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23/03/2022 | FRANCE | N°21PA01547

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 mars 2022, 21PA01547


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Leajes a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2014, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er novembre 2014 au 29 février 2016 et de la contribution pour l'audiovisuel public qui lui a été réclamée au titre des années 2014 et 2015, ainsi que de l'amende prévue à l'article

1759 du code général des impôts qui lui a été infligée.

Par un jugement n° 192191...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Leajes a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2014, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er novembre 2014 au 29 février 2016 et de la contribution pour l'audiovisuel public qui lui a été réclamée au titre des années 2014 et 2015, ainsi que de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts qui lui a été infligée.

Par un jugement n° 1921915/2-2 du 25 janvier 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2021, régularisée le 29 mars 2021, la société Leajes, représentée par Me Mabrouk Sassi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1921915/2-2 du 25 janvier 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicité devant le tribunal.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; elle est fondée à se prévaloir de l'article L. 80 CA du même livre ;

- la reconstitution de son chiffre d'affaires est erronée ;

- en l'absence de distribution de revenus, c'est à bon droit qu'elle n'a pas répondu à la demande d'identification des bénéficiaires ;

- compte tenu de l'utilisation des téléviseurs, la contribution à l'audiovisuel public n'est pas due ;

- les pénalités pour manœuvres frauduleuses méconnaissent l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de moyens d'appel ;

- les moyens invoqués par la société Leajes ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au

24 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Leajes, qui exploite des salles de sport, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 1er décembre 2016 lui a été notifiée. Au terme de la procédure, elle a été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2014, assortie des intérêts de retard et de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, en l'absence de dépôt de la déclaration de résultat malgré l'envoi d'une mise en demeure, à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er novembre 2014 au 29 février 2016, assorti des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du même code général des impôts, à l'exception des mois de novembre et décembre 2014 pour lesquels la majoration de 40 % prévue par le b du 1 de l'article 1728 de ce code a été appliquée en l'absence de dépôt des déclarations, et à la contribution pour l'audiovisuel public au titre des années 2014 et 2015, assortie des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue au a du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, l'amende prévue à l'article 1759 dudit code lui étant également infligée. La société Leajes relève appel du jugement du 25 janvier 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions ainsi que de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts.

Sur la contribution à l'audiovisuel public :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale (...) ". Aux termes de l'article R. 351-2 du même code : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le jugement attaqué, en tant qu'il rejette les conclusions portant sur la contribution à l'audiovisuel public, n'est pas susceptible d'appel. Il y a lieu, en conséquence, de transmettre, dans cette mesure, au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de la société Leajes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ".

5. Il résulte de la proposition de rectification du 1er décembre 2016 qu'après avoir écarté la comptabilité de la société Leajes en l'absence de pièces justificatives des produits et des charges et des fichiers des écritures comptables complets, l'administration a reconstitué le chiffre d'affaires hors taxes de l'exercice 2014 à partir des crédits constatés sur les comptes bancaires de la société obtenus à la suite de l'exercice du droit de communication, auquel elle a appliqué un pourcentage forfaitaire de charges de 45 % pour tenir compte de la réalité économique de toute entreprise, et non pas par comparaison avec d'autres entreprises qu'elle aurait précisément identifiées, en l'absence de tout autre élément pour évaluer ces charges, tel que déclarations fiscales ou pièces justificatives de charges. Ainsi, les bases et éléments servant au calcul de l'imposition d'office et ses modalités de détermination ont été suffisamment portées à la connaissance de la société Leajes, qui a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office sur le fondement du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales en matière d'impôt sur les sociétés dont la régularité n'est pas contestée et ne peut dès lors utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 57 du même livre. Par suite, le moyen tiré de l'application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales doit également être écarté. Par ailleurs, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, le moyen tiré de ce que l'administration aurait insuffisamment motivé le pourcentage de charges retenues est inopérant, dès lors que l'administration ne s'est pas référée à un tel pourcentage.

Sur le bien-fondé des impositions :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

7. D'une part, à supposer que la société Leajes ait entendu contester la détermination de son résultat imposable en matière d'impôt sur les sociétés, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales de l'exagération de l'imposition résultant de la reconstitution à partir des encaissements bancaires et de l'application d'un pourcentage de charges de 45 %, en se bornant à se prévaloir de " décaissements " sans apporter aucun justificatif. D'autre part, pour les mêmes motifs, la société Leajes n'apporte pas la preuve de l'exagération du rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er novembre au 31 décembre 2014, qui a également fait l'objet d'une taxation d'office.

8. En deuxième lieu, à supposer qu'en faisant état de " décaissements " dont l'administration aurait dû tenir compte, la société Leajes entende soutenir qu'un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible devrait être déduit du montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, elle n'apporte aucun justificatif à l'appui de ses allégations, permettant de valablement contester le montant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période postérieure à celle mentionnée au point précédent.

9. En troisième lieu, à supposer qu'en se prévalant de " décaissements ", la société Leajes ait entendu contester le rappel de taxe sur la valeur ajoutée déductible opéré au titre du mois de février 2016 pour un montant de 13 949 euros, elle n'a produit aucune facture de nature à justifier ce montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible, pas plus d'ailleurs que tout autre élément justificatif.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

11. Ainsi qu'il a été rappelé au point 1, la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses prévue au c) de l'article 1729 du code général des impôts n'a pas été appliquée à la société Leajes. Le moyen tiré de ce que cette majoration méconnaîtrait les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est ainsi inopérant.

Sur l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :

12. D'une part, aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % ".

13. D'autre part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe II à ce code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ".

14. Il résulte de l'instruction que, en application de l'article 117 du code général des impôts, l'administration a demandé à la société Leajes, dans la proposition de rectification du 1er décembre 2016, de désigner les bénéficiaires de la somme de 115 007 euros correspondant au montant des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2014, regardée comme distribuée en application du 1° du 1 de l'article 109 de ce code. En l'absence de réponse de la société, elle a appliqué l'amende prévue à l'article 1759 du même code dans la réponse aux observations du contribuable du 7 avril 2017.

15. D'une part, compte tenu de ce qui a été dit précédemment en matière de bien-fondé des impositions, l'existence d'une masse distribuable est établie, contrairement à ce que soutient la société Leajes. D'autre part, en application des dispositions mentionnées au point 13, la somme en litige constitue un revenu distribué, dès lors qu'il est constant que cette somme n'a pas fait l'objet d'une délibération des associés décidant de sa mise en réserve ou de son incorporation au capital. Dans ces conditions, la société Leajes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration lui a infligé l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la société Leajes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2014, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er novembre 2014 au 29 février 2016, ainsi que de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. Le surplus des conclusions de sa requête doit dès lors être rejeté.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de la société Leajes en tant qu'elles portent sur la contribution à l'audiovisuel public sont renvoyées au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Leajes est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Leajes et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2022.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01547


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01547
Date de la décision : 23/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SASSI SOCIÉTÉ D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-23;21pa01547 ?
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