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11/04/2022 | FRANCE | N°20PA03505

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 11 avril 2022, 20PA03505


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association des administrateurs territoriaux de France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 15 mai 2018 par lequel le président de la Métropole du grand Paris a nommé M. A... directeur général des services à compter du même jour, la décision du 30 avril 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a donné son accord de principe au détachement de M. A... à ses fonctions, ainsi que l'arrêté du 4 juin 2018, par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé le d

étachement de M. A... à la métropole du grand Paris à compter du 15 mai 2018.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association des administrateurs territoriaux de France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 15 mai 2018 par lequel le président de la Métropole du grand Paris a nommé M. A... directeur général des services à compter du même jour, la décision du 30 avril 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a donné son accord de principe au détachement de M. A... à ses fonctions, ainsi que l'arrêté du 4 juin 2018, par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé le détachement de M. A... à la métropole du grand Paris à compter du 15 mai 2018.

Par un jugement n° 1816040 du 24 septembre 2020 le tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés des 15 mai et 4 juin 2018 prononçant la nomination de M. A... comme directeur général des services de la collectivité et prononçant son détachement sur cette fonction et a rejeté le surplus des conclusions du l'association.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 novembre 2020 et 1er juillet 2021, la Métropole du Grand Paris, représentée par Me Boda, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement 1816040 du 24 septembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter les demandes de l'association des administrateurs territoriaux de France devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de l'association des administrateurs territoriaux la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de vacance de poste a été publié avant la nomination du nouveau directeur général ;

- le délai entre la publication de l'avis et la nomination est justifié par des considérations d'urgence ;

- les effets de l'annulation ont été limités à la date du jugement pour sécuriser les décisions prises.

Par un mémoire, enregistré le 2 juin 2021, l'association des administrateurs territoriaux de France, représentée par Me Arvis, conclut au rejet de la requête de la Métropole du Grand Paris, et demande, par appel incident, d'annuler les dispositions du jugement en tant que les décisions ne sont qu'à la date de notification du jugement et de mettre à la charge de l'établissement public la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la Métropole du Grand Paris n'est fondé et que l'annulation de la nomination ne fragilise pas les décisions prises par le directeur général, compte tenu de la théorie du fonctionnaire de fait.

Par un mémoire enregistré le 1er octobre 2021, le ministre de l'intérieur conclut à l'annulation du jugement du 24 septembre 2020.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la collectivité sont fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Simon,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Arvis pour la Métropole du Grand Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Le président de la Métropole du grand Paris a nommé M. A..., directeur général des services de l'établissement public le 15 mai 2018, avec effet à la même date. Par arrêté du 4 juin 2018, le ministre de l'intérieur a prononcé le détachement de M. A..., préfet hors classe, à la Métropole du grand Paris, pour exercer les fonctions de directeur général des services à compter du 15 mai 2021. La Métropole du grand Paris demande à la Cour l'annulation du jugement du 24 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la nomination de M. A..., ainsi que son détachement, pour méconnaissance de l'obligation de publicité dans un délai raisonnable. L'association des administrateurs territoriaux de France introduit un appel incident et demande la réformation du jugement, en tant qu'il a fixé la date d'effet de l'annulation à la date de notification du jugement et a décidé que, sous réserve des actions juridictionnelles engagées, les effets produits par lesdits arrêtés antérieurement à cette annulation seront regardés comme définitifs.

Sur les conclusions d'appel principal :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa version applicable au présent litige, désormais codifiés aux articles L. 313-4 et L. 327-7 du code de la fonction publique : " Lorsqu'un emploi permanent est créé ou devient vacant, l'autorité territoriale en informe le centre de gestion compétent qui assure la publicité de cette création ou de cette vacance, à l'exception des emplois susceptibles d'être pourvus exclusivement par voie d'avancement de grade. / Les vacances d'emploi précisent le motif de la vacance et comportent une description du poste à pourvoir. / L'autorité territoriale pourvoit l'emploi créé ou vacant en nommant l'un des candidats inscrits sur une liste d'aptitude établie en application de l'article 44 ou l'un des fonctionnaires qui s'est déclaré candidat par voie de mutation, de détachement, d'intégration directe ou, le cas échéant et dans les conditions fixées par chaque statut particulier, par voie de promotion interne et d'avancement de grade. ". Ces dispositions subordonnent tout recrutement effectué par une collectivité territoriale et destiné à pourvoir un emploi vacant ou nouvellement créé, à l'accomplissement de mesures de publicité. Avant d'envisager le recrutement d'un agent, il appartient à l'autorité territoriale de s'assurer que la procédure de déclaration de création de vacance d'emploi est mise en œuvre dans des conditions lui permettant, sauf dans le cas où elle établirait l'urgence pour les besoins du service, d'envisager les différents modes de recrutement de fonctionnaires prévus à l'article 41 précité, notamment par le respect d'un délai raisonnable entre la publicité effective de la création ou de la vacance de l'emploi et le recrutement de l'agent.

