequel elle aurait divulgue´ des confidences qu'elle lui avait faites se rapportant à des traumatismes vécus alors qu'elle était mineure et, ce que faisant, violé le secret médical, il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, que Mme A... en a expressément accepté la transmission à l'expert et, d'autre part, qu'après avoir pris connaissance dudit rapport, elle n'en a pas demandé la suppression. En tout état de cause, ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, il n'est pas établi que cette communication à des tiers aurait été effectuée par le docteur F..., laquelle a pris soin d'adresser le dossier médical de la patiente directement à l'expert, médecin également tenu par la même obligation déontologique. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que les comportements reprochés dans le courrier du 7 mai 2018 ne justifiaient pas la saisine de la chambre disciplinaire de première instance d'une plainte dirigée contre ce médecin.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction de Mme A... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par cette dernière ne peuvent dès lors être accueillies.

10. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelante la somme demandée par le conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins.

Délibéré après l'audience publique du 11 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mai 2022.

Le rapporteur,

M-D B...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce que le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00628


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00628
Date de la décision : 09/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : GANEM CHABENET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-09;21pa00628 ?
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