Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... D... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2018 par lequel la garde des sceaux, ministre de la justice, a déclaré vacant l'office notarial dont M. H... B... était titulaire jusqu'au 28 juin 2017 et a ouvert la procédure de candidature prévue à l'article 56 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 modifié et de déclarer nulle toute décision qui pourrait être ou avoir été mise en œuvre à partir de cet arrêté, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2018 par lequel la garde des sceaux, ministre de la justice, a nommé Mme F... C..., notaire à la résidence de Paris dans un office vacant, enfin, d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2019 par lequel la garde des sceaux, ministre de la justice, a mis fin aux fonctions de Mme E... J... en qualité de notaire salarié au sein de l'office de notaire dont est titulaire Mme F... C..., a accepté la démission de Mme F... C..., a nommé la société par actions simplifiée "BHL Notaires" notaire à la résidence de Paris en remplacement de Mme C..., et a nommé Mme F... C... et Mme E... J... notaires associées.
Par un jugement n° 1802209-1906759-2001396 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 mai 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le
30 juillet 2021 et des mémoires en réplique enregistrés le 16 mars 2022 et le 22 mars 2022,
M. G... D..., représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à l'ensemble de ses demandes présentées devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité dès lors que sa minute ne comporte pas les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- ce jugement a méconnu le principe du contradictoire consacré par l'article L. 5 du code de justice administrative, dès lors qu'il se fonde sur la convention conclue entre Me A... et M. B..., document qui n'a pas été versé au dossier ;
- ce jugement est entaché d'une omission à statuer sur l'exception d'illégalité de l'article 4 de l'arrêté du 28 novembre 2017 dans sa version applicable à la date du 12 avril 2018, soulevée dans le mémoire en réplique du dossier n°1906759 ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que le traité conclu entre Me A... et lui-même se trouvait nécessairement frappé de caducité du fait de la signature du traité de cession conclu avec
M. B... au motif que le Garde de Sceaux n'aurait plus été saisi de la demande d'agrément de
M. D... une fois prononcée la nomination de M. B... dès lors qu'aucune résiliation expresse de la convention conclue entre Me A... et lui-même n'était intervenue ; à supposer même que le tribunal ait considéré que Me A... devait être regardé comme ayant renoncé à ses effets en concluant une nouvelle convention avec M. B..., l'annulation de l'agrément de ce dernier a nécessairement eu pour effet de conduire Me A... à renoncer aux effets de cette seconde convention ; I... se trouvait bien ressaisi de sa demande et il lui appartenait de se prononcer sur le bien-fondé de celle-ci avant de pouvoir déclarer l'office vacant ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 23 juillet 2010 au motif que le Conseil d'Etat avait refusé de faire droit aux conclusions à fin d'injonction qu'il avait présentées dans sa décision n° 377190 du 28 septembre 2016, circonstance qui ne faisait nullement obstacle à ce que I... réexamine sa demande ;
- l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2018 déclarant vacant l'office de Me B... entraîne par voie de conséquence celle des arrêtés des 11 octobre 2018 et 25 novembre 2019 ;
- en outre, c'est à tort que le tribunal a considéré que la procédure de tirage au sort ayant conduit à la désignation de Mme C... a été régulière alors qu'à supposer que l'article 4 de l'arrêté du 28 novembre 2017 ait permis à des candidats de déposer autant de demandes que d'associations envisagées, il organisait un contournement manifeste de l'interdiction de pluralité des candidatures ;
- le refus du garde des sceaux l'a privé de l'exécution effective d'une décision de justice, en violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2021, I..., ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le jugement est régulier et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 décembre 2021, Mme F... C..., Mme E... J... et la société BHL Notaires, représentés par Me Boulay, concluent à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire à ce que la Cour diffère d'au moins une année les effets d'une annulation et, dans tous les cas, à la condamnation de M. D... à leur verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que le jugement est régulier et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme F... C... Mme E... J... et la société BHL Notaires ont produit un mémoire en duplique enregistré le 24 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat,
- le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 modifié relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,
- et les observations de Me Brecq-Coutant, représentant M. D... et de Me Boulay, représentant Mme C..., Mme J... et la société BHL Notaires.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 1er juin 2006, I..., ministre de la justice, a rejeté la demande d'agrément de M. D... en qualité de successeur de M. A... notaire à Paris dans le 14ème arrondissement et, par un arrêté du 22 octobre 2007, a nommé M. B..., en remplacement de
M. A.... La décision du 1er juin 2006 a été annulée par un jugement du 23 juillet 2010, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 26 mars 2012 devenu définitif. Par une décision du 28 septembre 2016, le Conseil d'État a prononcé l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2007 portant nomination de M. B..., à l'expiration d'un délai de neuf mois à compter de sa décision. Par un arrêté du 16 janvier 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice, a déclaré vacant l'office de M. B... et ouvert la procédure de candidature prévue à l'article 56 du décret du
5 juillet 1973 modifié relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire. Par trois requêtes, M. D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2018 ainsi que l'arrêté du 11 octobre 2018 par lequel la garde des sceaux a nommé Mme F... C... notaire à la résidence de Paris dans un office vacant et l'arrêté du 25 novembre 2019 par lequel la garde des sceaux a mis fin aux fonctions de Mme E... J... en qualité de notaire salariée au sein de l'office de notaire dont est titulaire Mme F... C..., a accepté la démission de Mme F... C..., a nommé la société par actions simplifiée "BHL Notaires" notaire à la résidence de Paris en remplacement de Mme C..., et a nommé Mme F... C... et Mme E... J... notaires associées.
