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30/03/2022 | FRANCE | N°20PA03039

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 30 mars 2022, 20PA03039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre des années 2008, 2010, 2011 et 2013 pour un montant de 445 039 euros, en droits et pénalités et, d'autre part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années

2008, 2010, 2011 et 2013 pour un montant de 1 154 274 euros, en droits et pén...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre des années 2008, 2010, 2011 et 2013 pour un montant de 445 039 euros, en droits et pénalités et, d'autre part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2010, 2011 et 2013 pour un montant de 1 154 274 euros, en droits et pénalités.

Par un jugement nos 1813838/1-2 et 1822325/1-2 du 22 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes, après les avoir jointes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 22 octobre 2020, le 30 décembre 2020 et le 18 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Ciaudo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1813838/1-2 et 1822325/1-2 du 22 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a disposé d'aucune information sur les procédures fiscales engagées contre l'ébéniste avec lequel il a travaillé et divers intermédiaires alors que ces informations auraient été utiles à sa défense ;

- les années en litige sont prescrites, le délai de reprise spécial n'étant pas applicable dans la mesure où son activité ne peut pas être qualifiée d'activité occulte dès lors qu'il a vendu des sièges lui appartenant acquis sans intention de les revendre, qu'il s'est trompé sur le régime fiscal applicable et a vendu ses meubles en toute transparence en tant que particulier en appliquant le régime des ventes d'objets d'art des particuliers ;

- le service vérificateur n'a pas établi l'existence d'une activité occulte d'achat-revente de biens mobiliers ;

- l'administration fiscale a méconnu l'instruction ministérielle codifiée au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOFIP-BIC-CHAMP-20-10-10-20170104 selon laquelle l'intention spéculative s'apprécie lors de l'achat des biens et non lors de la vente ;

- il a régularisé sa situation par une transaction signée le 23 mars 2011 avec la DNVSF ;

- la vente de la seconde chaise George Jacob est intervenue en 2009 et non en 2010 ;

- l'administration a retenu à tort une vente en 2008 pour les deux chaises Delanois ainsi qu'un prix de vente de 80 000 euros pour la troisième chaise Delanois vendue en 2010 ;

- il a reversé 50 % des bénéfices à l'ébéniste qui a fabriqué les meubles ;

- c'est à tort que l'administration a refusé de prendre en compte les versements effectués au profit de son tapissier et de son doreur ;

- le service vérificateur, qui avait connaissance des reversements effectués au profit de son ébéniste, a méconnu son devoir de loyauté en ne tenant pas compte de ceux-ci ;

- la méthode retenue par l'administration pour reconstituer ses bénéfices au titre des années en litige est sommaire et viciée dans son principe, le service ayant retenu le produit des ventes et non la marge bénéficiaire ;

- l'administration aurait dû déduire la taxe sur la valeur ajoutée déductible correspondant aux opérations de fabrication et il aurait pu bénéficier du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée quand bien même il ne peut produire de factures dès lors qu'il apporte suffisamment d'éléments de nature à établir que les conditions matérielles d'exercice du droit de déduction de la taxe à la valeur ajoutée correspondante sont satisfaites ;

- la majoration de 80 % pour activité occulte n'est pas justifiée ;

- elle est contraire au principe de proportionnalité des peines dès lors qu'il subit une double sanction en se faisant infliger une majoration de 80 % alors que n'ont pas été admis les frais engagés et le partage des recettes avec l'ébéniste et que le cumul avec la sanction pénale est trop élevé.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 novembre 2020 et le 21 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jurin,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est historien d'art et spécialiste de l'art du siège du XVIIIè siècle. Il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service a estimé qu'il exerçait à titre professionnel une activité occulte de vente de faux meubles anciens. Ont ainsi été mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2008, 2010, 2011 et 2013 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus, de contributions sociales et de contributions sur les hauts revenus au titre de ces mêmes années. Par un jugement du 22 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de M. B... tendant à la décharge des impositions mises en recouvrement à l'issue de cette opération de contrôle. Il relève appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-199/11 Europese Gemeenschap c/ Otis NV et autres du 6 novembre 2012, que le principe de protection juridictionnelle effective figurant à cet article 47 est constitué de divers éléments, lesquels comprennent, notamment, les droits de la défense, le principe d'égalité des armes, le droit d'accès aux tribunaux ainsi que le droit de se faire conseiller, défendre et représenter.

