Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :
1°) de prescrire une expertise médicale en vue d'établir le préjudice moral subi suite au refus opposé par le directeur régional et interdépartemental de l'équipement et de l'aménagement d'Ile-de-France de modifier ses fonctions ou de lui donner une autre affectation et, plus généralement, à sa privation de fonctions effectives ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 30 000 euros au titre de la réparation des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 2007962 du 10 mai 2021, le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 juin 2021, M. A..., représenté par Me Sami Skander, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance n° 2007962 du 10 mai 2021 du juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de prescrire une expertise médicale en vue d'établir le préjudice matériel et moral subi lié à son état de santé depuis son changement d'affectation ;
3°) d'annuler la décision du 17 décembre 2013 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'aménagement et de l'équipement d'Ile-de-France a refusé sa réintégration dans des fonctions identiques à celles exercées précédemment ;
4°) d'annuler la décision du 19 février 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a affecté à Noisy-le-Grand ;
5°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de réintégration dans le poste d'inspecteur du permis de conduire à Rosny-sous-Bois ;
6°) d'enjoindre au directeur régional et interdépartemental de l'aménagement et de l'équipement d'Ile-de-France de le réintégrer dans le poste d'inspecteur du permis de conduire première classe à Rosny-sous-Bois et à l'Etat de lui attribuer les tâches effectives d'inspecteur du permis de conduire au centre d'examens de Rosny-sous-Bois ;
7°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 000 euros à titre de rappel de salaires du 1er juin 2010 au 1er mai 2012 ;
8°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts et la somme de 20 500 euros au titre des rappels de salaires auxquels il aurait eu droit s'il avait poursuivi sa carrière ;
9°) d'ordonner à l'Etat de régulariser ses droits à la retraite sur la période du 1er juin 2010 au 1er mai 2012 sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
10°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la dégradation de son état de santé est la conséquence des décisions des 17 décembre 2013 et 19 février 2016, ce qui justifie que soit ordonnée une expertise médicale ;
- la décision du 17 décembre 2013 est insuffisamment motivée, n'a pas été précédée de la consultation de la commission administrative paritaire et constitue une sanction déguisée sans mise en œuvre de la procédure disciplinaire ;
- cette décision méconnaît l'article 3 du décret du 10 décembre 1987 relatif au statut particulier du corps des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière et l'article 33 de la loi du 11 janvier 1984 ;
- elle restreint ses possibilités de mobilité professionnelle ;
- elle porte atteinte à la présomption d'innocence garantie par l'article 9-1 du code civil ;
- la décision prise le 19 février 2016 postérieurement au jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 22 décembre 2015 n'est pas motivée, méconnaît la portée du jugement, ne lui confère aucune fonction d'inspecteur du permis de conduire et méconnaît l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions nouvelles en appel sont irrecevables et ne relèvent pas de la compétence du juge des référés initialement saisi ni de la compétence de premier ressort de la Cour ;
- la mesure d'expertise demandée est dépourvue de caractère utile ;
- M. A... ne critique pas le motif de rejet de sa demande de provision et la créance ne présente pas un caractère non sérieusement contestable.
Par une ordonnance du 16 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., inspecteur du permis de conduire et de la sécurité routière alors affecté au centre d'examen du permis de conduire de Rosny-sous-Bois, a été mis en examen le 20 janvier 2010 pour complicité d'obtention indue de documents administratifs et corruption par une personne exerçant une fonction publique. A la suite d'une ordonnance du juge judiciaire du 21 janvier 2010 le plaçant sous contrôle judiciaire avec, notamment, interdiction d'exercer les activités d'inspecteur du permis de conduire, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a déchargé de ses fonctions à titre conservatoire par une décision du 22 janvier 2010 et le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire par un arrêté du même jour. Par un arrêt du 24 janvier 2012, la Cour d'appel de Paris a donné mainlevée des obligations du contrôle judiciaire. Par un arrêté du 27 avril 2012, le ministre a réintégré M. A... au sein de la direction régionale et interdépartementale de l'aménagement et de l'équipement d'Ile-de-France à compter du 1er mai 2012 et l'a affecté à l'unité départementale de Seine-Saint-Denis en tant que chargé d'études au pôle " circulation et expertise routière " du service circulation, éducation et sécurité routière situé à Bobigny. Par une décision du 17 décembre 2013, le directeur régional et interdépartemental de l'aménagement et de l'équipement d'Ile-de-France a refusé de modifier son affectation et de le réintégrer dans les fonctions d'inspecteur du permis de conduire au centre d'examen de Rosny-sous-Bois. Par un jugement du 22 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision, au motif que M. A... était en réalité privé de fonctions effectives, et a rejeté les conclusions à fin d'injonction tendant à sa réintégration au centre d'examen de Rosny-sous-Bois. Par un arrêté du 19 février 2016, pris en exécution de ce jugement, M. A... a été affecté sur un poste d'inspecteur du permis de conduire et de la sécurité routière au centre d'examen de Noisy-le-Grand à compter du 1er mars 2016. M. A... relève appel de l'ordonnance du 10 mai 2021 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à ce que soit prescrite, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une expertise médicale.
