Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 31 552,16 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts à compter de sa demande préalable, correspondant aux différentes indemnités dont elle a été illégalement privée à compter de sa mise à disposition de l'agence européenne de l'environnement ou à la réparation du préjudice résultant de promesses non tenues relatives au montant de sa rémunération après sa mise à disposition.
Par un jugement n° 1901601/5-2 du 17 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui verser la somme de 160,78 euros, assortie des intérêts à compter du 16 novembre 2018 ainsi que de la capitalisation des intérêts, a mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 septembre 2020 et le 20 avril 2021, Mme C..., représentée par la SCP Gros, Hicter, d'Halluin et associés puis par la SELARL Bestaux, Bonvoisin, Matray, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1901601/5-2 du 17 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 56 889 euros en plus de la somme obtenue en première instance, assortie des intérêts moratoires de droit à compter de la réclamation préalable avec capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est fondée à mettre en jeu la responsabilité de l'Etat à raison de la faute commise et résultant du non versement de différentes indemnités à compter de sa mise à disposition de l'agence européenne de l'environnement ; en effet, le décret du 28 mars 1967 n'est pas applicable à sa situation dès lors qu'elle ne peut pas être regardée comme agent en service à l'étranger au sens de l'article 18 du décret du 28 mars 1967 ; en outre, elle peut prétendre au maintien de sa rémunération en application de l'article 17 de la décision de la Commission européenne du 12 novembre 2008 relative au régime applicable aux experts nationaux détachés et aux experts nationaux en formation professionnelle auprès des services de la Commission ;
- elle est également fondée à mettre en jeu la responsabilité de l'Etat pour promesse non tenue.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que la demande indemnitaire préalable de Mme C... lui a été adressée à tort alors que seul le ministère de la transition écologique est compétent pour y répondre ;
- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la décision de la Commission européenne du 12 novembre 2008 relative au régime applicable aux experts nationaux détachés et aux experts nationaux en formation professionnelle auprès des services de la Commission ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger ;
- le décret n° 2010-1568 du 15 décembre 2010 relatif à l'indemnité mensuelle de technicité des personnels des ministères économique et financier ;
- l'arrêté du 2 mai 2002 relatif à l'allocation complémentaire de fonctions en faveur de certains personnels techniques du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ;
- l'arrêté du 17 décembre 2015 portant application aux agents des ministères en charge de l'écologie et du logement à l'exception des agents relevant de la direction générale de l'aviation civile des dispositions du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ingénieure de l'industrie et des mines affectée au ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, a été mise à disposition de l'agence européenne de l'environnement en qualité d'experte nationale pour une durée d'un an par un arrêté du 15 mai 2017 du ministre de l'économie et des finances, renouvelé pour la même durée par un arrêté du 15 juin 2018. Après avoir adressé le 13 novembre 2018 une demande indemnitaire préalable à l'administration, Mme C... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'un recours indemnitaire tendant à obtenir la somme de 31 552,16 euros correspondant au non-versement de certaines indemnités à compter de sa mise à disposition le 1er juillet 2017. Par un jugement du 17 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme C... la somme de 160,78 euros correspondant à la perte du supplément familial de traitement sur deux mois et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la responsabilité de l'Etat pour méconnaissance du droit communautaire et du droit interne :
2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 : " La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce des fonctions hors du service où il a vocation à servir. " Aux termes de l'article 42 de cette même loi : " I.- La mise à disposition est possible auprès : (...) 7° D'une institution ou d'un organe de l'Union européenne ; (...) ".
3. En premier lieu, Mme C... fait valoir qu'à compter de sa mise à disposition auprès de l'agence européenne de l'environnement, il a été illégalement mis fin au versement de l'allocation complémentaire de fonctions, prévue par les dispositions de l'arrêté du 2 mai 2002 relatif à l'allocation complémentaire de fonctions en faveur de certains personnels techniques du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et de l'indemnité mensuelle de technicité, en application des dispositions du décret du 15 décembre 2010 relatif à l'indemnité mensuelle de technicité des personnels des ministères économique et financier, qui lui étaient versées lorsqu'elle était affectée au sein du ministère de l'écologie et de la transition écologique.
4. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 28 mars 1967 : " Le présent décret fixe les modalités de calcul des émoluments des personnels civils employés par l'Etat ou les établissements publics à caractère administratif en dépendant et en service à l'étranger, à l'exception : / - des personnels régis par le décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002 modifié relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger ; - des personnels contractuels recrutés à l'étranger sur des contrats de travail soumis au droit local. / Des arrêtés conjoints du ministre d'Etat chargé de la réforme administrative, du ministre de l'économie et des finances et du ministre des affaires étrangères pris sur proposition du ministre intéressé préciseront, pour chaque ministère, les grades et emplois des personnels ainsi que les pays étrangers auxquels les dispositions du présent texte sont applicables. Ces arrêtés pourront également préciser les conditions dans lesquelles les personnels visés ci-dessus doivent être recrutés pour bénéficier des dispositions du présent décret. ". Aux termes de l'article 18 du même décret : " La présence au poste est la situation de l'agent qui, affecté dans un poste ou un emploi situé dans un pays étranger, l'occupe effectivement. Le droit à la totalité des émoluments à l'étranger est acquis à l'agent pendant la durée de sa présence au poste. Cette durée se mesure du jour inclus de l'arrivée de l'agent au poste jusqu'au jour inclus de la cessation du service. / (...) "
5. Il résulte de l'instruction que Mme C... a été mise à disposition auprès de l'agence européenne de l'environnement à compter du 1er juillet 2017 et était à compter de cette date affectée à un emploi situé au Danemark. Contrairement à ce qu'elle soutient, Mme C... est donc en service à l'étranger au sens de l'article 1er du décret du 28 mars 1967. En outre, il n'est pas contesté que Mme C... ne relève pas des exceptions définies à l'article 1er de ce même décret. Enfin, contrairement à ce qu'elle soutient, par un arrêté interministériel du 17 décembre 2015 portant application aux agents des ministères en charge de l'écologie et du logement à l'exception des agents relevant de la direction générale de l'aviation civile des dispositions du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger, qui a notamment été appliqué à la requérante pour calculer le montant de l'indemnité de résidence dont elle bénéficie, les conditions d'application du décret du 28 mars 1967 ont été définies en application de l'article 1er précité. Ainsi, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne relève pas de l'application du décret du 28 mars 1967.
6. D'autre part, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. / Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu, ou de l'emploi auquel il a été nommé ". Si Mme C... soutient qu'elle est fondée à percevoir le versement des indemnités en litige en application de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 dès lors qu'elle a été mise à disposition de l'agence européenne de l'environnement, les indemnités pouvant s'ajouter au traitement pour les agents en service à l'étranger sont limitativement fixées par les décrets du 28 mars 1967 qui définissent les éléments de rémunération des agents en service à l'étranger. Or, l'article 2 de ce décret qui fixe, de manière limitative, l'ensemble des émoluments auxquels l'agent a alors droit, ne vise ni l'indemnité mensuelle de technicité, ni l'allocation complémentaire de fonctions. Mme C... n'est donc pas fondée à soutenir que l'administration a méconnu le droit national en refusant de lui verser les indemnités sollicitées.
7. En second lieu, aux termes de l'article 17 de la décision du 12 novembre 2008 de la Commission européenne relative au régime qui s'applique aux experts nationaux détachés (END) : " L'article 17 de cette décision est relatif aux indemnités de séjour : " 1. L'END a droit, pour la durée de son détachement, à une indemnité de séjour journalière et à une indemnité de séjour mensuelle (...) 6. Ces indemnités sont destinées à couvrir, sur une base forfaitaire les frais de séjour des END au lieu de détachement ; elles ne doivent en aucun cas être considérées comme une rémunération versée par la Commission. Avant le détachement, l'employeur certifie auprès de la direction générale du personnel et de l'administration que, pendant le détachement, il maintiendra le niveau de rémunération que l'END percevait au moment de son détachement. / L'END informe la direction générale du personnel et de l'administration de toute indemnité ayant la même finalité perçue par ailleurs. Le montant de celle-ci est déduit des indemnités de séjour versées par la Commission. La Commission, sur demande dûment justifiée de l'employeur, peut décider de ne pas procéder à cette déduction. ".
8. L'application des dispositions de droit interne précitées aux points 4 à 6 du présent arrêt n'a pas pour objet de fixer la rémunération de la requérante à un niveau inférieur au montant perçu avant sa mise à disposition. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 17 de la décision du 12 novembre 2008 doit donc être écarté.
9. En troisième lieu, le principe d'égalité des agents appartenant à un même corps ne fait pas obstacle à ce qu'ils soient traités différemment lorsque cette discrimination se fonde sur l'existence de conditions différentes d'exercice de leurs fonctions par les intéressés. Le décret du 28 mars 1967 n'a pas introduit de discrimination illégale au détriment des ingénieurs du corps de l'industrie et des mines en ne prévoyant pas qu'ils bénéficiaient d'une allocation spécifique de fonctions et d'une indemnité mensuelle de technicité dès lors qu'ils n'exercent pas leurs fonctions dans des conditions analogues à celles de leurs collègues affectés sur le territoire français. En outre, si la requérante soutient que des collègues affectés à l'étranger ont bénéficié du maintien de leur allocation spécifique de fonctions et de leur indemnité mensuelle de technicité, elle n'apporte aucun élément de nature à établir ni la réalité de ses allégations, ni que ces agents seraient dans une situation de fait et de droit analogue à la sienne
Sur la responsabilité de l'Etat pour promesse non tenue :
10. Si la requérante soutient que l'Etat n'a pas tenu son engagement de continuer à lui verser l'indemnité mensuelle de technicité et l'allocation complémentaire de fonctions, les éléments produits ne permettent pas à établir que l'administration se serait engagée à continuer de lui verser ses indemnités.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme C..., sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui n'a pas présenté d'appel incident, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2022.
La rapporteure,
E. A...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02731