Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 mars 2021 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2105999 du 17 mai 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 juin 2021, M. A..., représenté par Me David, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2105999 du 17 mai 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 18 mars 2021 portant transfert aux autorités autrichiennes ;
3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile ainsi que le formulaire de demande d'asile dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
5°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité, la magistrate désignée ayant fait preuve d'impartialité et devant se déporter compte tenu de son inimitié avec l'avocat du requérant, lequel avait demandé sa récusation au titre d'affaires analogues ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il émane d'une autorité incompétente ;
- il a été pris en violation des articles 4 et 5 du règlement de l'Union Européenne n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il a été pris en violation de l'article 17 du règlement 604/2013 mentionné ci-dessus et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit d'observations
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 5 juillet 2021.
Les parties ont été informées par la Cour, le 23 novembre 2021, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré du défaut d'objet de la requête à raison de l'expiration du délai de transfert en cause au terme du délai de six mois suivant la notification du jugement entrepris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Simon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan, demande l'annulation du jugement du 17 mai 2021, par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 18 mars 2021 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités autrichiennes pour examiner sa demande d'asile.
Sur les conclusions tendant à ce que M. A... soit admis à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 5 juillet 2021. Par suite, ces conclusions sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code applicable au litige : " (...) II. - Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert ou lorsque celle-ci est notifiée alors que l'étranger fait déjà l'objet d'une telle décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévu au III de l'article L. 512-1. (...) ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
6. Il ressort des pièces du dossier que le délai de six mois prévu par l'article 29 du règlement susvisé n° 604/2013, interrompu par la saisine du tribunal administratif de Paris le 23 mars 2021, a recommencé à courir à la date de notification du jugement du 17 mai 2021 du Tribunal au préfet de police, intervenue le 21 mai 2021. Le préfet de police, qui n'a pas produit de mémoire en défense, ne s'est pas prévalu, dans ce délai, d'un autre motif d'interruption ou d'un motif de prorogation. Dans ces conditions, la France étant devenue responsable de la demande d'asile formée par M. A... le 13 janvier 2021, la décision de transfert du 18 mars 2021 n'est plus susceptibles de recevoir exécution.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen soulevé au titre de la régularité du jugement entrepris, qu'il n'y a plus lieu, pour la Cour, de statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 18 mars 2021, ni sur celles tendant à l'annulation du jugement du 17 mai 2021.
Sur les frais de l'instance :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat les sommes exposées par M. A... ou son conseil et non compris dans les dépens. Ces conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont ainsi rejetées.
D E C I D E
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce que M. A... soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte de la requête de M. A....
Article 3 : Les conclusions de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- M. Simon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 18 mars 2022.
Le rapporteur,
C.SIMONLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA03196 2