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23/03/2022 | FRANCE | N°20PA01758

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 mars 2022, 20PA01758


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Pearly Investissements a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française :

1°) de prononcer la décharge des sommes réclamées pour les années 2009 à 2014, soit la somme totale de 4 263 579 F CFP, et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des sommes réclamées pour les années 2014 à 2019 et des pénalités correspondantes ;

3°) de prononcer la nullité des commandements de payer, des relevés valant titres exécutoires des années 2015, 2

017, 2018 et 2019, ainsi que des saisies réalisées entre 2009 et novembre 2014 ;

4°) d'ordonner la comm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Pearly Investissements a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française :

1°) de prononcer la décharge des sommes réclamées pour les années 2009 à 2014, soit la somme totale de 4 263 579 F CFP, et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des sommes réclamées pour les années 2014 à 2019 et des pénalités correspondantes ;

3°) de prononcer la nullité des commandements de payer, des relevés valant titres exécutoires des années 2015, 2017, 2018 et 2019, ainsi que des saisies réalisées entre 2009 et novembre 2014 ;

4°) d'ordonner la communication des dates et des montants de saisies effectuées pour les années 2014 à 2019 afin d'établir la réalité des comptes entre les parties et de vérifier leur exigibilité ;

5°) de mettre à la charge de la Paierie de la Polynésie française une somme de

185 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900456 du 19 mai 2020, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 juillet, 8 octobre, 18 décembre 2020 et 25 janvier 2022, la société Pearly Investissements, représentée par Me Arcus Usang, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du 19 mai 2020 ;

2°) de rejeter les mémoires en défense du Ministre de l'Etat à titre principal pour défaut de qualité à agir au nom du Payeur de la Polynésie Française, et à titre subsidiaire sur le fond ;

3°) d'annuler les saisies sur la période 2009-2014 pour le montant de 4 623 579 CFP correspondant aux remboursements des crédits de TVA effectués par la DICP ;

4°) d'ordonner le rembourser la somme de 2 639 580 CFP correspondant au solde entre la somme saisie 4 623 579 - 1 983 999 réglée par la paierie entre 2011 et 2014 ;

5°) d'annuler la somme de 4 076 767 CFP inscrite aux lignes 9, 12 à 16 du tableau A, ainsi que les pénalités afférentes ;

6°) de condamner la Paierie à rembourser la somme de 26 128 CFP correspondant aux frais de la sommation interpellative du 3 septembre 2020 ;

7°) de condamner la Paierie à lui payer la somme de 1 500 euros par mois de mai 2021 à aujourd'hui, indemnité accordée par le fonds de solidarité créé en raison de la situation due au COVID-19 ;

8°) de condamner la Paierie à rembourser la somme de 309 950 CFP correspondant aux saisies effectuées sur les sommes accordées par le SEFI aux employées pour l'année 2020 ;

9°) de condamner la Paierie à lui payer la somme de 6 500 euros en application de l'article 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens sérieux qui leur étaient soumis ni examiné les demandes de communication de pièces et ont ainsi méconnu l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les actes de saisie ne lui ont pas été communiqués en méconnaissance de l'article Lp 742-10 du code des impôts ;

- la clôture de l'instruction n'est pas visée ;

- l'ordonnance de réouverture d'instruction n'a été prise que le 16 avril 2020, deux jours après le dépôt du mémoire de la Paierie, et non le 27 mars 2020, date de publication au journal officiel de l'ordonnance 2020-305 du 25 mars 2020, ce qui révèle la partialité du tribunal ;

- elle n'a pas eu le même délai que la Paierie pour présenter ses observations ;

- les moyens de la Paierie n'ont pas été visés ;

- l'article 611-10 du code de justice administrative a été méconnu ;

- compte tenu des sommes réclamées par la Paierie et des crédits de taxe et des dégrèvements obtenus, la somme due ne peut en tout état de cause être supérieure à 1 557 479 XPF ;

- considérer le défaut d'envoi des avis de compensation comme un moyen tiré de la régularité en la forme de l'acte entraine une atteinte au principe du contradictoire ;