3. Il ressort des pièces du dossier que la fiche de poste déclarant la vacance de l'emploi de directeur général de la Métropole du Grand Paris a été publiée le 2 mai 2018. La nomination de M. A... sur cet emploi a été prise par arrêté du 15 mai 2018 avec effet le jour même. Le délai de treize jours séparant la publication de l'avis de vacance de la nomination de M. A... ne peut être regardé comme correspondant à un délai raisonnable pour permettre l'expression d'une candidature et le choix de l'employeur en toute connaissance de cause, alors même que M. A... est fonctionnaire titulaire. Si la Métropole du Grand Paris fait valoir que des considérations d'urgence exigeaient une nomination la plus rapide possible, il ressort des pièces du dossier que le précédent directeur général des services a adressé officiellement sa démission le 12 avril 2018 et que le président de la Métropole a fait connaître que son choix se portait sur M. A... B... le 16 avril auprès du ministre et le 17 auprès des conseillers métropolitains et des agents de l'établissement, ainsi que du public, le délai trop court séparant la publication de l'avis de vacance de poste le 2 mai 2018, de la prise de fonctions de M. A..., le 15 mai suivant, est ainsi imputable aux négligences de la Métropole qui a attendu le 23 avril pour adresser le formulaire de déclaration de vacance reçu le 26 et permettre le déclenchement des formalités de publicité le 2 mai. En outre, ce délai ne peut être justifié, en l'espèce, par une situation d'urgence telle qu'elle imposait la prise de fonctions de M. A... dans un délai aussi rapproché, B... lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la préparation des échéances prévues pour certains dossiers importants en cours, liés notamment aux Jeux Olympiques de 2024, n'ait pu être poursuivie ou assurée par les effectifs présents des services de la Métropole.

4. La Métropole du Grand Paris n'est B... lors pas fondée à se plaindre, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en première instance, que, par jugement du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté de nomination en date du 15 mai 2018, ainsi, par voie de conséquence, l'arrêté du ministre de l'intérieur, en date du 4 juin 2018, prononçant le détachement de M. A... dans les fonctions de directeur général des services.

Sur les conclusions d'appel incident :

5. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Un fonctionnaire irrégulièrement nommé aux fonctions qu'il occupe doit être regardé comme légalement investi de ces fonctions tant que sa nomination n'a pas été annulée.

6. L'association des administrateurs territoriaux de France se plaint que le jugement entrepris ait différé les effets de l'annulation des arrêtés à la date de sa notification et ait précisé que les effets de ces arrêtés antérieurs à leur annulation étaient réputés définitifs. Compte tenu de la nécessité pour la Métropole du grand Paris nouvellement institué, de disposer, sans rupture de continuité, d'un directeur général des services à même de proposer et mettre en œuvre les orientations de l'établissement, dans un contexte de regroupements de compétence, la juridiction pouvait différer les effets de l'annulation dans un délai suffisant pour qu'intervienne une nouvelle nomination de directeur général. L'association des administrateurs territoriaux, qui ne justifie d'aucune circonstance de nature à justifier un quelconque retrait des décisions prises par voie de conséquence de l'annulation des arrêts attaqués, alors qu'un fonctionnaire irrégulièrement nommé aux fonctions qu'il occupe doit être regardé comme légalement investi de ces fonctions tant que sa nomination n'a pas été annulée, n'est, B... lors, pas fondée à se plaindre que le tribunal administratif de Paris ait différé les effets de l'annulation à la date de notification dudit jugement.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne permettent pas de mettre à la charge de l'association des administrateurs territoriaux de France, qui n'est pas la partie qui succombe, les frais exposés par la Métropole du Grand Paris à l'occasion de l'instance et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la Métropole du Grand Paris la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'association des administrateurs territoriaux de France et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la Métropole du Grand Paris est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de l'association des administrateurs territoriaux de France sont rejetées.

Article 3 : La Métropole du Grand Paris versera la somme de 2 000 euros à l'association des administrateurs territoriaux de France et non compris dans les dépens.

Article 4 : Les conclusions de l'association des administrateurs territoriaux de France présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées pour le surplus.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Métropole du Grand Paris, à l'association des administrateurs territoriaux de France et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Simon, premier conseiller.

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 avril 2022.

Le rapporteur,

C. SIMONLe président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03505


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03505
Date de la décision : 11/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Détachement et mise hors cadre - Détachement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Effets des annulations.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : BODA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-11;20pa03505 ?
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