M. D... relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal a rejeté ses trois demandes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, si M. D... soutient dans sa requête sommaire que le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité dès lors que sa minute ne comporte pas les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative, il ressort des pièces du dossier que ce moyen manque en fait.
3. En deuxième lieu, si M. D... soutient que ce jugement a méconnu le principe du contradictoire consacré par l'article L. 5 du code de justice administrative dès lors qu'il se fonde sur la convention conclue entre M. A... et M. B... qui n'a pas été versée au dossier, il ressort du point 4 du jugement attaqué que s'il fait référence au traité de cession conclu entre M. A... et M. B... le 12 décembre 2006, modifié par avenants du 3 mai et 17 septembre 2007, le tribunal ne se fonde pas sur le contenu de cette convention mais sur son existence même qui n'est pas discutée par les parties. Par suite, le moyen doit être écarté.
4. M. D... soutient enfin que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer sur l'exception d'illégalité de l'article 4 de l'arrêté du 28 novembre 2017 dans sa version applicable à la date du 12 avril 2018, soulevée dans son mémoire en réplique dans le dossier n° 1906759. Il ressort des écritures de ce mémoire qu'il se borne, sous le titre " Sur les vices propres de l'arrêté du 11 octobre 2018-moyen nouveau " à indiquer : " S'agissant de l'illégalité du tirage au sort du
12 avril 2018, on note avec intérêt qu'il était possible de contourner l'interdiction de déposer des candidatures multiples en présentant des associations variables, qui aurait abouti, très vraisemblablement un même partenariat. (...) À supposer que l'article 4 de l'arrêté du 28 novembre 2017 ait effectivement autorisé dans sa version applicable à la date du 12 avril 2018, un tel contournement, il devrait alors être déclaré illégal. Cette possibilité déguisée de candidatures multiples porterait en effet atteinte à l'égalité des candidats, ceux-ci pouvant démultiplier les candidatures sous la forme de projet d'associations plus ou moins sincères. Organisée selon des modalités irrégulières, le tirage au sort n'a pas permis de désigner valablement Madame C.... ". Il ressort également du jugement attaqué que le tribunal, après avoir cité les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 28 novembre 2017, a répondu au point 8 du jugement attaqué au moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de tirage au sort à l'issue de laquelle est intervenue la nomination de Mme C... et a indiqué au point 14 qu'" au regard des motifs exposés aux points 4 et 5 du présent jugement, M. D... n'est pas fondé à soutenir que les arrêtés du 16 janvier 2018 et du 11 octobre 2018 seraient entachés d'illégalité. Il s'ensuit que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'arrêté du 25 novembre 2019, à le supposer opérant, doit être rejeté ". Par suite, le tribunal ne peut être regardé comme ayant entaché le jugement attaqué d'une omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. D'une part, aux termes de l'article 56 du décret du 5 juillet 1973, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'il n'a pas été ou qu'il ne peut être pourvu par l'exercice du droit de présentation à un office de notaire dépourvu de titulaire, cet office est déclaré vacant par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. / Cet arrêté ouvre la procédure de candidature aux date et heure qu'il précise. / (...)".
