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08/04/2022 | FRANCE | N°21PA04641

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 08 avril 2022, 21PA04641


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2006499 du 10 mai 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 août 2021, Mme A..., représentée par Me Raymond, demande à la Cour :
>1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2006499 du 10 mai 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 août 2021, Mme A..., représentée par Me Raymond, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- l'arrêté litigieux a été signé par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il porte en outre une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris le 23 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Briançon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne, née le 14 mai 1986, a sollicité son admission au séjour au titre du droit d'asile le 14 mai 2019. Sa demande a fait l'objet d'une décision de rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 août 2019, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 juin 2020. Par un arrêté du

16 juillet 2020, le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du

10 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

3. Dans le cas où une enfant ou une adolescente mineure s'est vu reconnaître la qualité de réfugié en raison de son appartenance à un groupe social d'enfants ou adolescentes non mutilées et des risques de mutilations sexuelles féminines qu'elle encourt personnellement,

les exigences résultant du droit de mener une vie familiale normale résultant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale et des articles 3 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant puissent, en principe, régulièrement séjourner en France avec elle. Ces exigences impliquent également que les parents d'un enfant ayant déposé une demande d'asile puissent, en principe, régulièrement séjourner en France avec elle durant le temps nécessaire à l'examen de cette demande.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'une demande d'asile déposée au nom de la fille de Mme A... a été enregistrée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 6 mars 2020, en raison du risque d'excision dont celle-ci serait victime en cas de retour dans son pays d'origine. Mme A... soutient sans être contredite que la demande de sa fille était encore en cours d'examen à la date de l'arrêté attaqué et produit l'attestation de la demande d'asile enregistrée au nom de sa fille en procédure normale, valable jusqu'au 16 décembre 2020, qui mentionne qu'elle en est le représentant légal. Dans ces conditions, l'éloignement de Mme A... aurait pour conséquence de la séparer de sa fille mineure, qui bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la décision de l'OFPRA ou, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant l'arrêté attaqué.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination impliquent que le préfet du Val-de-Marne réexamine la situation de

Mme A... et qu'il lui délivre une autorisation provisoire de séjour, jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son cas. Il y a lieu dès lors d'enjoindre à cette autorité d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2021 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Raymond, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Raymond de la somme de 1 000 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2006499 du 10 mai 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 16 juillet 2020 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen.

Article 4 : L'État versera à Me Raymond, avocat de Mme A..., la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- Mme Portes, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2022.

La rapporteure,

C. BRIANÇONLa présidente,

M. HEERS

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA04641 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04641
Date de la décision : 08/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : RAYMOND

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-08;21pa04641 ?
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