3. S'agissant du respect des droits de la défense invoqués dans un litige fiscal portant sur une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt C-189/18 Glencore Agriculture Hungary du 16 octobre 2019, que ce principe a pour corollaire le droit d'accès au dossier au cours de la procédure administrative et qu'une violation du droit d'accès au dossier commise lors de la procédure administrative n'est pas, en principe, régularisée du simple fait que l'accès au dossier a été rendu possible au cours de la procédure juridictionnelle concernant un éventuel recours visant à l'annulation de la décision contestée. La Cour de justice a également jugé dans ce même arrêt que, dans un tel litige de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, le respect des droits de la défense n'impose pas à l'administration fiscale une obligation générale de fournir un accès général au dossier dont elle dispose, mais exige que l'assujetti ait la possibilité de se voir communiquer, à sa demande, les informations et les documents se trouvant dans le dossier administratif et pris en considération par cette administration en vue d'adopter sa décision, lesquels incluent en principe non seulement l'ensemble des éléments du dossier sur lesquels l'administration fiscale entend fonder sa décision mais aussi ceux qui, sans fonder directement sa décision, peuvent être utiles à l'exercice des droits de la défense.

4. M. B... soutient qu'il n'a disposé d'aucune information sur les procédures fiscales engagées contre l'ébéniste avec lequel il a travaillé et divers intermédiaires alors que ces informations auraient été utiles à sa défense. Toutefois, le requérant n'établit pas que l'ébéniste ou les intermédiaires, au demeurant non identifiés, ont fait l'objet d'une procédure fiscale dont il serait susceptible de demander le contenu. En outre, il n'établit ni que les résultats de ces contrôles ont été pris en considération par l'administration, ni qu'il a fait en vain une demande de documents. Ce moyen qui n'est opérant qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, doit, en tout état de cause, être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la qualification d'activité occulte et l'extension du délai de reprise :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

5. Aux termes des dispositions de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ". Aux termes des dispositions de l'article L. 169 du même livre applicable avant le 1er janvier 2010 : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 169 du même livre applicable après le 1er janvier 2010 : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ". Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

6. M. B..., au cours des années d'imposition en litige, était historien de l'art. Il a vendu huit sièges comme meubles d'époque. L'administration a estimé qu'il avait exercé une activité professionnelle de fabrication et revente de meubles d'époque. M. B... conteste cependant le caractère professionnel et occulte attribué à cette activité en soutenant qu'il a au cours de cette période vendu huit sièges lui appartenant acquis sans intention de les revendre, qu'il s'est trompé sur le régime fiscal applicable et a vendu ses meubles en toute transparence en tant que particulier en appliquant le régime des ventes d'objets d'art des particuliers.

7. Toutefois il résulte de l'instruction que M. B... a mené une part active dans un processus de fabrication puis de revente de faux sièges d'art. En effet, il ressort de la lecture des procès-verbaux d'audition réalisés lors de l'enquête pénale que le requérant, au cœur d'un système organisé, auquel a participé également un ébéniste, a mis à profit ses compétences en qualité d'expert du mobilier d'art en faisant réaliser de faux sièges puis en se servant de son réseau et de sa réputation sur le marché de l'art pour revendre ceux-ci comme des meubles authentiques. Si M. B... soutient que son activité de vente de faux meubles d'art était une activité non professionnelle, compte tenu de son caractère ponctuel et qu'il a acquis ces meubles sans intention de les revendre, il résulte toutefois de l'instruction que les biens ont été réalisés en vue d'être revendus dans le but de dégager un profit. Si M. B... soutient qu'il a un temps envisagé de garder un des meubles réalisés pour son usage personnel, il n'apporte aucun élément de nature à l'établir alors qu'au demeurant il résulte de l'instruction que la durée de détention de ce bien par le requérant a été courte. En outre, si le litige ne porte que sur la vente de huit meubles vendus en cinq lots, le faible nombre et la faible fréquence des ventes ne suffisent pas à établir que le requérant agissait comme un simple particulier collectionneur dès lors que la faible fréquence des ventes s'explique par la nature des biens revendus et par le coût très important de ces sièges, supposés être très rares et anciens. Enfin, le requérant soutient qu'il a commis une erreur et pensait que les ventes litigieuses étaient soumises à la taxe forfaitaire sur les objets d'art. Toutefois, ce dernier, compte tenu de sa participation active au processus de fabrication des faux meubles et de sa qualité d'expert du mobilier d'art, ne pouvait ignorer que les meubles vendus ne constituaient pas des objets d'art et n'entraient donc pas dans le champ d'application de l'article 150 V du code général des impôts, et que notamment les cessions réalisées au profit d'un musée auquel attribuée l'appellation " musée de France " ou musée d'une collectivité territoriale ne pouvaient bénéficier de l'exonération de taxe sur les objet d'art prévue par le 1° des dispositions de l'article 150 VJ.

