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23/03/2022 | FRANCE | N°21PA01324

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 mars 2022, 21PA01324


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Car Marketing System a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction, en droits et majorations, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2016.

Par un jugement n° 1907384/1-2 du 19 janvier 2021, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure

devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2021, la société Car Marketing Sy...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Car Marketing System a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction, en droits et majorations, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2016.

Par un jugement n° 1907384/1-2 du 19 janvier 2021, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2021, la société Car Marketing System, représentée par Me Olivier Goldstein, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1907384/1-2 du 19 janvier 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la réduction sollicitée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, son devoir de loyauté et le principe des droits de la défense ;

- elle était fondée à exonérer de taxe sur la valeur ajoutée la livraison de trois véhicules au Portugal.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société Car Marketing System ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 31 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Car Marketing System, qui a pour objet social la location avec option d'achat et la vente de véhicules haute gamme de seconde main, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration a notamment remis en cause, par une proposition de rectification du 13 décembre 2016, l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 262 ter du code général des impôts s'agissant de trois véhicules vendus à la société portugaise Genius Sequence. Au terme de la procédure, elle a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2016, assortis des intérêts de retard. La société Car Marketing System relève appel du jugement du 19 janvier 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés, en tant qu'ils procèdent de la remise en cause de l'exonération précitée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties, ont, après avoir rappelé les règles de preuve au point 9 du jugement attaqué, suffisamment répondu, au point 10, au moyen tiré du caractère infondé de la remise en cause de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 262 ter du code général des impôts s'agissant de trois véhicules vendus à la société portugaise Genius Sequence. La société Car Marketing System n'est dès lors pas fondée à soutenir que ce jugement serait insuffisamment motivé.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

5. D'une part, la société Car Marketing System soutient que l'administration ne lui a pas communiqué la réponse du 21 février 2017 des autorités portugaises à une demande d'assistance administrative internationale adressée le 13 décembre 2016, sur laquelle elle s'est fondée, non pas pour établir les rectifications notifiées, lesquelles reposaient sur l'absence de toute preuve du transport effectif des biens hors de France, mais pour confirmer lesdites rectifications au stade de la réponse aux observations du contribuable du 12 avril 2017. Elle n'apporte toutefois aucune preuve de l'existence d'une demande de communication de ce document avant la mise en recouvrement des impositions, en se bornant à se prévaloir d'une demande orale qui n'aurait laissé aucune trace.

6. D'autre part, la société Car Marketing System fait valoir qu'elle n'a pas été informée de l'origine et de la teneur de documents qui lui ont été opposés au stade de l'entretien avec l'interlocuteur départemental qui s'est tenu le 21 juin 2018. Toutefois, ces documents n'ont pas été utilisés pour fonder les rectifications et ne relèvent dès lors pas de l'obligation prévue à l'article L.76 B. Au demeurant, par un courrier du 29 juin 2018, qui mentionnait expressément l'origine de ces documents, l'interlocuteur départemental lui a communiqué lesdits documents, issus de la consultation du système d'immatriculation des véhicules et comportant la facture obtenue de la société VOB s'agissant de l'un des trois véhicules en cause. Et dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la société requérante n'aurait pas disposé du temps nécessaire avant la mise en recouvrement, intervenue pourtant un mois plus tard, pour discuter des documents communiqués par l'interlocuteur départemental, ne peut qu'être écarté comme manifestement infondé.

7. Il résulte de ce que ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'administration aurait manqué aux obligations qui résultent de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la société Car Marketing System n'est pas fondée à se prévaloir d'une méconnaissance par l'administration de son devoir de loyauté et du principe des droits de la défense.

