Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du 11 mai 2020 par lesquelles le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2004101 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 septembre 2021 et 28 février 2022, M. C..., représenté par Me Magdelaine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de Seine-et-Marne du 11 mai 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu que le préfet n'avait pas examiné sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- c'est également à tort que le tribunal a estimé qu'il ne justifiait pas de liens privés et familiaux sur le territoire français ;
- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;
- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie dès lors qu'il justifie résider en France de manière continue et habituelle depuis 2009 ;
- l'arrêté est entaché d'erreurs de fait dès lors qu'il justifie de liens privés et familiaux sur le territoire français et qu'il démontre qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire méconnait les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juillet 2021 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Lemichel, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E... C..., ressortissant marocain né le 21 mars 1969, est entré en France en 2003 et a été admis au séjour à compter de l'année 2010 en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 11 mai 2020, le préfet de Seine-et-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays destination. M. C... relève appel du jugement du 3 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en 2003 sur le territoire français et y a résidé depuis 2010 de façon régulière. S'il est célibataire et sans charge de famille, il y possède des attaches familiales fortes puisqu'il y est hébergé par ses parents qui sont titulaires de cartes de séjour et que sont également présents en France ses frères, tous en situation régulière et dont un possède la nationalité française, sa sœur, de nationalité française également et sa grand-mère maternelle, titulaire d'une carte de séjour. Ainsi, le requérant justifie d'attaches familiales importantes et stables sur le territoire national. Par ailleurs, alors que l'intéressé a souffert d'un cancer du larynx opéré en 2010 et nécessitant une trachéotomie à vie avec soins, qu'il a subi une exérèse d'une tumeur stromale du sigmoïde de 48 mm, avec résection complète du sigmoïde en décembre 2018, impliquant une surveillance régulière par scanner tomodensitométrique, et qu'il est atteint d'un diabète de type 2 depuis le mois de juin 2017, d'une hypothyroïdie ainsi que d'une dépression chronique réactionnelle, il n'est pas établi qu'il conserverait dans son pays d'origine des liens privés ou familiaux susceptibles de le préserver d'une situation d'isolement, alors qu'il est constant que son état de santé nécessite une prise en charge médicale régulière. Par suite, dans les circonstances très particulières de l'espèce, et nonobstant la circonstance que M. C... a été condamné, de manière isolée, par le tribunal correctionnel de Meaux par jugement du 6 janvier 2017 à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une interdiction de séjour pendant un an et six mois à la suite de " menace de mort matérialisée par écrit, image ou autre objet et de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité ", il est fondé à soutenir qu'en prenant l'arrêté contesté, le préfet de Seine-et-Marne a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, la décision portant refus de titre de séjour doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, celles portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer ni sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande et d'autre part, à solliciter l'annulation du jugement ainsi que celle de l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de Seine-et-Marne lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement au conseil de M. C... D... la somme de 1 000 euros sur le fondement sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2004101 du 3 juin 2021 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de Seine-et-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Magdelaine la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet de Seine-et-Marne et à Me Magdelaine.
Délibéré après l'audience publique du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.
La rapporteure,
G. B...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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