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23/03/2022 | FRANCE | N°21PA02939

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 mars 2022, 21PA02939


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2005 et 2006 mis à la charge de la société Cambronne Autos, qui lui ont été réclamés par une mise en demeure de payer du 8 février 2016 en sa qualité de redevable solidaire de cette société.

Par un jugement n° 16

20003/1-2 du 5 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2005 et 2006 mis à la charge de la société Cambronne Autos, qui lui ont été réclamés par une mise en demeure de payer du 8 février 2016 en sa qualité de redevable solidaire de cette société.

Par un jugement n° 1620003/1-2 du 5 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 127 878 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt n° 18PA00337 du 27 juin 2019, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par une décision n° 434065 du 26 mai 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 27 juin 2019 et renvoyé l'affaire devant ladite Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 janvier 2018, 20 novembre 2018 et 20 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Maud Duceux, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1620003/1-2 du 5 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge résultant de la sous-évaluation des charges déductibles du résultat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le montant des charges tel qu'évalué par le service à l'issue des opérations de contrôle est erroné ; il produit les factures, les bulletins de salaires, les relevés bancaires, la copie des chèques ainsi que d'autres documents justifiant des dépenses engagées par la société dont il était le gérant.

- les charges admises par le vérificateur correspondent aux seules factures d'achat de véhicules Honda et à divers frais de maintenance, de fournitures, de charges locatives, à l'exception des salaires et des taxes ;

- l'administration a admis l'existence de factures de charges pour 2 739 646 euros au titre de 2005 et 2 633 837 euros au titre de 2006 ;

- l'ensemble des salaires et des charges sociales ont été justifiées ;

- les frais bancaires sont justifiés ;

- la taxe professionnelle, la contribution sociale de solidarité et la contribution additionnelle sont justifiées.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 mai 2018, 26 juillet et 8 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2021.

Un mémoire a été présenté le 18 janvier 2022 par M. B..., après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement devenu définitif du 17 juin 2011, le Tribunal de grande instance de Paris statuant en matière correctionnelle a reconnu M. B..., gérant de droit de la société Cambronne Autos, coupable de fraude fiscale, l'a condamné à vingt mois d'emprisonnement avec sursis et l'a déclaré solidairement responsable du paiement des impôts éludés par la société Cambronne Autos, en application de l'article 1745 du code général des impôts. Par une mise en demeure du 8 février 2016, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Paris Sud-ouest a réclamé le paiement des impositions éludées par la société Cambronne Autos à M. B..., qui a contesté leur bien-fondé par un courrier du 22 mars 2016. M. B... relève appel du jugement du 5 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2005 et en 2006 et des pénalités y afférentes dont le paiement lui est réclamé en sa qualité de débiteur solidaire, en invoquant une sous-évaluation, par l'administration fiscale, des charges déductibles du résultat de la société.

2. La Sarl Cambronne Autos, qui a été mise en liquidation judiciaire le 2 juillet 2009, exerçait, jusqu'au 31 décembre 2007, l'activité d'achat-revente de véhicules automobiles neufs et d'occasion, de pièces détachées et d'atelier de réparation automobile et de location de parking. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de ses exercices clos en 2005 et 2006 à l'issue de laquelle l'administration, après avoir dressé un procès-verbal de défaut de comptabilité le 9 juin 2008, a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires et de son résultat. A ce titre, elle a admis, en l'absence de production de tout élément comptable, une déduction de charges à hauteur de 75 % du chiffre d'affaires reconstitué, soit, selon elle, le taux moyen de charges constaté pour un échantillon de trente-cinq entreprises comparables, charges d'impôts et taxes, charges sociales et dotations d'exploitation sur immobilisations et amortissements non comprises. Le montant des charges admises en déduction par le vérificateur s'élevait à 2 827 972 euros au titre de 2005 et à 2 741 547 euros au titre de 2006.

3. La société Cambronne Autos a été taxée d'office au titre de l'exercice clos en 2005 et est réputée avoir tacitement accepté les rehaussements, à défaut de réponse dans les délais impartis à la proposition de rectification du 30 octobre 2008, en ce qui concerne l'exercice clos en 2006. Par suite, et en application des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, il appartient à M. B... d'apporter la preuve de l'absence de bien-fondé ou de l'exagération des impositions mises à la charge de la société.