8. Il est par ailleurs constant que M. B... n'a jamais déposé aucune déclaration fiscale au titre de cette activité et ne l'a pas fait connaître à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. En conséquence, l'administration était fondée à retenir l'existence d'une activité occulte de marchand de meubles exercée par M. B... au titre des quatre années en litige.

9. Il résulte du point précédent que le requérant entrait dans le champ d'application des dispositions précitées des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales et qu'en conséquence, l'administration disposant d'un droit de reprise allongé, le moyen tiré de la prescription de ce droit doit être écarté.

S'agissant de la garantie contre les changements de doctrine :

10. En premier lieu, le requérant fait valoir qu'il ne peut être regardé comme ayant encaissé des recettes sur un compte bancaire en Suisse entre 2006 et 2009 puisqu'il a régularisé sa situation par une transaction signée le 23 mars 2011 avec l'administration, qu'il entend invoquer sur le fondement des articles L. 80 A et B du livre des procédures fiscales. Toutefois, la transaction invoquée portait uniquement sur des rehaussements notifiés au titre des années 2006 et 2009 en matière de revenus de capitaux mobiliers et ne concernait pas une activité occulte de vente de meubles imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, sur l'existence de laquelle l'administration ne peut avoir pris à l'époque une position formelle. L'existence de cette transaction est donc en tout état de cause sans incidence sur la faculté d'imposer des sommes perçues sur ce compte ne constituant pas des revenus de capitaux mobiliers.

11. En second lieu le requérant n'est pas fondé à se prévaloir ni du paragraphe 40 de la doctrine administrative BOI-BIC-CHAMP-20-10-10 du 12 septembre 2012 qui ne comporte pas, s'agissant de l'appréciation du caractère habituel des opérations d'achat et de revente contribuant à caractériser l'exercice d'une activité de marchand de biens, une interprétation formelle de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application, ni de l'instruction ministérielle codifiée au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOFIP-BIC-CHAMP-20-10-10-20170104, laquelle est postérieure aux années en litige.

En ce qui concerne le montant des impositions en litige :

12. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. "

13. Les impositions litigieuses ayant été régulièrement établies selon la procédure d'évaluation d'office, M. B... a la charge d'établir le caractère exagéré des impositions auxquelles il a été assujetti.

S'agissant des années de rattachement des produits et de leur évaluation :

14. En premier lieu, M. B... soutient que concernant la vente d'une chaise George Jacob l'administration a retenu l'année 2010 alors que cette vente a été réalisée fin 2009. Toutefois, l'administration a retenu que la vente avait eu lieu en 2010 en se basant sur les propres déclarations du requérant lors de son audition dans le cadre de l'enquête pénale. Si M. B... soutient maintenant que cette date est erronée les éléments produits, qui ne sont pas suffisamment précis, ne suffisent pas à établir que ses déclarations auraient été inexactes.

15. En deuxième lieu, le requérant soutient, concernant le lot de deux chaises Delanois, que contrairement à ce qui a été retenu par l'administration ces deux sièges ont été vendus en 2006 pour 150 000 euros. Toutefois, l'administration a reconstitué ses ventes à partir des propres déclarations du requérant. Or les éléments produits qui ne sont pas suffisamment précis ne suffisent pas à établir que ses déclarations auraient été inexactes.

16. En troisième lieu, le requérant reproche à l'administration d'avoir retenu la fourchette haute en ce qui concerne le prix de vente de la troisième chaise Delanois et soutient qu'elle a été vendue en avril 2009 pour 70 000 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'après avoir indiqué que cette chaise avait été vendue entre 60 000 et 80 00 euros lors d'une première audition dans le cadre de l'enquête pénale, M. B... a ensuite déclaré que la vente avait eu lieu à 80 000 euros. En outre, si le requérant critique la somme retenue par l'administration il n'apporte aucun élément de nature à établir à quel montant cette chaise a été vendue.

