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08/04/2022 | FRANCE | N°21PA00848

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 08 avril 2022, 21PA00848


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2020 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2017746/8 du 17 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 février 2021, le 30 mars 2021 et le 5 mai 2

021, M. A..., représenté par Me Dridi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2020 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2017746/8 du 17 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 février 2021, le 30 mars 2021 et le 5 mai 2021, M. A..., représenté par Me Dridi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 20 octobre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance.

Il soutient que :

- l'arrêté était valide durant six mois, venait à expiration le 16 mars 2021 et aucun élément ne permet de dire que le délai aurait été prorogé ;

- l'entretien individuel du 25 août 2020, dont le préfet n'établit pas la qualité de la personne qui l'a établi, révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- l'entretien a été fait par le biais d'un interprète sans indiquer en quelle langue les questions ont été posées ;

- il n'a jamais fait de demande d'asile en Italie ;

- la brochure prévue à l'article 4 du règlement n° 604/2013 ne lui a pas été remise ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 juin 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Briançon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., se déclarant ressortissant mauritanien né en 1985, a été reçu par les services de la préfecture de police de Paris les 24 et 25 août 2020 afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées le 21 octobre 2014 par l'Italie, le préfet de police a saisi le

1er septembre 2020 les autorités de ce pays d'une demande de reprise en charge. Par un accord implicite du 16 septembre 2020, les autorités italiennes ont accepté leur responsabilité. Par un arrêté du 20 octobre 2020, le préfet de police a ordonné le transfert de l'intéressé aux autorités italiennes. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la caducité de l'arrêté de transfert :

2. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dispose : " Le transfert du demandeur [...] de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue [...] au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé [...] / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter du jugement par lequel le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. En cas de rejet du recours par le premier juge, ce délai court à compter de la notification à l'administration du jugement qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution.

4. Il ressort de ce qui précède que si le délai de six mois à compter de la décision d'acceptation des autorités italiennes, en date du 16 septembre 2020, imparti à l'administration pour procéder au transfert de M. A..., a été interrompu par la saisine du tribunal administratif par l'intéressé, ce délai a recommencé à courir à compter du 18 novembre 2020, date à laquelle il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal administratif a été notifié au préfet. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'avant l'expiration de ce nouveau délai de six mois, au 18 mai 2021, M. A... ne s'étant pas présenté les 18 et 25 novembre 2020 a été déclaré en fuite le 26 novembre 2020 dans le cadre de l'exécution de l'arrêté de transfert du 20 octobre 2020, le délai de transfert ayant alors été porté à 18 mois en vertu des dispositions précitées de l'article 29 du règlement du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013. Dans ces conditions, l'accord initial du 16 septembre 2020 des autorités italiennes autorisant le transfert de M. A... n'est pas caduc à la date du présent arrêt et il y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté en litige et du résumé de l'entretien qui s'est déroulé le 25 août 2020 que le préfet de police, après consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaître que les empreintes de M. A... avaient été relevées le 21 octobre 2014 par l'Italie, qui n'était au demeurant pas tenu de justifier d'une demande d'asile auprès des autorités italiennes, n'aurait pas examiné de manière complète la situation personnelle de M. A.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation de l'intéressé doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...). / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

8. Il ressort des pièces du dossier que le requérant s'est vu remettre en main propre le 25 août 2020, et en tout état de cause lors de son entretien individuel, par les services de la préfecture, deux documents en langue française qui ont été portés à la connaissance de l'intéressé par un interprète en langue peul, dont l'un est intitulé " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), et l'autre " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B). De plus, il ressort des pièces du dossier que lors de l'entretien individuel qui a été réalisé en application de

l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, il a bénéficié de l'assistance d'un interprète en langue peul de l'organisme ISM interprétariat, après qu'il eut indiqué qu'il ne savait pas lire le français. M. A... a été reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, lequel doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien au sens du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. M. A... a signé le compte rendu de cet entretien après avoir coché la case " l'information sur les règlements communautaires m'a été remise ", sans émettre d'objection. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.

9. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement attaqué et de l'arrêté du 20 octobre 2020 doivent être rejetées ainsi que par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre des frais d'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- Mme Portes, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2022.

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

V. BREMELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00848
Date de la décision : 08/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : DRIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-08;21pa00848 ?
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