Sur le bien-fondé des impositions :

8. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes du I de l'article 258 du même code : " Le lieu de livraison de biens meubles corporels est réputé se situer en France lorsque le bien se trouve en France : (...) c. lors de la mise à disposition de l'acquéreur, en l'absence d'expédition ou de transport (...) ". Enfin, aux termes de l'article 262 ter de ce code : " I. Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons intracommunautaires de biens est notamment subordonnée à la condition, d'une part, que l'acquéreur des biens soit assujetti à cette taxe ou ait la qualité de personne morale non assujettie et ne bénéficiant pas, dans l'Etat membre dans lequel elle est établie, d'un régime dérogatoire l'autorisant à ne pas soumettre à la taxe ses acquisitions intracommunautaires, et, d'autre part, que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d'un autre Etat membre.

9. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération. S'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne, pour l'application des dispositions de l'article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est en mesure de produire les documents afférents au transport de la marchandise, lorsqu'il l'a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l'acquéreur.

10. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 13 décembre 2016, que l'administration a remis en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'avait appliquée la société Car Marketing System sur le fondement de l'article 262 ter du code général des impôts à raison de la vente de trois véhicules de marque Mercedes, BMW et Porsche à la société portugaise Genius Sequence, au motif que la société requérante, qui s'était bornée à alléguer que les véhicules auraient été enlevés par l'acheteur qui se serait déplacé lui-même, n'avait pas produit de documents de transport ou tout autre document probant justifiant du transfert physique des véhicules de la France vers le Portugal. En outre, il résulte de la réponse du 21 février 2017 à une demande d'assistance administrative internationale que les autorités portugaises ont constaté l'absence de documents douaniers confirmant l'entrée des véhicules sur le territoire portugais et l'absence de comptabilisation de factures d'achat ou de vente de ces véhicules par la société Genius Sequence. Enfin, il résulte des éléments issus de la consultation du système d'immatriculation des véhicules que ceux-ci ont fait l'objet de reventes subséquentes à des clients domiciliés en France. Face à ces éléments, la société Car Marketing System se prévaut de trois attestations établies par la société Genius Sequence le 12 décembre 2016, soit postérieurement aux livraisons alléguées des véhicules et en cours de contrôle, et de déclarations d'échanges de biens, qui en tout état de cause ne suffisent pas à justifier d'une livraison effective hors de France et dont au demeurant une seule identifie un véhicule vendu à destination du Portugal, la seconde comportant un identifiant d'acquéreur situé en Belgique sans que la requérante ne justifie d'une " erreur de plume ". Elle se prévaut également d'une copie de la carte d'identité de la représentante légale de la société Genius Sequence ainsi que d'un extrait K-bis de cette société et des vérifications de la situation de l'acquéreur qu'elle aurait faites, ainsi que d'un extrait de sa comptabilité faisant apparaitre les ventes et de la copie de ses relevés bancaires qui attestent d'un règlement depuis le compte bancaire portugais de la société Genius Sequence, sans d'ailleurs apporter aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles la société portugaise aurait procédé à l'enregistrement comptable des achats postérieurement à la réponse des autorités portugaises précitée. Enfin, face aux éléments issus du système d'immatriculation des véhicules, la société Car Marketing System se borne à alléguer que les données seraient inexactes s'agissant d'un véhicule et qu'elles n'excluent pas l'expédition des véhicules avant leur réacheminement en France. Toutefois, aucun des documents produits par la société n'est de nature à établir la livraison effective des biens en cause au Portugal, les attestations établies a postériori par la société portugaise ne comportant aucune précision relative au transport des biens hors de France.

11. Dans ces conditions, la société Car Marketing System n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité d'une livraison intracommunautaire des biens en cause et, dès lors à justifier l'exonération dont elle se prévaut, outre le fait qu'elle ne contredit pas efficacement les arguments avancés par l'administration, de nature à faire douter de la réalité desdites livraisons. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 262 ter du code général des impôts au titre de la vente de ces véhicules. A cet égard, dès lors que la réalité de livraisons intracommunautaires n'est pas établie, la société Car Marketing System n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les principes de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et de sécurité juridique.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Car Marketing System n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de réduction, en droits et majorations, de l'imposition en litige doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Car Marketing System demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Car Marketing System est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Car Marketing System et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2022.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01324


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01324
Date de la décision : 23/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELARL REINHART MARVILLE TORRE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-23;21pa01324 ?
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