Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 juin 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2008723/6-3 du 25 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Mileo, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°2008723/6-3 du 25 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2020 du préfet de la Côte-d'Or portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années ;
3°) d'enjoindre au préfet de procéder à l'effacement de l'intéressé du système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, en cas d'admission à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 200 euros à verser à Me Mileo sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation par son conseil au bénéfice de l'aide juridictionnelle ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme de 1 200 euros à son profit.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée est entachée de défaut de motivation ;
- le préfet de la Côte-d'Or n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision contestée est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée de défaut d'examen de la situation du requérant ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2021, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Claisse, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 décembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris.
Par ordonnance du 15 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au
10 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ho Si Fat.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., ressortissant russe né le 1er septembre 1969, est entré en France en 2009, selon ses déclarations. Par un arrêté du 21 juin 2020, le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. D... B... relève appel du jugement du 25 septembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile A... sa numérotation alors en vigueur : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".
3. La décision en litige vise notamment les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables au litige. Elle contient également l'examen de la situation personnelle et familiale de M. B... A... la mesure où elle mentionne notamment que ce dernier est entré irrégulièrement sur le territoire français, qu'il a présenté plusieurs demandes d'asile qui ont été rejetées, qu'il a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées, et qu'il est divorcé avec quatre enfants. A... ces conditions, et alors que le préfet de la Côte-d'Or n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. B..., la décision contestée comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet de la Côte-d'Or n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B....
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique A... l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, A... une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. D'une part, si M. B... se prévaut d'une vie habituelle en France depuis 2009, celui-ci n'établit pas la réalité de son séjour à compter de cette date. S'il ressort des pièces du dossier, en particulier du jugement du Tribunal de grande instance de Troyes du 5 mai 2017, que M. B... a conservé l'autorité parentale, conjointement avec son ex-épouse, il ressort également de ce même jugement que la résidence habituelle de ses enfants, dont seul un est encore mineur, a été fixée à l'adresse de leur mère. M. B... se prévaut de témoignages de personnes se présentant comme ses amis, de tickets de caisse non nominatifs ainsi que de photographies en compagnie de ses plus jeunes enfants. C..., ces pièces ne sont pas suffisamment probantes pour établir l'intensité des liens entre M. B... et ses enfants, ni sa contribution à leur entretien et leur éducation. De même, si M. B... se prévaut du fait qu'il a reçu en 2018 un promesse d'embauche pour un contrat à durée indéterminée de technicien de maintenance informatique, il ressort également des pièces du dossier que M. B..., qui ne maîtrise pas la langue française, ne dispose pas de ressources propres ni d'un logement personnel.
7. D'autre part, le requérant n'établit ni même n'allègue être dépourvu de toute attache A... son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans et où résident notamment, selon les mentions non contestées de la décision litigieuse, ses deux frères.
8. A... ces conditions, et dès lors que M. B... ne justifie d'aucune intégration particulière A... la société française, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Côte-d'Or, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, aurait porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision en litige. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et le moyen tiré de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " A... toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, A... l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants A... toutes les décisions les concernant.
10. Ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, M. B... ne justifie pas participer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ni n'établit l'intensité et la permanence des liens qu'il dit entretenir avec eux. A... ces conditions, le préfet de la Côte-d'Or n'a pas porté, pour prendre la décision en litige, une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de ces enfants et n'a pas, par suite, méconnu les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions de M. B... dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne peut qu'être écartée.
12. En deuxième lieu, l'alinéa 1er de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispose, A... sa numérotation alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ". Aux termes de l'alinéa 8 de ce même article : " La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
13. Il ressort des pièces du dossier et des termes de la décision en litige que le préfet de la Côte-d'Or, pour prononcer à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, a relevé que M. B... est en France depuis plus de 11 ans, qu'il est divorcé avec quatre enfants et que, bien qu'il ne présente pas de menace pour l'ordre public, il s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement prononcées à son encontre. A... ces conditions, et alors que le préfet n'était en tout état de cause pas tenu de se prononcer sur chacun des critères mentionnés au III de l'article L. 511-1 précité, mais seulement sur ceux qu'il entendait retenir, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.
14. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet de la Côte-d'Or n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B....
15. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 7 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
16. En cinquième lieu, aux termes des dispositions de l'alinéa 8 de l'article L. 511-1 III, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf A... le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle.
17. Le requérant se prévaut de la durée de son séjour en France, du fait qu'il a quatre enfants et qu'il ne présente pas une menace pour l'ordre public. C..., ainsi qu'il a été dit,
M. B... n'établit pas la réalité de son séjour depuis 2009 ni sa participation à l'éducation et à l'entretien de ses enfants. A... ces conditions, ces éléments ne peuvent être regardés comme des circonstances humanitaires de nature à faire obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Côte-d'Or aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées par son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressé au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 11 avril 2022.
Le rapporteur,
F. HO SI FATLe président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA00279 2