4. Il résulte de l'instruction que si M. B... fait valoir, par la production de factures, que la société a supporté, à hauteur de 2 739 646 euros en 2005 et à hauteur de 2 633 837 euros en 2006 des charges d'achat de véhicules et de pièces détachées auprès de la société Honda, il est impossible d'apprécier l'impact de ces charges sur le résultat taxable en l'absence notamment d'inventaire dans le cadre d'une comptabilité régulière ou de toute pièce permettant de déterminer si les biens en cause ont le caractère d'achat revendu au cours de la période considérée, les achats de biens pouvant donner lieu tant à des produits taxables pris en compte au titre des produits estimés par le service sur la base des encaissements bancaires, qu'à une valorisation des stocks de l'entreprise. La circonstance que les factures en cause aient été prises en compte par l'administration fiscale au titre de la taxe sur la valeur ajoutée déductible est sans influence sur l'issue du présent litige, les règles relatives à la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée étant indépendantes de celles relatives à la détermination du résultat. Si le requérant sollicite également la prise en compte des frais bancaires et des salaires, et produit à cet égard des extraits de compte et plusieurs relevés bancaires ainsi que des bulletins de salaire de son personnel et des " relevés individuels " reprenant les salaires de ses employés, il ne démontre pas, compte tenu de ce qui vient d'être dit en ce qui concerne la détermination des achats ayant une influence sur le résultat taxable, que les dépenses de personnel ainsi que les frais bancaires n'auraient pas été pris en compte par le service lors de la détermination d'un taux de charge de 75 %.

5. Toutefois, le taux de charge de 75 % ayant été déterminé sur la base d'un échantillon de trente-cinq entreprises comparables, charges d'impôts et taxes, charges sociales et dotations d'exploitation sur immobilisations et amortissements non comprises, M. B... est fondé à demander la prise en compte de la taxe professionnelle, de la contribution sociale de solidarité et la contribution additionnelle ainsi que des charges sociales à hauteur des montants justifiés par les pièces du dossier.

6. S'agissant en premier lieu des cotisations sociales, elles doivent être comprises dans les charges de l'exercice au cours duquel l'entreprise s'est reconnue débitrice des droits en cause, soit par l'inscription à un compte de charges à payer, soit par le paiement. Si le requérant se prévaut d'un montant de 243 439 euros pour l'exercice clos en 2005 et de 219 510 euros pour l'exercice clos en 2006, et produit des déclarations de cotisations sociales, des rectos de chèques versés aux organismes sociaux et des relevés bancaires indiquant des débits, il n'est possible d'effectuer un recoupement de l'ensemble de ces éléments, permettant de s'assurer du paiement de charges sociales, que pour les sommes de 2 169 euros, 2 418 euros, 2 290 euros, 11 822 euros et 13 785 euros au titre de l'année 2005 et pour les sommes de 2 595 euros, 2 595 euros, 2 355 euros, 2 169 euros, 11 219 euros et 11 571 euros au titre de l'année 2006. Pour le surplus, M. B... se borne à produire la preuve d'un versement réalisé en 2007, des actes de poursuite qui ne sont pas rattachés à des exercices particuliers, un courrier du 20 octobre 2006 qui reconnait l'existence d'une dette pour la période du 1er mars 2005 au 30 septembre 2006 sans qu'il soit possible de faire le partage entre les deux exercices, ainsi que des copies de chèques à des organismes sociaux dont il est impossible d'apprécier l'objet et l'exercice de rattachement. Les montants de cotisations sociales dont le requérant établit le caractère déductible s'élèvent donc à 32 484 euros pour 2005 et 32 504 euros pour 2006.

7. S'agissant en second lieu des taxes, si M. B... se prévaut de la déductibilité de droits hors majoration pour un montant de 53 331 euros pour l'exercice clos en 2005 et de 53 933 euros pour l'exercice clos en 2006, la Cour ne trouve au dossier que des justificatifs de droits de taxe professionnelle 2005 pour un montant de 33 387 euros, de contribution sociale de solidarité 2005 pour un montant de 9 338 euros et de taxe professionnelle 2006 pour un montant de 34 539 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander que la base imposable de la société Cambronne Autos à l'impôt sur les sociétés soit réduite de 75 209 euros au titre de l'exercice clos en 2005, et de 67 043 euros au titre de l'exercice clos en 2006, et la décharge, en droits et pénalités, des impositions correspondantes. Pour le surplus, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La base imposable de la société Cambronne Autos à l'impôt sur les sociétés est réduite de 75 209 euros au titre de l'exercice clos en 2005 et de 67 043 euros au titre de l'exercice clos en 2006.

Article 2 : La société Cambronne Autos est déchargée, en droits et pénalités, de l'impôt sur les sociétés mis à sa charge et dont M. B... est redevable solidaire, en conséquence de la réduction des bases d'imposition prononcée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 1620003/1-2 du 5 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2022.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA02939


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02939
Date de la décision : 23/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET LAURANT et MICHAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-23;21pa02939 ?
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