- les articles L. 281 et R.257 B-1 du livre des procédures fiscales ne peuvent conduire à la saisine du juge judiciaire en l'absence du juge de l'exécution en Polynésie française ;

- les avis de compensation étant de simples documents informatifs, ils ne peuvent être contestés devant le juge de l'exécution ;

- les articles LP 742-10 et LP 750 ont été méconnus ;

- l'absence de communication des avis de compensation porte atteinte au contradictoire et aux droits de la défense ;

- on ne saurait réclamer une dette sur la période 2009-2014 ; il convient d'examiner si la compensation n'a pas été faite sur une période prescrite, sauf à méconnaitre l'alinéa 3 de la loi du pays 2016-39 du décembre 2016 ;

- on ne saurait opposer au contribuable l'irrecevabilité de sa contestation du caractère prescrit de de la période 2009-2014, dès lors que les avis de compensation ne lui ont pas été communiqués ;

- la Paierie a affecté les sommes dues à la requérante à des impositions dues au titre d'années prescrites ;

- en conséquence, la Paierie a violé les dispositions de l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 2, 8, 13, 14, 15, 16, 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et des articles L211-2, 3,5, et L300-1, L300-2 du Code des relations entre le public et l'administration ;

- les premiers juges ont méconnu les dispositions des articles LP 722-1, et 722-2-1 de la loi du pays LP 2016-39 du 6 décembre 2016 qui obligent le comptable public à notifier les avis à tiers détenteur (ATD) au redevable par envoi recommandé avec accusé de réception ;

- les commandements, les ATD et les avis de compensation sont nuls en raison de l'absence d'exigibilité des sommes dues ;

- les sommes relatives aux années 2009-2014 sont prescrites, aucun ATD n'ayant été notifié, et les ATD de 2015 et 2016 étant des faux, ainsi que les CP 2015 et 2017 ;

- les actes de poursuite n'indiquent pas les bases de liquidation de la dette ;

- les ATD 2016 à 2019 expédiés par la banque Socreido ne lui ont pas été notifiés ;

- la somme de 721 721 XPF est prescrite ;

- la somme de 805 131 XPF a été dégrevée ;

- la somme de 3 355 046 XPF n'a pas fait l'objet d'ATD régulièrement notifiés ;

- elle est en droit de réclamer le paiement de tous les crédits de taxe sur la valeur ajoutée admis en remboursement par la DICP d'octobre 2014 à novembre 2019 ;

- le total des sommes à lui verser s'élève à 3.706.250 XPF ;

- le conflit fiscal procédant de la faute du service l'a privée de l'aide forfaitaire de 1 500 euros par mois pendant trois mois prévu en raison de la pandémie de Covid-19 ;

- le bordereau de situation du 17 novembre 2020 est entaché d'irrégularités ;

- le ministre n'a pas qualité pour présenter un mémoire devant la Cour ;

- elle est fondée à engager un contentieux de recouvrement ;

- les conclusions relatives aux saisies sont de la compétence de la juridiction administrative ;

- certaines des mesures de poursuite incriminées sont entachées de faux ;

- l'égalité devant la loi et la loyauté des débats ont été méconnus ;

- en l'absence de production des commandements de payer invoqués et de production des détails des bases de calcul des mesures de poursuite, les droits de la défense et l'égalité des armes sont méconnus ;

- les passages de ses écritures dont le ministre demande la suppression n'ont pas de caractère injurieux.

Par des mémoires en défense enregistrés les 22 décembre 2021 et 11 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et à la suppression de passages figurant dans les mémoires de la société requérante.

Il soutient que :

- les conclusions d'assiette ainsi que les conclusions indemnitaires ne sont pas recevables ;

- les passages injurieux des écritures de la société requérante doivent être supprimés ;

- les moyens soulevés par la société Pearly Investissement ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

25 janvier 2022.

