Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Free mobile a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler, d'une part, l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le maire de la commune de Bobigny a refusé de lui délivrer un permis de construire autorisant la construction d'un pylône de téléphonie mobile sur un terrain situé 1 rue du Chemin de Fer (parcelle cadastrée E 175) et, d'autre part, l'arrêté du 5 février 2020 par lequel le maire de la commune de Bobigny a refusé de lui délivrer un permis de construire autorisant la même construction sur la même parcelle.
Par un jugement n°s 1912726-2003654 du 3 mars 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre l'arrêté du 20 septembre 2019.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 avril 2021, un mémoire enregistré le 13 novembre 2021, la société Free mobile, représentée par Me Martin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1912726-2003654 du 3 mars 2021 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 20 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le maire de la commune de Bobigny a refusé de lui délivrer un permis de construire autorisant la construction d'un pylône de téléphonie mobile sur un terrain situé 1 rue du Chemin de Fer (parcelle cadastrée E 175) ;
3°) d'enjoindre à la commune de Bobigny de lui délivrer le permis de construire sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de commune de Bobigny le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, sa motivation étant erronée en droit ;
- l'arrêté litigieux a été signé par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté prononce le retrait illégal d'une autorisation pourtant tacitement accordée, en méconnaissance de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018 ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation relativement à l'insertion du projet dans le site.
Par des mémoires en défense enregistrés le 25 octobre 2021 et le 16 novembre 2021, la commune de Bobigny, représenté par Me Lherminier (Cabinet Seban et associés) conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 4 000 euros à la charge de la société requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,
- et les observations de Me Herpin, avocat de la commune de Bobigny.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 20 septembre 2019, le maire de la commune de Bobigny a refusé d'accorder à la société Free Mobile un permis de construire autorisant la construction d'un pylône de téléphonie mobile sur un terrain situé au 1 rue du Chemin de Fer. Par une ordonnance
n° 1914186 du 10 janvier 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, suspendu l'exécution de cette décision, aux motifs que les moyens tirés de l'incompétence de son signataire et de l'erreur d'appréciation entachant le motif tiré de la méconnaissance de l'article UEb 11.1 du plan local d'urbanisme paraissaient de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée et, d'autre part, enjoint à la commune de réexaminer cette demande dans le délai d'un mois. Par un arrêté du 5 février 2020, le maire de Bobigny a de nouveau refusé de lui accorder le permis de construire sollicité. Saisi par la société Free Mobile aux fins d'annulation des arrêtés de refus des 20 septembre 2019 et du 5 février 2020, le tribunal administratif de Montreuil, par un jugement du 3 mars 2021, a partiellement fait droit à cette demande en prononçant l'annulation de l'arrêté du 5 février 2020. La société Free Mobile relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le moyen tiré de ce que la motivation du jugement attaqué serait erronée en droit relève, non de la régularité du jugement, mais de son bien-fondé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'incompétence de l'auteur de l'arrêté litigieux :
3. Comme l'ont relevé les premiers juges, le maire de Bobigny a, par les articles 1er et 2 de son arrêté du 6 mars 2019, affiché et transmis au contrôle de légalité, délégué sa signature à M. B... A..., premier adjoint, pour signer " tous actes se rapportant (...) à l'urbanisme ", dont relèvent les décisions de refus de permis de construire. Par suite, et dès lors que l'arrêté attaqué a été signé sur le fondement de cet arrêté de délégation et non, comme le soutient la société requérante, sur celui d'un arrêté du 22 juin 2018, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne la motivation de l'arrêté litigieux :
4. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. "
5. En l'espèce, et comme l'ont relevé les premiers juges, l'arrêté contesté expose dans ses visas la substance intégrale des dispositions de l'article UE 11.1 du plan local d'urbanisme de la commune relatives à l'aspect extérieur des constructions et leur insertion dans le site, puis mentionne que le projet de construction d'un pylône situé dans le périmètre de protection modifié de l'ancienne gare de déportation ne respecte pas les règles fixées par ces dispositions. Ainsi, et alors même que la motivation ne procède pas à un examen formel, dans un premier temps, de la qualité du site puis, dans un second temps, de l'impact du projet sur le site, la société Free Mobile a pu aisément comprendre, à la seule lecture de l'arrêté, le motif du refus tiré de ce que le projet ne s'insère pas dans le site en raison de la proximité de l'ancienne gare de déportation. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté litigieux manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne le retrait illégal d'une autorisation tacitement accordée :
6. Aux termes de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " À titre expérimental, par dérogation à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme et jusqu'au 31 décembre 2022, les décisions d'urbanisme autorisant ou ne s'opposant pas à l'implantation d'antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d'accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées. ". La société requérante soutient que l'arrêté litigieux lui a été notifié le 27 septembre 2019, soit après l'expiration du délai d'instruction de quatre mois et alors elle était bénéficiaire d'un permis de construire tacite et que, par suite, cet arrêté doit être regardé comme une décision de retrait prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018.