Sur les fins de non-recevoir :
2. Les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 17 décembre 2013 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'aménagement et de l'équipement d'Ile-de-France a refusé sa réintégration dans des fonctions identiques à celles exercées précédemment, de la décision du 19 février 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a affecté à Noisy-le-Grand, et de la décision implicite de rejet de sa demande de réintégration dans le poste d'inspecteur du permis de conduire à Rosny-sous-Bois, ainsi que ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 23 000 euros à titre de rappel de salaires du 1er juin 2010 au 1er mai 2012 et une provision de 20 500 euros au même titre, sont nouvelles en appel, et par suite, comme l'oppose le ministre de l'intérieur, irrecevables. Ces conclusions doivent dès lors être rejetées.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
En ce qui concerne la mesure d'expertise sollicitée :
3. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ".
4. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription. De même, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée de cette personne.
5. M. A... soutient qu'il subit un préjudice résultant de l'illégalité des décisions des 17 décembre 2013 et 19 février 2016, en tant qu'elles ne le réintègrent pas dans le poste d'inspecteur du permis de conduire à Rosny-sous-Bois qu'il occupait jusqu'en 2010. Toutefois, le premier juge a relevé que M. A... se bornait à produire des documents médicaux datés de l'année 2012, ainsi manifestement insusceptibles d'établir un lien de causalité entre l'état de santé invoqué en 2012 et les décisions contestées postérieures, ce qu'oppose également en appel le ministre, et que la demande d'expertise ne présentait dès lors aucun intérêt dans la perspective d'un litige auquel elle était susceptible de se rattacher. Le requérant ne produit aucun autre élément médical en appel que ceux déjà produits en première instance, à l'exception d'une attestation établie le 27 mai 2021 pour les besoins de l'appel dépourvue de toute précision. Par ailleurs, M. A... ne conteste pas les faits relevés par le premier juge, tirés de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de la requête qu'il a déposée devant le Tribunal administratif de Montreuil. Le ministre oppose également en appel, sans être contesté, l'inutilité de la mesure d'expertise au regard de l'irrecevabilité de l'action principale. Ainsi, outre que la demande d'expertise est formulée à l'appui de prétentions qui sont irrecevables, il résulte de ce qui précède une absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice dont M. A... demande l'évaluation et les fautes alléguées de l'Etat. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande d'expertise et à demander à ce qu'une telle expertise, dépourvue d'utilité, soit ordonnée par la Cour.
En ce qui concerne la demande de provision :
6. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ".
7. Le premier juge a rejeté les conclusions de M. A... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de provision, au motif que des conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ne sont pas recevables lorsqu'elles sont présentées concomitamment à des conclusions formulées sur le fondement de l'article R. 532-1 du même code. M. A... ne critique pas ce motif d'irrecevabilité. Les conclusions aux fins d'allocation d'une provision reprises en appel doivent dès lors être rejetées.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de cette ordonnance, de désignation d'un expert et d'allocation d'une provision doivent ainsi être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
9. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur régional et interdépartemental de l'aménagement et de l'équipement d'Ile-de-France de le réintégrer dans le poste d'inspecteur du permis de conduire première classe à Rosny-sous-Bois, à l'Etat de lui attribuer les tâches effectives d'inspecteur du permis de conduire au centre d'examens de Rosny-sous-Bois et à l'Etat de régulariser ses droits à la retraite sur la période du 1er juin 2010 au 1er mai 2012 sous astreinte de 50 euros par jour de retard doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais qu'il a exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2022.
Le rapporteur,
F. PLATILLEROLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03009