Par un courrier en date du 27 janvier 2022, le président de la 2ème chambre de la Cour a informé les parties que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions tendant à la condamnation de la Paierie à payer à la société requérante la somme de 1 500 euros par mois, de mai 2021 à aujourd'hui, indemnité accordée par le fonds de solidarité créé en raison de la situation due au COVID-19, les conclusions tendant à la réparation du préjudice subi et les conclusions tendant au remboursement des frais de sommation interpellative sont nouvelles en appel et par suite irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Une note en délibéré, enregistrée le 16 mars 2022, a été présentée par Me Usang pour la société Pearly Investissements.

Considérant ce qui suit :

1. La société Pearly Investissements a reçu en 2015, 2017, puis le 22 mars 2019 des commandements de payer portant notamment sur des impositions dues au titre de la contribution de la patente et de l'impôt sur les sociétés pour les années 2009 à 2019, pour un montant total de 4 995 928 FCFP. Par une réclamation du 12 juillet 2019, elle a souhaité que sa dette fiscale soit compensée par son crédit de taxe sur la valeur ajoutée. Par courrier du 18 juillet 2018, l'administration fiscale a accepté le principe de la compensation, tout en communiquant un bordereau de situation au titre des impôts restant dus par la société requérante. Par une nouvelle réclamation du 21 août 2019, la société requérante a remis en cause l'exigibilité de sa dette et les modalités de son recouvrement. Par la présente requête, la société Pearly Investissements relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge et demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures, " d'annuler les saisies sur la période 2009-2014 pour le montant de 4 623 579 CFP correspondant aux remboursements des crédits de TVA effectués par la DICP ", " d'ordonner le rembourser la somme de 2 639 580 CFP correspondant au solde entre la somme saisie 4 623 579 - 1 983 999 réglée par la paierie entre 2011 et 2014 ", " d'annuler la somme de 4 076 767 CFP inscrite aux lignes 9, 12 à 16 du tableau A, ainsi que les pénalités afférentes ", et de condamner la Paierie " à rembourser la somme de

26 128 CFP correspondant aux frais de la sommation interpellative du 3 septembre 2020 ", " à lui payer la somme de 1 500 euros par mois de mai 2021 à aujourd'hui, indemnité accordée par le fonds de solidarité créé en raison de la situation due au COVID-19 " et " à rembourser la somme de 309 950 CFP correspondant aux saisies effectuées sur les sommes accordées par le SEFI aux employées pour l'année 2020 ".

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, les premiers juges ont statué sur les moyens qui leur étaient soumis relatifs à l'obligation de payer les sommes mises à la charge de la société Pearly Investissements et tenant notamment à ce que les crédits de taxe dont elle se prévalait avaient été imputés sur des sommes prescrites. Les erreurs de droit qu'ils ont pu commettre en rejetant les moyens présentés à ce titre sont sans influence sur la régularité du jugement. De même, la circonstance que, compte tenu des motifs retenus pour écarter les moyens, ils aient estimé inutile de faire droit à la demande de communication de pièces qui leur avait été présentée, n'est pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité, notamment au regard des dispositions de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, qui se borne à donner au juge la faculté de " demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige ". La société Pearly Investissements ne saurait par suite se prévaloir à cet égard de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de l'article Lp 742-10 du code des impôts.

3. En deuxième lieu, les premiers juges pouvaient, sans entacher leur jugement d'irrégularité, ne pas viser la clôture de l'instruction et ne pas détailler les moyens présentés en défense par la Polynésie française, dans la mesure où cette dernière se bornait à présenter une argumentation tendant à ce que le tribunal écarte les moyens qui lui étaient soumis par la société requérante. La circonstance que l'ordonnance de réouverture d'instruction n'a été prise que le 16 avril 2020, deux jours après le dépôt du mémoire de la Pairie, et non le 27 mars 2020, date de publication au journal officiel de l'ordonnance 2020-305 du 25 mars 2020 ne révèle, contrairement à ce qui soutenu, aucune partialité de la part du tribunal. Il en est de même de la circonstance que la société requérante n'a pas eu le même délai que la Paierie pour présenter ses observations, dès lors qu'elle a bénéficié d'un délai suffisant.