6. D'autre part, aux termes du traité de cession du 2 juin 2005 conclu entre M. A... et
M. D..., à l'article intitulé " Conditions suspensives " : " Les présentes conventions sont subordonnées à la réalisation des conditions suivantes (...) 2. L'agrément du cessionnaire comme successeur du cédant et sa nomination en qualité de notaire à Paris par arrêté de Monsieur I..., ministre de la justice. Toutefois si la parution de l'arrêté de nomination n'intervenait pas dans le délai de 12 mois à compter de ce jour, chacun des cédant et cessionnaire aurait la faculté de se dégager de ses obligations par simple lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l'autre partie. Si l'une de ces conditions n'était pas réalisée, la présente convention serait considérée comme non avenue, sans indemnité de part ni d'autre ".
7. M. D... soutient, en premier lieu, que c'est à tort que le tribunal a considéré que le traité conclu entre M. A... et lui-même se trouvait nécessairement frappé de caducité du fait de la signature du traité de cession conclu avec M. B..., au motif que le garde de sceaux n'aurait plus été saisi de sa demande d'agrément une fois prononcée la nomination de M. B... dès lors qu'aucune résiliation expresse de la convention conclue entre M. A... et lui-même n'était intervenue. Il fait valoir qu'à supposer même que le tribunal ait considéré que M. A... devait être regardé comme ayant renoncé à ses effets en concluant une nouvelle convention avec M. B..., l'annulation de l'agrément de ce dernier avait nécessairement eu pour effet de conduire M. A... à renoncer aux effets de cette seconde convention et I... se trouvait bien ressaisi de sa demande et il lui appartenait de se prononcer sur le bien-fondé de celle-ci avant de pouvoir déclarer l'office vacant.
8. Si ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, par décision du 28 septembre 2016, le Conseil d'Etat a annulé la nomination de M. B... par voie de conséquence de l'annulation du rejet de la demande d'agrément de M. D... par I..., il a fixé la date d'effet de cette annulation au 28 juin 2017. A cette date, le traité de cession conclu entre M. A... et M. D... était caduc du fait de la non réalisation de la condition tenant à l'agrément du cessionnaire comme successeur du cédant et sa nomination en qualité de notaire à Paris par arrêté du garde des Sceaux, sans que M. D... puisse se prévaloir de l'absence de manifestation par M. A... d'une volonté de se dégager de ses obligations par lettre recommandée, comme le prévoient les stipulations précitées du traité de cession, dès lors que ce dernier avait conclu un nouveau traité de cession le 12 décembre 2006 avec M. B..., encore en vigueur. En conséquence, I... n'était pas rétrospectivement saisi de la demande de M. D... et a pu, à compter du 28 juin 2017, constater la vacance de l'office et ouvrir la procédure de candidature prévue à l'article 56 précité du décret du
5 juillet 1973.
9. En deuxième lieu, M. D... n'est fondé à se prévaloir ni de l'autorité de la chose jugée ni de la force exécutoire du jugement du 23 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision refusant son agrément pour soutenir que I... devait réexaminer sa demande comme lui enjoignait ce jugement confirmé le 26 mars 2012 par la cour administrative d'appel de Paris, dès lors que les mesures d'injonction du juge administratif sont ordonnées sous réserve des changements de circonstances de fait et qu'en l'espèce, la caducité du traité de cession conclu entre M. A... et M. D... rendait cette injonction sans objet à la date de l'arrêté litigieux. En outre, dans sa décision du 28 septembre 2016, le Conseil d'Etat a rejeté les conclusions de
M. D... tendant à ce qu'en conséquence de l'annulation de la nomination de M. B..., il enjoigne au garde des sceaux de réexaminer sa demande d'agrément.
10. En troisième lieu, pour les motifs précédemment exposés, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le refus du garde des sceaux l'aurait privé de l'exécution effective d'une décision de justice, en violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit à un procès équitable.
11. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du
16 janvier 2018 serait entaché d'illégalité. Dès lors que les conclusions dirigées contre cet arrêté sont rejetées, M. D... n'est pas fondé à soutenir que les arrêtés des 11 octobre 2018 et
25 novembre 2019 doivent être annulés par voie de conséquence.
12. Enfin, il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 9 et 14 du jugement attaqué, d'écarter le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de tirage ayant conduit à la désignation de Mme C... et l'exception d'illégalité de l'article 4 de l'arrêté du
28 novembre 2017 laquelle n'est, en tout état de cause, assortie d'aucun moyen permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, sa requête d'appel, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge le versement de la somme demandée par la société BHL Notaires, Mme F... C... et Mme E... J... au titre des frais de l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. G... D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société BHL Notaires, Mme F... C... et
Mme E... J... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D..., au garde des sceaux, ministre de la justice, à la société BHL Notaires, à Mme F... C... et à Mme E... J....
Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
I. LUBEN
Le greffier,
N. DAHMANILa République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02572