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19/04/2022 | FRANCE | N°21PA03849

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 avril 2022, 21PA03849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du

11 septembre 2018 par laquelle le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France l'a radié du tableau de l'ordre des architectes, ainsi que la décision implicite de rejet opposée par le ministre de la culture à son recours hiérarchique formé le 15 octobre 2018.

Par un jugement n°1901005 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision implicite de rejet opposée par le min

istre de la culture au recours hiérarchique formé par

M. A... contre la décision en d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du

11 septembre 2018 par laquelle le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France l'a radié du tableau de l'ordre des architectes, ainsi que la décision implicite de rejet opposée par le ministre de la culture à son recours hiérarchique formé le 15 octobre 2018.

Par un jugement n°1901005 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision implicite de rejet opposée par le ministre de la culture au recours hiérarchique formé par

M. A... contre la décision en date du 11 septembre 2018, par laquelle le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France l'a radié du tableau de l'ordre des architectes et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2021 et un mémoire en réplique enregistré

14 octobre 2021, la ministre de la culture demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé sa décision implicite de rejet ;

2°) de rejette la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs D... lors qu'il relève que

M. A... a fait l'objet d'une condamnation pénale à 22 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de son épouse, elle-même architecte, pour conclure que ces faits n'ont aucun lien avec la profession d'architecte et ne sont pas susceptibles de jeter le discrédit sur la profession en cause ;

- si le CROA n'a pas suspendu ou radié immédiatement de son tableau M. A... D... la révélation des faits, c'est en vertu du respect de la présomption d'innocence dont bénéficiait l'architecte ;

- les faits reprochés à M. A... sont susceptibles de jeter le discrédit sur la profession et révèlent une méconnaissance des exigences inhérentes à son exercice, en violation de l'article 10 de la loi du 3 janvier 1977, eu égard notamment à la réputation de l'intéressé, à la gravité des faits et de leur médiatisation ;

- l'emprisonnement de M. A... l'empêche de disposer des moyens nécessaires à l'exercice de ses obligations professionnelles conformément à l'article 3 de la loi du 3 janvier 1977 ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, ni le CROA ni la ministre de la culture ne se sont fondés exclusivement sur la condamnation pénale de M. A... pour prononcer sa radiation du tableau ; il y a lieu de substituer ce motif ainsi que celui tiré de la privation de ses droits civils de M. A..., à celui initialement retenu pour fonder la décision litigieuse ;

Par des mémoires en défense enregistrés le 7 septembre 2021 et le 3 novembre 2021 et des pièces complémentaires enregistrées les 23 et 24 mars 2022, M. A... représenté par Me Monod conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à la mise à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire d'intervention volontaire enregistré le 1er octobre 2021, le Conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France représenté par Me Bernier conclut à l'annulation du jugement attaqué.

Il fait siens les moyens de la ministre de la culture.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture ;

- le décret n° 77-1481 du 28 décembre 1977 sur l'organisation de la profession d'architecte ;

- le règlement intérieur de l'ordre des architectes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Monod, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., inscrit au tableau de l'ordre des architectes depuis le 6 septembre 1984, a été condamné pour le meurtre de son épouse commis en août 2011 à une peine de 22 ans de réclusion criminelle par une décision définitive du 13 octobre 2016 de la cour d'assises d'appel des Alpes-Maritimes. Par une décision du 11 septembre 2018, le conseil régional d'ordre des architectes d'Ile-de-France (CROA) l'a radié du tableau de l'ordre des architectes " pour absence de garantie de moralité ". Le recours hiérarchique exercé le 15 octobre 2018 auprès du ministre de la culture a fait naître une décision implicite de rejet dont M. A... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Melun. La ministre de la culture relève appel du jugement du 7 mai 2021 par lequel le tribunal a annulé sa décision.

[0]

2. D'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (..); 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de

droits ; ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 56 du règlement intérieur de l'ordre des architectes relatif à la [0]radiation administrative : " Lorsque les conditions d'inscription cessent d'être remplies, le Conseil régional procède à la radiation administrative de l'intéressé. a) Intervention de la radiation administrative. Le Conseil régional prend une décision de radiation de lui-même dans les cas suivants (...) - absence des garanties de moralité (...) La décision de radiation administrative doit être motivée. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que par sa décision implicite de rejet, le ministre s'est approprié les motifs de la décision du conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France qui indique que M. A... a fait l'objet d'une condamnation pour meurtre rendue le 7 novembre 2014 par la cour d'assises du Var, que la cour d'appel d'assises des Alpes-Maritimes a confirmé cette condamnation dans un arrêt daté du 13 octobre 2016, que la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le 11 juillet 2017 le pourvoi formé par M. A..., que par un courrier du 28 août 2018, M. A... a informé le Conseil avoir formé un recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, que ce recours n'est pas suspensif et n'annule pas la condamnation dont M. A... fait l'objet, que M. A... ne remplit plus les garanties de moralité nécessaires à son inscription au tableau de l'ordre des architectes et que, par ces motifs, le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France réuni en séance du 11 septembre 2018 prononce sa radiation administrative du tableau de l'ordre des architectes. Une telle motivation, qui se borne à se référer à la condamnation de M. A..., si lourde soit elle, sans indiquer dans quelle mesure les faits ayant donné lieu à cette condamnation pénale étaient susceptibles de jeter le discrédit sur la profession d'architecte ou révèleraient une méconnaissance des exigences inhérentes à son exercice, est insuffisante.

5. Si la ministre de la culture demande à la Cour de procéder à une substitution du motif de la décision litigieuse, cette éventuelle substitution ne saurait, en tout état de cause, remédier au vice de forme résultant de l'insuffisance de motivation de cette décision.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la culture n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé sa décision.

Sur les frais de l'instance :

Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ministre de la culture, la somme que demande M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la ministre de la culture est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la culture, à M. B... A... et au Conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.

La présidente-rapporteure,

M. C...L'assesseure la plus ancienne,

M.D. JAYERLe greffier,

E. MOULINLa République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03849


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03849
Date de la décision : 19/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : AARPI GIDE-LOYRETTE-NOUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-19;21pa03849 ?
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