Sur la qualité du ministre pour défendre devant la Cour :

4. D'une part, les règles relatives à la réclamation préalable en matière fiscale qui font partie du contentieux de l'impôt ne sont pas détachables de la procédure administrative contentieuse qui, en vertu du 2° de l'article 14 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, demeure une compétence de l'Etat. L'article 7 de la même loi organique prévoit que les dispositions législatives et réglementaires relatives à la procédure administrative contentieuse sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière. En outre, en vertu du 7° de l'article 14 de cette même loi organique, le " Trésor " est au nombre des matières qui relèvent de la compétence de l'Etat. Par ailleurs, en application des dispositions combinées des articles 64, 93 et 97 de la même loi organique, le Président de la Polynésie française nomme à tous les emplois publics de la Polynésie française, à l'exception du comptable public, agent de l'Etat, chargé de la paierie de la Polynésie française.

5. D'autre part, l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites ". Pour la Polynésie française, l'article LP. 750 du code des impôts de la Polynésie française dispose : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'autorité compétente dont dépend le comptable public. / L'autorité compétente est : / a) Le directeur des impôts et des contributions publiques si le recouvrement incombe au receveur des impôts de la direction des impôts et des contributions publiques ; / b) Le directeur des affaires foncières si le recouvrement incombe au receveur de l'enregistrement de la recette conservation des hypothèques ; / c) L'administrateur général des finances publiques (trésorier-payeur général) dans les autres cas ". Aux termes de l'article LP. 753 du même code : " Si aucune décision sur sa contestation n'a été prise dans le délai d'instruction par l'autorité administrative ou si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, le redevable doit, à peine de forclusion, porter l'affaire devant le juge compétent tel qu'il est défini à l'article LP. 750 dans un délai de deux mois (...). / La procédure juridictionnelle (...) doit être dirigée contre la Polynésie française si le recouvrement incombe au receveur des impôts de la direction des impôts et des contributions publiques ou au receveur de l'enregistrement de la recette conservation des hypothèques. Elle doit être dirigée contre le comptable public chargé du recouvrement dans les autres cas ".

6. Enfin, l'article R. 811-10 du code de justice administrative dispose que : " Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat. / Les ministres peuvent déléguer leur signature dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur ".

7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'une procédure juridictionnelle relative au recouvrement d'impôts polynésiens par voie de rôle, portée devant le Tribunal administratif de la Polynésie française, doit être dirigée contre le comptable public chargé de la paierie de la Polynésie française, qui est un agent de l'Etat. Il s'ensuit que le ministre chargé du budget est, contrairement à ce qui est soutenu, compétent pour présenter ses observations sur l'appel du jugement rendu par ce tribunal administratif dans le présent litige.

Sur les conclusions tendant à la décharge des sommes réclamées :

8. Aux termes de l'article Lp. 750 du code des impôts : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'autorité compétente dont dépend le comptable public./ L'autorité compétente est : a) Le directeur des impôts et des contributions publiques si le recouvrement incombe au receveur des impôts de la direction des impôts et des contributions publiques ; b) Le directeur des affaires foncières si le recouvrement incombe au receveur de l'enregistrement de la recette conservation des hypothèques ; c) L'administrateur général des finances publiques (trésorier-payeur général) dans les autres cas./Les contestations peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, à l'autorité dont dépend le comptable./Les contestations ne peuvent porter que : - soit sur la régularité en la forme de l'acte ; - soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt./ Les recours contre les décisions prises par l'autorité compétente sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le Tribunal administratif de Papeete. ".