17. En quatrième lieu, le requérant soutient que l'administration l'a à tort imposé sur la totalité des montants perçus alors qu'auraient dû être déduites les sommes qu'il a reversées à l'ébéniste ayant participé à la fabrication des faux sièges et qui seraient égales à la moitié des sommes en litige. Toutefois les éléments produits par le requérant, qui ne soutient pas avoir constitué une société de fait avec l'ébéniste, ne sont de nature à établir ni la réalité ni, pour chaque année, le montant précis des sommes que le requérant soutient lui avoir reversées alors au demeurant qu'il résulte de l'instruction que les sommes correspondant aux ventes en litige ont été versées directement à M. B....

18. En cinquième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles décrites aux points 14 à 17, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la méthode de reconstitution suivie par l'administration serait excessivement sommaire ou a fortiori radicalement viciée et ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

S'agissant des charges :

19. M. B... soutient que les sommes correspondant aux coûts de fabrication des sièges doivent être déduites des montants retenus par l'administration. A ce titre, il soutient avoir versé à l'ébéniste, indépendamment des sommes qu'il dit lui avoir versées à raison de leur collaboration et examinées au point 17 du présent arrêt, des sommes correspondant aux coûts de la fabrication des sièges. Il soutient également avoir versé des sommes correspondant à des charges en rémunération du travail effectué par un tapissier et par un doreur. Toutefois, les éléments produits par le requérant ne permettent pas d'établir la réalité de ces versements. En outre, il résulte de l'instruction que l'administration a tenu compte d'une partie des coûts de fabrication des sièges en litige et a déduit les charges correspondant à leur coût de fabrication du chiffre d'affaires reconstitué. Ainsi les sommes de 28 800 euros au titre de l'année 2008, de 42 400 euros au titre de l'année 2010, de 92 000 euros au titre de l'année 2011 et de 78 000 euros au titre de l'année 2013 ont été déduites du chiffre d'affaire du requérant au titre des charges. Le requérant n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que les charges retenues par l'administration seraient insuffisantes et il n'est pas fondé à soutenir que l'administration a méconnu le principe de loyauté en ne retenant pas les factures qu'il a produites et que rien ne permet de rattacher au litige.

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :

20. En premier lieu, si M. B... soutient que l'administration n'a pas déduit la taxe sur la valeur ajoutée déductible correspondant aux opérations de fabrication, il n'apporte aucun élément de nature à établir que les sommes prétendument payées pour la fabrication des faux sièges ont été assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée.

21. En second lieu, M. B... demande à bénéficier du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait été versée à M. C... car quand bien même il ne peut produire de factures, il apporte suffisamment d'éléments de nature à établir que les conditions matérielles d'exercice du droit de déduction de la taxe à la valeur ajoutée correspondante sont satisfaites. Toutefois, contrairement à ce qu'il soutient M. B... ne justifie pas que son fournisseur a acquitté la taxe sur la valeur ajoutée pour la fabrication des chaises destinées à la revente alors qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'audition du 8 juin 2016 que les prestations du tapissier et du doreur avaient donné lieu à un travail " au noir ", et donc sans facturation de taxe sur la valeur ajoutée. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du droit communautaire, et notamment de la jurisprudence communautaire, quant aux conditions de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée doit être écarté.

Sur les pénalités :

22. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

23. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que M. B... a exercé une activité occulte de fabrication et de vente de faux sièges d'art. C'est donc à bon droit que l'administration a mis à sa charge les pénalités relatives à la découverte d'une activité occulte.

24. En deuxième lieu, la majoration de 80 % pour affaire occulte était antérieurement codifiée au dernier alinéa du 3 de l'article 1728. Le Conseil constitutionnel a jugé dans les motifs de sa décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 que cette disposition, introduite par l'article 103 de la loi 99-1172 du 30 décembre 1999, ne porte atteinte à aucun principe, ni à aucune règle de valeur constitutionnelle. Le moyen tiré du principe de nécessité des peines doit, en tout état de cause, être écarté.

25. En troisième lieu, M. B... ne saurait davantage soutenir qu'il incomberait au juge de moduler le taux pratiqué et de contrôler la proportionnalité du montant contesté.

26. En quatrième lieu, la circonstance que M. B... ait fait l'objet d'une condamnation pénale, ce qui n'est au demeurant pas établi, n'est pas de nature à faire obstacle à l'application des majorations prévues au c de l'article 1728 du code général des impôts, dès lors que le principe non bis in idem n'interdit pas le prononcé de sanctions ou majorations fiscales parallèlement aux sanctions prononcées par le juge répressif.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2022.

La rapporteure,

E. JURINLe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 20PA03039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03039
Date de la décision : 30/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : CIAUDO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-30;20pa03039 ?
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