7. Aux termes de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme : " À défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / (...) / b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite. ". Aux termes de l'article R. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. ". En vertu du quatrième alinéa (c) de l'article R. 423-24 du même code, le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques. Aux termes de l'article R. 423-38 de ce code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article
R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. ". En vertu de l'article R. 423-39 dudit code, le délai d'instruction commence à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. Enfin, aux termes de l'article R. 423-47 du même code : " Lorsque les courriers sont adressés au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'intéressé est réputé en avoir reçu notification à la date de la première présentation du courrier. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le délai d'instruction du permis de construire a été valablement interrompu par une demande de communication de pièces manquantes à laquelle il a été répondu par la société Free Mobile. Si la société requérante soutient que sa réponse à la demande de communication doit être réputée avoir été reçue le 25 mai 2019, date de la première présentation du pli, en application des dispositions précitées de l'article R. 423-47 du code de l'urbanisme, il ressort toutefois de leur texte même qu'elles ne sont applicables qu'aux courriers adressés aux pétitionnaires.
9. Par suite, la réponse de la société requérante ayant été reçue le 27 mai 2019, le maire de la commune pouvait valablement, comme elle le soutient sans être contredite sur ce point, lui notifier son arrêté le 27 septembre 2019. Il en résulte que la société Free Mobile n'ayant pas été titulaire d'un permis de construire tacite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux méconnait les règles de retrait fixées par l'article 222 précité.
En ce qui concerne l'implantation du projet au regard des lieux avoisinants :
10. Aux termes de l'article UE 11.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Bobigny : " Les constructions, installations nouvelles, aménagements et extensions doivent, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou leur aspect extérieur respecter le caractère et l'intérêt des lieux avoisinants, des sites et des paysages naturels et urbains locaux.".
11. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel ou urbain de nature à fonder le refus de permis de construire, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou urbain sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
12. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux se situe sur le terrain d'assiette d'une entreprise négociante en bois comportant essentiellement des entrepôts, et qu'il jouxte immédiatement le site de l'ancienne gare de déportation de Bobigny dont l'emprise au sol, le bâtiment de la gare, deux édicules, le pylône d'éclairage, la radio sol-train, le faisceau des voies ferrées et la halle à marchandises sont inscrits sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Il est constant que ce site, qui constitue un lieu de mémoire et d'histoire de la déportation, présente un intérêt patrimonial certain et un caractère symbolique indiscutable. Le projet prévoit la construction d'un pylône de téléphonie mobile de forme cylindrique, de type " cheminée ", d'une hauteur de 20 mètres en acier galvanisé et de teinte grise, dont l'implantation est prévue à proximité immédiate de la limite séparative du site de l'ancienne gare de déportation, et notamment à quelques mètres des voies ferrées et de la halle aux marchandises, et qui sera aisément visible à partir de tout point du site dès lors en outre qu'elle constitue la seule émergence de l'environnement proche, où aucun bâtiment n'est haut de plus d'un étage. Ainsi, en raison de la dimension mémorielle de ce site, le maire de Bobigny a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation et d'erreur de droit au regard des dispositions réglementaires citées au point 10, retenir que le projet, compte tenu des partis retenus simultanément quant à sa situation, son architecture, ses dimensions et son aspect extérieur, ne respectait pas le caractère et l'intérêt du site de l'ancienne gare de déportation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que société Free mobile n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le maire de la commune de Bobigny a refusé de lui délivrer un permis de construire autorisant la construction d'un pylône de téléphonie mobile sur un terrain situé 1 rue du Chemin de Fer (parcelle cadastrée E 175). Ses conclusions d'appel qui tendent à l'annulation dudit jugement et de cet arrêté doivent donc être rejetées, en ce comprises ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais du litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Free mobile, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge le versement à commune de Bobigny d'une somme de 1 500 sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Free mobile est rejetée.
Article 2 : La société Free mobile versera à la commune de Bobigny une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à société Free mobile et à la commune de Bobigny.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 avril 2022.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLe président,
J. LAPOUZADE La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne préfet de Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02320