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23/03/2022 | FRANCE | N°21PA05565

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 mars 2022, 21PA05565


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 août 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2118524/8 du 30 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, après avoir admis Mme B... à l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et u

n mémoire enregistrés le 27 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Clémentine Chayé, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 août 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2118524/8 du 30 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, après avoir admis Mme B... à l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Clémentine Chayé, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2118524/8 du 30 septembre 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 août 2021 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 13 et de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé, en l'absence de mention de son enfant ;

- le préfet de police n'a pas tenu compte de l'intérêt supérieur de son enfant né postérieurement à l'arrêté contesté, en méconnaissance des dispositions précitées ;

- les autorités italiennes n'ont pas été informées de la naissance de son enfant ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet de police n'établit pas que les autorités italiennes ont confirmé l'acceptation de la demande de prise en charge implicite, en méconnaissance de l'article 10 du règlement (UE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003

Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.

Par une décision du 29 novembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis Mme B... à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- le règlement (UE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante ivoirienne, s'est présentée aux services de la préfecture de police le 22 avril 2021 à fin d'enregistrement d'une demande de protection internationale. Par un arrêté du 20 août 2021, le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes, considérées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile. Mme B... relève appel du jugement du 30 septembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que le premier juge n'a pas répondu aux moyens tirés de la méconnaissance du paragraphe 13 et de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui n'ont pas été visés. Mme B... est ainsi fondée à soutenir que l'article 2 de ce jugement est irrégulier et doit dès lors être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

4. En premier lieu, par un arrêté du 9 juin 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, le préfet de police a donné à M. C... attaché de l'administration de l'Etat, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend ".

6. En vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 du chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. En application de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. Ainsi, doit notamment être regardée comme suffisamment motivée, s'agissant d'un étranger en provenance d'un pays tiers ou d'un apatride ayant, au cours des douze mois ayant précédé le dépôt de sa demande d'asile, pénétré irrégulièrement au sein de l'espace Dublin par le biais d'un Etat membre autre que la France, la décision de transfert à fin de prise en charge qui, après avoir visé le règlement, fait référence à la consultation du fichier Eurodac sans autre précision, une telle motivation faisant apparaître que l'Etat responsable a été désigné en application du critère énoncé à l'article 13 du chapitre III du règlement.

7. L'arrêté du préfet de police du 20 août 2021 vise notamment le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que Mme B... est entrée irrégulièrement sur le territoire français et s'y est maintenue sans être munie des documents et visas exigés par les textes en vigueur. Il indique que les empreintes de Mme B... ont été relevées et ont permis d'établir, après confrontation avec les bases de données européennes " Eurodac ", qu'elle avait irrégulièrement franchi la frontière italienne le 25 janvier 2021. Il expose qu'en application de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités italiennes doivent être regardées comme étant responsables de la demande d'asile déposées par l'intéressée, que les autorités italiennes ont été saisies le 31 mai 2021 d'une demande de prise en charge en application du 1 de l'article 13 de ce règlement et ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 1er août 2021, dont elle ont été informées par message du 10 août 2021 en application de l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003. Cet arrêté précise en outre qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation, Mme B... ne relève pas des dérogations prévues aux articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Enfin, le préfet de police, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments de faits relatifs à la situation personnelle de la requérante, a examiné la situation de Mme B... au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a conclu à l'absence de risque personnel de nature à constituer une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable. Les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen doivent ainsi être écartés.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...) ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu remettre, les 21 et 22 avril 2021 contre signature, l'ensemble des informations nécessaires au suivi de sa demande d'asile et à l'engagement de la procédure de transfert, telles que la brochure d'information sur le règlement " Dublin III " contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes (brochure A), la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin III " (brochure B), la brochure d'information, rédigée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, relative à la base de données " Eurodac " ainsi que le guide du demandeur d'asile, rédigés en langue française et traduits oralement en dioula via le concours d'un interprète. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme B... n'aurait pas reçu dans une langue qu'elle comprend les éléments d'information requis par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié d'un entretien individuel, le 22 avril 2021, mené par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, au cours duquel elle a pu présenter des observations orales sur la procédure de transfert. Le compte rendu de l'entretien qui s'est déroulé en dioula ne révèle aucune difficulté de compréhension des questions qui ont été posées, auxquelles la requérante a apporté des réponses précises et substantielles. Par ailleurs, Mme B... n'apporte aucun élément circonstancié de nature à faire douter de la qualité de l'agent ayant procédé à cet entretien et du respect des conditions de confidentialité de l'entretien. Enfin, la circonstance que la qualité et le nom de la personne qualifiée ayant mené l'entretien individuel ne sont pas mentionnés dans le compte rendu de cet entretien, est sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Les articles 18 et 19 de ce règlement sont relatifs à l'établissement de " DubliNet " et aux points d'accès nationaux.

13. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'accusé de réception émis dans le cadre du réseau " DubliNet " par le point d'accès national de l'Italie, que les autorités italiennes ont été saisies le 31 mai 2021 d'une demande de prise en charge de Mme B.... Le préfet de police produit l'accusé de réception en date du 10 août 2021 notifiant l'accord implicite des autorités italiennes. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police n'apporte pas la preuve de la saisine des autorités italiennes de la demande de prise en charge.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 : " 1. Lorsque, en vertu de l'article 18, paragraphe 7, ou de l'article 20, paragraphe 1, point c), du règlement (CE) n° 343/ 2003, selon le cas, l'Etat membre requis est réputé avoir acquiescé à une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge, il incombe à l'Etat membre requérant d'engager les concertations nécessaires à l'organisation du transfert. / 2. Lorsqu'il en est prié par l'Etat membre requérant, l'Etat membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse. L'Etat membre responsable est tenu de prendre dans les meilleurs délais les dispositions nécessaires pour déterminer le lieu d'arrivée du demandeur et, le cas échéant, convenir avec l'Etat membre requérant de l'heure d'arrivée et des modalités de la remise du demandeur aux autorités compétentes ".

15. La méconnaissance de l'obligation instituée par le 2 de cet article, qui incombe à l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, en l'espèce les autorités italiennes, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision de transfert, dès lors que cet Etat membre doit être regardé, en vertu du 1 du même article, comme ayant implicitement accepté la demande formulée par les autorités françaises. Le moyen tiré de la violation du 2 de l'article 10 du règlement du 2 septembre 2003 doit dès lors être écarté comme inopérant.

16. En septième lieu, aux termes de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Aux fins du présent règlement, la situation du mineur qui accompagne le demandeur et répond à la définition de membre de la famille est indissociable de celle du membre de sa famille et relève de la responsabilité de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale dudit membre de la famille, même si le mineur n'est pas à titre individuel un demandeur, à condition que ce soit dans l'intérêt supérieur du mineur. Le même traitement est appliqué aux enfants nés après l'arrivée du demandeur sur le territoire des Etats membres, sans qu'il soit nécessaire d'entamer pour eux une nouvelle procédure de prise en charge ". Aux termes de l'article 31 de ce règlement : " 1. L'Etat membre procédant au transfert d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), communique à l'Etat membre responsable les données à caractère personnel concernant la personne à transférer qui sont adéquates, pertinentes et raisonnables, aux seules fins de s'assurer que les autorités qui sont compétentes conformément au droit national de l'Etat membre responsable sont en mesure d'apporter une assistance suffisante à cette personne, y compris les soins de santé urgents indispensables à la sauvegarde de ses intérêts essentiels, et de garantir la continuité de la protection et des droits conférés par le présent règlement et par d'autres instruments juridiques pertinents en matière d'asile. Ces données sont communiquées à l'Etat membre responsable dans un délai raisonnable avant l'exécution d'un transfert, afin que ses autorités compétentes conformément au droit national disposent d'un délai suffisant pour prendre les mesures nécessaires (...) ".

17. S'il ressort des pièces du dossier que Mme B... a donné naissance à un enfant le 30 juillet 2021, postérieurement à la saisine des autorités italiennes, ce dont l'Office français de l'immigration de l'intégration a été informé ainsi qu'en atteste un courriel du 5 août 2021 qui fait état de l'ajout de cet enfant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel relatif à la gestion du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile, il résulte de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que le préfet de police n'avait pas à entamer une nouvelle procédure de prise en charge. Le moyen tiré de ce que les autorités italiennes n'auraient pas accepté de prendre en charge l'enfant avant que soit pris l'arrêté contesté doit ainsi être écarté. Par ailleurs, la circonstance que les autorités françaises n'auraient pas procédé à l'échange d'informations prévu à l'article 31 du même règlement, qui porte sur les modalités d'exécution du transfert, est sans incidence sur la légalité de cet arrêté.

18. En huitième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Aux termes de l'article 6 de ce règlement : " L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les Etats membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

19. L'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Mme B..., en se bornant à faire état de considérations générales sur les conditions d'accueil en Italie sans apporter d'éléments de preuve et à soutenir qu'elle n'aurait pas pu déposer de demande de protection dans ce pays, sans plus apporter d'éléments de preuve, n'établit pas que sa demande d'asile serait traitée par les autorités italiennes d'une manière qui ne répondrait pas à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ou qui l'exposerait à subir des traitements inhumains et dégradants en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait bénéficier en Italie d'un suivi médical à la suite de son accouchement ni que son enfant nécessiterait des soins particuliers faisant obstacle à son transfert ou serait traité différemment dans ce pays. Par suite, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de compétence prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'intérêt supérieur de l'enfant.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 20 août 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

21. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B... doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2118524/8 du 30 septembre 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2022.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

I. BROTONSLe greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05565
Date de la décision : 23/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CHAYE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-23;21pa05565 ?
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