Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) JJ Ory et Partners a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution d'un crédit d'impôt recherche de 100 063 euros au titre de l'année 2013.
Par un jugement n° 1803577/2-3 du 10 décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 février 2021, le 16 février 2021 et le 21 juillet 2021, la SARL JJ Ory et Partners, représentée par Me Pery, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1803577/2-3 du 10 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre principal, de prononcer la restitution d'un crédit d'impôt recherche de 100 063 euros au titre de l'année 2013 ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise sur l'éligibilité de ses travaux ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'éligibilité des ses dépenses a été mal évaluée par les experts ;
- la position de l'expert missionné par l'administration est contraire à l'article 49 septies F de l'annexe III du code général des impôts et à la doctrine publiée sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20161102 ;
- l'expert qu'elle a missionné confirme l'éligibilité de ses projets.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 juin 2021 et le 23 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,
- et les observations de Me Pery, avocate de la SARL JJ Ory et Partners.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL JJ Ory et Partners, qui exerce une activité d'agence d'architecture, a déposé le 30 mai 2016 une demande de restitution du crédit d'impôt en faveur de la recherche au titre de l'année 2013, pour un montant de 103 063 euros. Cette demande a fait l'objet d'une décision de rejet le 26 décembre 2017, confirmée, après une contre-expertise, par une décision du 7 juin 2018. Elle fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit accordé la restitution d'un crédit d'impôt recherche de 100 063 euros au titre de l'année 2013.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) ". En application de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code, sont considérées comme opérations de recherche scientifique et technique, pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts : " a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ". Aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de redressement, être vérifiée par des agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie ". Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de bénéficier du crédit d'impôt recherche prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts.
3. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports des deux expertises réalisées les 11 décembre 2017 et 28 mai 2018 par deux experts du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, mais également du rapport réalisé par un troisième architecte expert à la demande de la requérante, qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges les deux programmes au titre desquels le crédit d'impôt en litige était demandé, intitulés " Construction durable : expérimentation de solutions architecturales basées sur des approches d'intégration paysagère ou biomimétique " et " La réhabilitation durable par la transformation d'usage et l'innovation architecturale et technologique ", portant respectivement sur deux projets de construction neuve et trois projets de transformation d'immeubles de bureaux et d'un établissement pénitentiaire en immeubles d'habitation, mettent en évidence, sur chacun de ces cinq projets, le traitement de problématiques qui, malgré leur dimension technique liée à la prise en compte des performances environnementales à atteindre et aux choix architecturaux impliquant des matériaux et techniques innovants, ne relèvent pas de la recherche au sens des dispositions précitées du code général des impôts, mais de problématiques classiques dans la conception de projets architecturaux, donnant lieu à l'utilisation de solutions faisant appel aux savoir-faire et pratiques répandus dans le domaine de l'architecture et de l'urbanisme contemporains.
4. La note technique complémentaire, établie le 23 mars 2021 par l'architecte expert missionné par la requérante et produite en appel, qui fait valoir que chaque projet architectural est unique, ne permet pas plus de tenir pour établi que les deux programmes en cause, ni aucun des cinq projets architecturaux qu'ils concernent, auraient concouru, au-delà de l'amélioration du savoir-faire et des méthodologies qui en résultent, à lever des verrous scientifiques, techniques ou technologiques par rapport à un état de l'art existant, ni qu'ils y auraient apporté des solutions innovantes et reproductibles. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dépenses, à hauteur de 100 063 euros, consacrées à ces deux programmes remplissent les conditions lui permettant de bénéficier du crédit d'impôt recherche prévu à l'article 244 quater B précité du code général des impôts.
Sur la garantie contre les changements de doctrine :
5. La requérante ne peut utilement invoquer les termes de la documentation administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20161102, publiée le 2 novembre 2016, dès lors que ce paragraphe ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dépens et des frais de l'instance ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL JJ Ory et Partners est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée JJ Ory et Partners et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).
Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2022.
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00640