9. Dans le cadre du contentieux de recouvrement ouvert par la société requérante, il y a lieu de requalifier les conclusions susvisées en conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes qui lui sont réclamées par les actes litigieux. Il appartient en conséquence à la société d'identifier avec précision les actes de poursuite dont s'agit, et pour chaque somme figurant sur lesdits actes, d'expliquer en quoi, à la date où cet acte a été émis, la somme en cause ne pouvait lui être réclamée, pour des motifs relatifs à l'absence d'obligation de payer, à une erreur sur le montant de la dette, au défaut d'exigibilité de la somme réclamée, ou pour tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Or, la Cour ne trouve pas au dossier d'argumentation intelligible dans ce sens. La société requérante se borne à faire valoir que des crédits de taxe ont pu être imputés sur des impositions prescrites et à demander la production des documents établissant ces imputations. Elle n'établit toutefois pas la réalité et le montant des crédits de taxe dont elle se prévaut. En l'absence de ces précisions, la Cour ne peut qu'écarter le moyen qui lui est ainsi soumis, et cela alors même que l'administration n'a pas produit les avis par lesquels elle aurait imputé des crédits de taxe sur diverses sommes réclamées à la société ni les mesures de poursuite, accompagnées de leurs bases de calcul, ayant interrompu la prescription des impositions sur lesquelles les prétendus crédits de taxe auraient été imputés. Au surplus, et en tout état de cause, aucune disposition n'autorise les contribuables à opposer leur qualité de créancier de la Polynésie française pour se soustraire au paiement de leurs impôts ou pour le différer. Les avis et mesures cités ci-dessus étant inutiles à la solution du litige, les moyens tirés de ce qu'en ne les produisant pas ou en ne produisant pas le détail des calculs des bases de certaines de ces mesures de poursuite, l'administration méconnaitrait de nombreuses dispositions de nature réglementaire, législative, conventionnelle ou constitutionnelle, ainsi que les principes d'égalité devant la loi ou de loyauté des débats, les droits de la défense et le principe de l'égalité des armes, sont inopérants. Il en est de même du moyen tiré de ce que certains des actes de poursuite incriminés seraient entachés de faux. Pour les mêmes motifs que précédemment indiqués, l'ensemble de l'argumentation de la société requérante portant sur le fait que des actes de poursuite n'auraient pas été établis et notifiés dans des conditions permettant d'interrompre la prescription ne saurait conduire à accorder la décharge demandée. Il en est de même de l'argumentation relative aux irrégularités dont serait entaché le bordereau de situation établi en novembre 2020.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des saisies effectuées et au remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée irrégulièrement imputés :

10. D'une part, il n'appartient pas au juge de l'impôt d'annuler les actes de poursuite mais seulement de constater l'absence d'obligation de payer les sommes réclamées par ces actes. D'autre part, la société requérante non seulement ne désigne pas avec précision les actes désignés comme " saisies " dont elle demande l'annulation, mais à supposer même qu'elle ne soit pas en mesure de le faire faute pour l'administration fiscale d'avoir produit les avis de compensation par lesquels les crédits de taxe sur la valeur ajoutée auraient été imputés, elle ne fournit aucun élément permettant d'identifier, par leur date d'apparition et leurs montants, les crédits de taxe sur la valeur ajoutée qui auraient été ainsi " saisis ". Les conclusions susmentionnées relatives aux saisies ne peuvent en conséquence qu'être rejetées, de même que les conclusions tendant aux remboursement de crédits de taxe dont la réalité et le montant ne sont pas établis.

Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice subi, au remboursement des frais de sommation interpellative et au versement de la somme de 1 500 euros par mois de mai 2021 à aujourd'hui, indemnité accordée par le fonds de solidarité créé en raison de la situation due au COVID-19 :

11. Ces conclusions sont nouvelles en appel et par suite irrecevables.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du défendeur, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

13. Les passages des mémoires de la société requérante identifiés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse. Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du ministre, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, qui permettent aux tribunaux, dans les causes dont ils sont saisis, de prononcer la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Pearly Investissements est rejetée.

Article 2 : Les conclusions reconventionnelles du ministre de l'économie, des finances et de la relance sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pearly Investissements et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2022.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 20PA01758


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01758
Date de la décision : 23/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SEP USANG CERAN-JERUSALEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-23;20pa01758 ?
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