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18/03/2022 | FRANCE | N°20PA02316

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 18 mars 2022, 20PA02316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 par lequel le ministre de l'éducation nationale et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ont prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de révocation et d'enjoindre à ces ministres de le réintégrer et de reconstituer sa carrière dans un délai de cinq jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

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r une ordonnance du 1er octobre 2018, le président du tribunal administratif de

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 par lequel le ministre de l'éducation nationale et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ont prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de révocation et d'enjoindre à ces ministres de le réintégrer et de reconstituer sa carrière dans un délai de cinq jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par une ordonnance du 1er octobre 2018, le président du tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a transmis au tribunal administratif de Paris le dossier de la requête de M. A....

Par un jugement n° 1817451 du 17 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 août 2020, M. A..., représenté par Me Grimaldi, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1817451 du 17 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 prononçant une sanction de révocation à son encontre ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de le réintégrer dans les effectifs du ministère dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la sanction attaquée a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'avis rendu le 5 juillet 2018 par la commission administrative paritaire locale siégeant en formation disciplinaire est insuffisamment motivé et ne comporte pas le décompte des voix ;

- il est entaché d'un défaut d'impartialité des membres du conseil de discipline ;

- la composition du conseil de discipline était irrégulière, seuls deux représentants du personnel ayant siégé ;

- la sanction infligée à son encontre est disproportionnée.

Par un mémoire enregistré le 9 avril 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Soyez,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- les observations de Me Belahouane, avocate, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 16 juillet 2018, le ministre de l'éducation nationale et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ont prononcé la sanction de révocation à l'encontre de M. A..., technicien assistant polyvalent aménagement intérieur, au sein du bureau de la logistique du service de l'action administrative et des moyens des ministères, au motif qu'il avait été surpris le 1er juin 2018, dans les locaux du service, en train de soustraire des biens stockés par ce bureau et de les charger dans son véhicule personnel. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 17 juin 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, codifié à l'article L. 530-1 du code général de la fonction publique à compter du 1er mars 2022 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, codifié à l'article L. 533-1 du code général de la fonction publique à compter du 1er mars 2022 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : (...) la révocation (...) ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Il est constant que M. A... a tenté de profiter de ses fonctions de gestionnaire du stock de l'atelier du bureau de la logistique pour s'approprier des objets et matériaux entreposés dans cet atelier et les revendre, le cas échéant après remise en état. Par suite, et alors même que les biens en question étaient pour beaucoup hors d'usage et destinés à être mis au rebut, le ministre de l'éducation nationale et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ont exactement qualifié de fautifs ces faits, qui sont contraires à la probité. Dès lors, de tels agissements sont, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, de nature à justifier une sanction disciplinaire.

5. Toutefois, il n'apparaît pas, contrairement à l'un des deux motifs retenus à l'appui de la sanction, que les faits reprochés à M. A... se soient produits dans des conditions telles qu'ils aient porté atteinte à la considération du service au sein du ministère concerné. Si répréhensible qu'ils soient, le préjudice matériel susceptible d'en résulter pour l'administration était limité, en raison de la faible valeur des matériaux en cause, dont le vol, au surplus, a été découvert à l'occasion de sa commission. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., fonctionnaire titulaire depuis 2001, dont la manière de servir ne lui avait attiré jusque-là aucun reproche et qui faisait l'objet d'évaluations favorables, ait déjà commis de tels actes, ce que, d'ailleurs, l'administration admet en défense. Il suit de là que, dans les circonstances de l'espèce, en révoquant M. A..., le ministre de l'éducation nationale et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ont prononcé une sanction qui n'est pas proportionnée à la faute commise.

6. Il est cependant loisible à l'administration d'infliger à M. A..., en cas de reprise de la procédure disciplinaire, une des sanctions moins sévères prévues par le législateur, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles seraient toutes, en raison de leur caractère, insuffisantes eu égard à cette faute.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la sanction litigieuse.

Sur les conclusions accessoires :

8. L'annulation de la sanction du 16 juillet 2018 implique nécessairement la réintégration de M. A.... Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de procéder à cette réintégration dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'une astreinte.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est, dans la présente instance, la partie perdante, la somme de 2 000 euros que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1817451 du tribunal administratif de Paris en date du 17 juin 2020 et l'arrêté du ministre de l'éducation nationale et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en date du 16 juillet 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de réintégrer M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Délibéré après l'audience du 18 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 18 mars 2022.

Le rapporteur,

J.-E. SOYEZ La présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20PA02316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02316
Date de la décision : 18/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI-MOLINA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-18;20pa02316 ?
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